Lancé officiellement le 6 novembre au Village by CA Paris, l’AI Manager Club se présente comme la première communauté professionnelle dédiée au déploiement de l’intelligence artificielle dans les organisations françaises. Une initiative bienvenue, mais dont le positionnement semble encore trop restreint face aux enjeux d’acculturation globale des entreprises.
Tandis que les entreprises s’efforcent d’ancrer l’usage de l’intelligence artificielle dans les pratiques quotidiennes, une initiative entend fédérer ceux qui sont en première ligne du déploiement. L’AI Manager Club, présenté comme le premier réseau national des responsables IA en entreprise, sera inauguré le 6 novembre à Paris. À l’origine du projet, deux figures bien implantées dans l’écosystème tech français : Emmanuel Papadacci-Stephanopoli (Le Village by CA) et Octave Laurentin (entrepreneur IA). Tous deux défendent une vision structurante du rôle d’AI Manager, à travers un club orienté partage d’expérience, montée en compétence et structuration de feuille de route.
Le socle du club repose sur une étude menée en août 2025 sur plus de 2 500 profils LinkedIn identifiés comme actifs dans l’IA. Après tri manuel pour exclure les consultants et les prestataires externes, 1 000 postes internes ont été retenus (Head of AI, AI Product Manager, Lead AI, etc.). Cette cartographie – qui reste inédite – doit offrir une base tangible pour structurer un espace d’échange entre pairs confrontés aux mêmes défis : sortir de la phase exploratoire, structurer les compétences, affiner la gouvernance, sécuriser les budgets.
Une réponse nécessaire… mais encore trop centrée sur les profils techniques
Les membres du club bénéficieront d’un format hybride mêlant dîners, ateliers de co-développement, communauté en ligne et accès privilégié à des ressources méthodologiques. Des AI Managers issus de grands groupes viendront témoigner de leurs parcours – succès, impasses, recommandations. Parmi les premiers intervenants annoncés : Damien Wattez (SNCF Voyageurs), Didier Lellouche (LCL) et Carole Barkatz (Maddyness).
La création du club répond clairement au besoin d’accompagner une fonction émergente, souvent isolée, appelée à structurer les usages de l’IA au sein des organisations. Toutefois, la logique même de cette initiative interroge. Pourquoi limiter la communauté à ces seuls 1 000 professionnels identifiés, sur des fonctions très techniques ou stratégiques ? Le risque est de créer un entre-soi élitiste, là où le véritable défi réside dans la diffusion des usages auprès des managers de proximité et des métiers opérationnels.
Le pilotage de l’IA en entreprise ne se résume pas à sa maîtrise technique. Il suppose une appropriation large, une pédagogie active, une transformation des pratiques managériales. Former les AI Managers est un pas important, mais former les managers tout court – RH, commerciaux, chefs de projet, responsables qualité, DAF – devient aujourd’hui indispensable pour éviter le syndrome des outils déployés mais non utilisés.
L’adoption de l’IA passe aussi par les managers intermédiaires
Ce biais structurel, concentrer l’effort sur une élite technologique de l’IA, peut nuire à l’adoption généralisée. Dans de nombreuses entreprises, les agents IA ou copilotes restent cantonnés aux laboratoires ou aux centres d’excellence. Or les freins se situent souvent plus bas dans l’organigramme, comme la méconnaissance des cas d’usage, la peur de l’obsolescence, la résistance culturelle, l’absence de support dans les décisions opérationnelles. La stratégie d’adoption ne peut réussir sans impliquer les managers intermédiaires, relais essentiels de la transformation.
La promesse du club est ambitieuse et son lancement marque une étape structurante. Mais pour catalyser une adoption réellement organisationnelle de l’IA, l’effort devra s’élargir. Le besoin d’un club est avéré. Reste à savoir s’il évoluera vers une plateforme ouverte, capable de réunir les acteurs de terrain, les équipes métier et les relais managériaux autour d’une IA utile, explicable et soutenable.
