Après l'évocation du rôle de l'ITSM dans le renforcement de la crédibilité du DSI pour délivrer des services et accéder à la responsabilité de la transformation digitale de son organisation, c'est au tour de Yannick GIQUEL, DSI du Conseil Départemental de la Drôme, de nous faire part de son témoignage. Compte rendu de la session d'information du CXP sur l'ITSM dans le secteur public, en partenariat avec IT Social. Seconde partie : le témoignage de Yannick GIQUEL, DSI du Conseil Départemental de la Drôme. C'est en 2010 que Yannick GIQUEL a lancé le projet de déployer l'ITSM sur sa DSI du Conseil Départemental de la Drôme. « L'objectif, sobre, était de travailler sur le périmètre de la DSI, tout en évitant de rentrer dans des choses trop normatives ». Et pour cela de développer une culture ITIL. S'étant fixé 5 axes d'amélioration - développer l'amélioration permanente, la pro-activité, la qualité perçue (celle de l'utilisateur), la capitalisation, et adapter les outils – le DSI a ciblé l'amélioration, et non pas l'optimisation qui aurait pris trop de temps, et privilégié les gains rapides. « Il faut rester humble dans la progression et glisser dans ITIL partout où c'est possible ». Le déploiement d'un démarche ITSM ne s'est cependant pas déroulé sans rencontrer quelques difficultés. Yannick GIQUEL souligne en particulier la nécessité de disposer d'un accompagnement, de créer des groupes de travail participatifs, avec des réunions hebdomadaires, de prendre en compte le frein au changement bien naturel des agents, la difficulté à rendre transparent les contrats de service, la difficulté à saisir l’ensemble des demandes, des réunions de mise en production perçues comme lourdes, etc. Au départ réservée exclusivement à la DSI, la visualisation des SLA s'est ouverte progressivement aux métiers. C'est ainsi qu'à la sensation initiale de 'flicage' ressentie par certains à la DSI a succédé, la mise en place d'indicateurs pour des mesures objectives. Enfin, le transfert de compétence des équipes Infrastructure vers les équipes Support a été réalisé progressivement et en douceur.

Combien de temps avant les 1ers résultats, et avec quels outils ?

La DSI du CD de la Drôme a enregistré ses premiers résultats significatifs, avec la capacité de communiquer sur le Help Desk par lequel elle a commencé. Ce sujet a été traité au bout de 6 mois et a permis de montrer des résultats tangibles. Ensuite, la mise en place du catalogue de services a occupé une partie des équipes durant un an. Quant à l'outillage pour le SI de la DSI, le département de la Drome a fait le choix de l'Open Source, avec l'outil GLPI - « Il y a beaucoup de choses dedans, c'est notre outil de base » - et la supervision Nagios. Les tableaux de bord ont été développés par la DSI, et sont automatisés à 95 %. Quant à la conduite de projet… « De l'huile de coude, du Word et du Excel avec une méthode interne mais classique ».

L'imbrication de ITIL V2 dans V3

Le schéma directeur du SI - avec ses 220 projets envisagés à 3 ans et son portefeuille des projets (120 projets traités par an) - étant suivi, la DSI du CD de la Drôme a entamé naturellement sa migration vers ITIL V3. Plus précisément, il ne s'agit pas d'une bascule mais plutôt d'une imbrication des processus ITIL V2 dans V3. « Nous n'avons pas à couvrir l'ensemble du spectre. ITIL est dans l'itération continue, avec une continuité de la démarche, un système de management continu, mais avec des résultats dès les premiers mois ! Dans ITIL V3 tout est service, c'est un niveau supérieur puissant mais il n'est pas facile à appréhender ». Notons qu'en matière de gestion financière, la DSI ne pratique pas la refacturation interne. Que sur la gestion de la demande (pour la partie projets), la DSI organise des rencontres trimestrielles avec les directions métiers. En matière de gestion des relations business, des réunions régulières sont accompagnées de tableaux de bords trimestriels pour le suivi de l'évolution des processus.

Conception, continuité, transition des services

Yannick GIQUEL fait un autre constat : les chefs de projets informatique ne sont pas suffisamment légitimés pour travailler sur les impacts organisationnels des transformations. C'est pourquoi il travaille très en amont sur la problématique des processus qui sont maintenant traités avant le démarrage de tout nouveau projet, ainsi que sur la gestion de la continuité via un PCSI validé par les directions métiers. « En matière de sécurité, il nous faut faire preuve d'une paranoïa raisonnée, et savoir raison garder en fonction des budgets. Un des points importants, c'est la gestion des identités ». Le référentiel gestion des identités s'appuie sur la base de données RH, avec un worlflow sophistiqué. « La base de données du SI n'est pas la base de données référente. Nous avons dû faire accepter de s'appuyer sur la base de données RH ce qui a impliqué de retravailler les process RH, et nous a obligé de retoucher leur nomenclature. Cela a été assez difficile, lourd, mais nous avons bénéficié de l’appui de la DRH ». Cette partie est automatisée au maximum et s’appuie tout naturellement sur nombre de services ITIL. La DSI du CD de la Drôme a également mis en place des outils et des dossiers de gestion. « La validation des tests est améliorable, les machines de test sont équivalentes à la prod, mais pas toujours ! Une des difficultés est aussi de trouver des disponibilités pour nos chefs de projets utilisateurs afin de qualifier les nouvelles versions ». La gestion des connaissances est assurée via un puissant Intranet du SI, qui est mis à jour tous les mois par des groupes de travail permanents.

Apport d'ITIL, satisfaction et évolutions

La réussite du projet ITSM mené par la DSI du Conseil Départemental de la Drôme a reposé sur une approche volontaire et agile. Elle a également reposé sur la communication, la transversalité, la sécurisation ainsi que sur un back-office fiable et performant. « Il a fallu que les équipes support, études et infrastructure se parlent de mieux en mieux, avec des réunions mensuelles pour évoquer l'avancée des projets. Sans échanges et sans communication, point de salut ». Gage de succès, la gestion de projet a été généralisée à l'ensemble de la communauté. Un essaimage pour d'autres directions ressources s’est également mis en place. Et plus étonnant un centre d'appel ITIL s’est mis en place dans d'autres directions métiers. « En fait, ils font de l’ITIL comme Mr Jourdain faisait de la prose ». A l'évocation des évolutions, Yannick GIQUEL insiste sur la prise en compte des problématiques organisationnelles. « Il n'y a pas de démarrage de projet sans processus. Pour certains projets, on doit se donner le droit à l'erreur et faire du jetable. Il est majeur de mettre en place une véritable gestion du changement. Il est important pour la DSI de mieux appréhender les métiers afin d'acquérir de nouvelles compétences. Il faut également continuer d'acculturer les décideurs. Entre les SI métiers et les SI usagers, une interaction forte avec la DSI est nécessaire et indispensable, il nous faut être présent sur ce sujet ». Quant à la vision de la DSI centre de valeur face au centre de coût, le DSI invite à prendre en compte une vision ROI. « A l'origine, nous n'avons rien vendu à la Direction Générale. Nous n'avions pas de ROI attendu. Pour mettre en place tous ces processus, nous n'avons pas non plus recruté des ressources. C'est aujourd'hui, 5 ans après, que nous commençons à mesurer un ROI. En 5 ans, le parc a augmenté de 25 %, mais nous sommes toujours à isopérimètre en terme de ressources humaines. Nous n'aurions pas eu la capacité de gérer cette augmentation de 25 % sans industrialisation et automatisation du support. En terme de satisfaction du service rendu, la dernière enquête interne réalisée nous a également montré la bonne perception qu’ont nos utilisateurs de la DSI et l’ITSM n’est pas pour rien dans cette lecture. ». La DSI du département de la Drôme est composée de 29 personnes, plus 5 techniciens sur les collèges. Elle sert 2800 utilisateurs, avec 2700 postes de travail sur 160 sites distants.