La bascule vers la 5G et la différenciation des services de connectivité redéfinissent la trajectoire mondiale des télécommunications. Selon le rapport Ericsson Mobility Report, la généralisation du slicing réseau et des offres différenciées modifie radicalement les stratégies des opérateurs et les attentes des entreprises comme des particuliers. L’essor du FWA et les prémices de la 6G installent une nouvelle logique de valeur autour de la performance, de l’expérience et de la monétisation.

L’année 2025 marque un tournant structurel pour l’industrie mobile mondiale. Après plusieurs années de déploiement accéléré, la 5G atteint une masse critique avec 2,9 milliards d’abonnements attendus à la fin de l’année, soit près du tiers des souscriptions mobiles. Ce mouvement, d’abord porté par l’Asie du Nord et l’Amérique du Nord, gagne désormais l’Europe de l’Ouest et les pays du Golfe, où la pénétration devrait dépasser 55 % d’ici décembre.

Cette dynamique s’accompagne d’une diversification sans précédent des usages, alimentée par la généralisation des offres FWA (accès fixe sans fil), la multiplication des terminaux compatibles et la progression des services à forte valeur ajoutée : la connectivité différenciée, l’expérience sur mesure, la priorisation applicative et les garanties de performance. Face à cette transformation, les opérateurs se réinventent en architectes de plateformes, capitalisant sur l’intégration de l’IA, du cloud et de la virtualisation réseau pour proposer des modèles d’engagement, de tarification et de fidélisation inédits.

La 5G s’impose comme socle des nouveaux modèles de connectivité

Le rapport Ericsson montre la généralisation du slicing réseau, qui passe du stade expérimental à une véritable industrialisation commerciale. En 2025, plus de 360 opérateurs ont lancé des services 5G commerciaux, dont 90 ont franchi le cap de la 5G standalone, condition essentielle pour déployer des offres différenciées (priorité, garantie de latence, sécurité renforcée, connectivité contextuelle). En Europe, cette logique séduit particulièrement les marchés matures, où la bataille tarifaire laisse place à une concurrence sur l’expérience et la qualité de service. Près de la moitié des cas d’usage slicing recensés dans le monde proviennent d’opérateurs européens, illustrant l’accélération de la monétisation autour des offres B2B, des événements sportifs, des services publics et des segments industriels stratégiques.

La progression de la 5G dépasse désormais le seul critère de couverture pour s’ériger en standard d’accès universel à la donnée haut débit. D’ici 2031, plus de deux tiers des abonnements mobiles dans le monde reposeront sur la 5G, estime le rapport, avec des taux de pénétration supérieurs à 90 % en Amérique du Nord, en Europe de l’Ouest et dans les pays du Golfe. L’Europe, qui a longtemps souffert d’un décalage par rapport aux marchés pionniers, rattrape son retard sous l’effet d’investissements massifs dans le réseau, la virtualisation et la densification des sites mid-band.

La migration rapide vers la 5G SA permet aux opérateurs de proposer des garanties différenciées et d’ouvrir la voie à de nouveaux modèles d’affaires, tant sur les segments grand public que professionnels. Cette généralisation s’accompagne d’une mutation des usages : la consommation mensuelle moyenne par smartphone atteint 21 Go en 2025 et devrait franchir 39 Go en 2031, portée par la vidéo et la multiplication des applications immersives et collaboratives.

La 5G s’impose comme socle des nouveaux modèles de connectivité

En parallèle, l’adoption du FWA (Fixed Wireless Access, soit l’accès fixe sans fil ) accélère la désintermédiation de l’accès fixe, en particulier dans les zones peu ou mal desservies par la fibre. À l’échelle mondiale, 350 millions de connexions FWA sont attendues d’ici 2031, soit l’équivalent de 1,4 milliard de personnes bénéficiant d’un accès haut débit via la 5G, dont la moitié en Asie-Pacifique. Cette dynamique stimule la demande de terminaux 5G et pousse les opérateurs à développer des offres segmentées par débit, priorité ou performance, sur le modèle des FAI fixes traditionnels. Le FWA représente déjà 27 % du trafic mobile mondial et pourrait atteindre 36 % en 2031, matérialisant le basculement vers une logique d’accès convergent et ubiquitaire. L’enjeu central pour les opérateurs n’est plus la quantité de données, mais la capacité à offrir des expériences personnalisées et monétisables. Le rapport Ericsson identifie un glissement de la promesse de volume vers la différenciation par la qualité, la latence, la sécurité ou l’usage contextuel.

Slicing et expérience, vers une monétisation renouvelée

Le slicing réseau, pierre angulaire de la 5G SA, permet de segmenter dynamiquement les ressources pour adresser des besoins métier, des situations ponctuelles ou des applications critiques comme la diffusion HD en événementiel, télé-opération, réseaux privés industriels, services d’urgence, mobilité autonome, etc. Les offres « expérience garantie » se multiplient, intégrant priorisation, SLA, sécurité à la demande, voire des garanties de performance contractualisées.

La réussite de ces modèles repose sur la capacité des opérateurs à traduire les bénéfices techniques en promesses concrètes pour l’utilisateur : streaming fluide en zone dense, gaming sans latence, télé-expertise médicale sécurisée, connectivité événementielle ou industrielle sur mesure. L’étude Ericsson recense 118 offres slicing dans le monde, dont 65 sont déjà commercialisées, couvrant à la fois le B2C et le B2B. Les premiers retours montrent un impact significatif sur la satisfaction et la fidélisation, avec des taux de souscription élevés sur les forfaits à expérience garantie et des perspectives de revenus supplémentaires dans les segments verticaux stratégiques.

Accélération du trafic, tensions énergétiques et mutation du secteur

La montée en charge des réseaux mobiles se traduit par une croissance de 20 % du trafic mondial entre le troisième trimestre 2024 et le troisième trimestre 2025, avec un pic historique attendu pour la fin d’année. Ce dynamisme, alimenté par la vidéo, l’IA générative et la généralisation des usages immersifs, impose une optimisation continue des infrastructures, notamment sur l’uplink, les capacités de transport et la virtualisation des fonctions réseaux. Le rapport met en évidence des écarts régionaux marqués : tandis que l’Inde et la Chine tirent la croissance mondiale du trafic, certaines régions comme le Brésil subissent un ralentissement lié à la hausse des tarifs, alors que d’autres accélèrent sous l’effet de la concurrence et de l’innovation tarifaire.

Cette expansion s’accompagne d’une pression croissante sur la soutenabilité énergétique. L’électricité consommée par le secteur TIC a bondi de 940 à 1100 TWh entre 2020 et 2024, principalement sous l’effet de la croissance des centres de données et de l’adoption accélérée de l’IA. Si les émissions de gaz à effet de serre ont légèrement reculé grâce à la progression des énergies renouvelables, le ralentissement des investissements dans ce domaine fait peser une incertitude sur l’équation carbone à horizon 2030. Ericsson anticipe une stabilisation de la croissance énergétique après 2025, mais conditionne cette évolution à la généralisation de l’IA frugale, à l’optimisation des réseaux et à une accélération du mix renouvelable dans le cloud et les datacenters.

Vers la 6G : architectures natives IA et nouveaux territoires d’innovation

Au-delà de la 5G, le rapport Ericsson trace les contours des prochaines étapes de l’innovation réseau avec l’émergence de la 6G. Les travaux de normalisation ont débuté autour d’une architecture exclusivement standalone, intégrant nativement l’IA, la détection-senseur et des modèles radio totalement refondus. Les premiers déploiements commerciaux sont attendus après 2030, avec une anticipation d’adoption rapide dans les marchés précurseurs. La 6G ambitionne d’ouvrir la voie à de nouveaux usages : jumeaux numériques massifs, mobilité autonome, réalité mixte à large échelle, objets connectés intelligents et connectivité contextuelle. À horizon 2031, 180 millions d’abonnements 6G pourraient déjà être comptabilisés, hors périmètre des objets connectés autonomes. L’Europe, qui accuse un léger retard sur la 5G SA, devrait amorcer le passage à la 6G environ un an après les leaders mondiaux.

La compétition technologique mondiale s’étend également à l’espace, avec l’essor des constellations de satellites en orbite basse. Ces réseaux hybrides devraient porter le nombre d’abonnements satellite de 9 millions fin 2025 à 30 millions en 2031, participant à la couverture universelle du haut débit et à la résilience des infrastructures critiques. Ce foisonnement d’architectures dessine un avenir où la connectivité devient pervasive, multimodale et contextuelle, soutenue par l’IA et une convergence renforcée du cloud, du mobile et de la cybersécurité.

publicité