L’Union européenne entend établir une réglementation stricte sur l’utilisation de l’intelligence artificielle par les entreprises technologiques. Potentiellement, ce projet peut avoir des conséquences plus ou moins importantes sur ces sociétés, surtout pour les géants technologiques comme Google, Facebook et Apple qui s’appuient de plus en plus sur l’IA pour se développer. C’est vraisemblablement la raison pour laquelle les dirigeants de ces grandes firmes se déplacent à Bruxelles pour rencontrer les responsables européens. Ainsi, Sundar Pichai, directeur général d'Alphabet, la société mère de Google, a été vu dans la capitale européenne, comme John Giannandrea, vice-président sénior d’Apple pour l’IA, mais aussi Mark Zuckerberg. Ce dernier s’est entretenu avec Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive de l’UE. Sundar Pichai a déclaré, en marge de sa visite à Bruxelles, qu’il était d’accord sur l’idée de la réglementation de l’IA, notamment pour assurer la surveillance humaine de la technologie. Par contre, il soutient l’idée qu’un équilibre doit être trouvé pour que les réglementations n’entravent pas la marche vers l’innovation. Margrethe Vestager va publier dans peu de temps le premier jet de la politique européenne sur l’intelligence artificielle, de même que des recommandations plus larges sur la future stratégie numérique de l’UE. Les débats politiques se poursuivront pendant toute l’année 2020. Les premières propositions sur la réglementation de l’IA devaient décrire les utilisations les plus risquées de la technologie dans quelques domaines clés comme la santé et le transport, notamment sur le développement des voitures autonomes.

Si les dirigeants de Silicon Valley se montrent aussi pressés de rencontrer les dirigeants européens, c’est qu’ils craignent particulièrement la généralisation d’une réglementation trop contraignante de l’IA. Récemment, l’UE a déjà pénalisé des entreprises comme Google pour des questions antitrust. Plusieurs pays dans le monde ont ensuite suivi le pas. Si l’Europe adopte des règles strictes sur l’IA, d’autres pays pourront également l’imiter. Pourtant, les entreprises technologiques comme les gouvernements sont convaincus que l’IA est actuellement l’une des technologies les plus transformatrices. En parallèle, elle présente aussi des menaces majeures sur la vie privée et sur la sécurité des emplois.

Margrethe Vestager concède que l’IA est une des technologies les plus prometteuses, mais souligne particulièrement les dangers qu’elle présente. Les utilisateurs de l’IA doivent en effet faire confiance à des algorithmes complexes qui vont prendre des décisions cruciales à leur place. La dirigeante insiste sur la nécessité de réglementer la technologie sur les questions touchant la protection de la vie privée et les discriminations. Elle a émis des réserves particulières sur l’utilisation de la technologie de reconnaissance faciale, et réitère que certaines restrictions doivent être imposées afin d’éviter sa propagation non maîtrisée.

L’effort européen sur la mise en place d’une politique d’intelligence artificielle est placé sous la houlette de la nouvelle présidente de la Commission Ursula von der Leyen. Après sa prise de fonction en novembre dernier, elle a donné l’ordre à Margrethe Vestager de présenter une première proposition de réglementation dans un délai de 100 jours. Certains observateurs comme l’investisseur britannique Ian Hogarth pensent que ce calendrier est trop précipité. De plus, si l’UE propose des réglementations trop larges, cela ne va pas permettre de tirer parti des avantages offerts par la technologie comme la facilité de diagnostiquer les maladies, le développement des véhicules autonomes et la création de réseaux énergétiques. Mais en général, le déroulement actuel des débats en Europe confirme la différence des approches adoptées par l’Europe et les États-Unis sur la question de la réglementation de l’IA. Les législateurs outre-Atlantique importunent moins les industries de la Silicon Valley, leur permettant de développer leurs technologies au risque de fermer les yeux sur certains côtés négatifs comme la désinformation sur les réseaux sociaux. En Europe, c’est tout à fait le contraire. Les législateurs adoptent une approche plus pratique en décrivant des limites à la technologie de l’IA comme la vie privée et les contenus web préjudiciables. D’ailleurs, la Grande-Bretagne a lancé son projet de création d’un régulateur gouvernemental chargé de superviser les contenus en ligne. Cette approche est confirmée par Margrethe Vestager elle-même. Dans une interview, elle la compare à la réglementation agricole. De nombreux pesticides sont autorisés aux États-Unis, alors qu’ils sont interdits en Europe. Dans tous les cas, les décideurs européens disposent de nombreux référentiels sur lesquels se baser pour mettre en place la réglementation sur l’IA. Selon PwC, 44 rapports ont déjà été produits par diverses organisations.

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