En décrivant trois postures organisationnelles de trajectoires des systèmes d’information, l’étude prospective de Gartner pour 2026 s’appuie sur des chiffres, des tendances mesurées et des projections qui éclairent une réalité : la résilience géopolitique du numérique devient une compétence stratégique. Entre dépendance, exigences réglementaires et pressions sur les capacités de calcul, les entreprises doivent désormais concevoir leur SI comme une infrastructure de continuité économique.

Le numérique s’est imposé comme un champ de confrontation indirecte entre politiques industrielles, régulations extraterritoriales, exigences de souveraineté et stratégies de puissance. L’étude de Gartner, « TopTen Strategic Trends 2026 », souligne que 75 % des entreprises auront rapatrié ou relocalisé une partie de leurs charges critiques d’ici 2030, une évolution motivée par les risques géopolitiques et les exigences réglementaires grandissantes. Dans le même temps, le besoin de puissance de calcul explose et pousse vers des architectures hybrides, tandis que la question de la protection des données en cours d’usage devient centrale. Les trois postures proposées par Gartner fournissent ainsi un cadre opérationnel crédible pour stabiliser et sécuriser des SI désormais exposés à des risques bien au-delà de la seule cybersécurité classique.

Ce triptyque s’appuie sur des réalités mesurables. Gartner prévoit par exemple que 80 % des organisations remplaceront leurs grandes équipes de développement par de petites équipes renforcées par l’IA d’ici 2030 et que 40 % des portefeuilles applicatifs comprendront des applications construites sur des plateformes de développement IA natives. De la même manière, 75 % des traitements réalisés dans des environnements non maîtrisés seront protégés par des technologies de confidential computing d’ici 2029. Ces chiffres illustrent une dynamique claire : la résilience géopolitique passe par la maîtrise technique, la capacité d’orchestration technologique et une gouvernance de confiance documentée.

L’Architecte consolide la base et sécurise les capacités

La première posture consiste à renforcer les fondations techniques du SI pour limiter la vulnérabilité stratégique. Gartner identifie trois leviers clés : des plateformes de développement IA natives, des environnements de calcul à haute performance et le confidential computing. La tendance n’est pas marginale. L’étude prévoit qu’au moins 40 % des organisations adopteront des architectures hybrides mêlant plusieurs paradigmes de calcul d’ici 2028, confirmant que la résilience passe par la diversification.

Le confidential computing, qui protège les données pendant leur traitement y compris dans des environnements non totalement fiables, devrait quant à lui sécuriser 75 % des traitements sensibles à l’horizon 2029. Historiquement, les entreprises ont souvent pensé sécurité en termes de stockage et de transit. Désormais, c’est la phase de calcul elle-même qui devient critique. L’Architecte prépare ainsi des systèmes capables de fonctionner malgré les tensions réglementaires, les contraintes de localisation et les incertitudes politiques.

Le Synthétiseur, créer de la valeur et de l’autonomie

La deuxième posture repose sur la capacité à orchestrer plusieurs technologies pour réduire les dépendances et renforcer la continuité métier. Gartner observe une explosion d’intérêt pour les systèmes multi-agents, avec une hausse de 1 445 % des demandes d’information entre 2024 et 2025. Cette dynamique traduit une recherche d’autonomie opérationnelle : plutôt qu’un agent centralisé ou une plateforme unique, les organisations privilégient des architectures capables de réagir localement, de s’adapter et de s’intégrer à plusieurs écosystèmes.

Parallèlement, Gartner estime que 30 % des modèles d’IA d’entreprise seront spécialisés par métiers d’ici 2028 et qu’une part croissante s’exécutera en local ou sur site. Cela signifie que la valeur numérique se rapproche des métiers, des territoires, des environnements industriels ou critiques. Enfin, la progression annoncée de l’IA physique dans les environnements industriels montre que la résilience ne sera plus uniquement logicielle. Le Synthétiseur ne protège pas seulement, il rend l’organisation plus agile, capable de reconfigurer ses chaînes numériques si un acteur, une technologie ou une zone réglementaire devient soudainement inopérable.

La confiance et la souveraineté comme piliers

La troisième posture fonctionne sur un plan institutionnel et stratégique. Gartner estime que 50 % des dépenses en sécurité logicielle concerneront des solutions « préemptives » d’ici 2030, c’est-à-dire capables d’anticiper et de neutraliser des menaces avant leur exécution. Dans le même esprit, les plateformes de sécurité dédiées à l’IA devraient être adoptées par 80 % des entreprises d’ici 2028 afin de gérer les risques spécifiques aux usages IA.

La provenance numérique devient également un enjeu politique et économique majeur, d’autant que les régulations imposent progressivement des mécanismes de traçabilité, par exemple pour les contenus générés par IA. Enfin, la géopatriation illustre pleinement la dimension géopolitique de la résilience numérique. Selon Gartner, 75 % des entreprises auront engagé un mouvement de relocalisation partielle de leurs charges critiques vers des infrastructures nationales, souveraines ou mieux protégées réglementairement. Cette évolution n’est plus un débat académique. Elle traduit une réorganisation concrète des architectures cloud sous l’effet des tensions internationales et des politiques publiques.

Vers des systèmes d’information résilients

Ces trois postures se combinent plus qu’elles ne s’opposent. L’Architecte réduit les vulnérabilités structurelles, le Synthétiseur développe l’agilité et la capacité d’adaptation, l’Avant-garde garantit confiance, conformité et continuité. L’étude Gartner montre qu’un SI conçu pour 2026 ne se contente plus d’être performant. Il devient une infrastructure de résilience économique capable de résister aux chocs géopolitiques, d’absorber les évolutions réglementaires, de préserver les données critiques et de sécuriser la continuité métier.

Pour les directions informatiques, cette mutation impose des choix architecturaux assumés, une montée en maturité sur la gouvernance de l’IA et une culture stratégique pleinement consciente que le numérique est, désormais, une affaire de souveraineté autant que de technologie. Les bénéfices sont tangibles : réduction des risques d’interruption, sécurisation des actifs, meilleure maîtrise des coûts liés au calcul et renforcement de l’autonomie décisionnelle des organisations.

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