Selon le baromètre Expectra, les salaires des cadres ont progressé de 3,9 % en 2025. Le secteur des technologies enregistre la plus forte hausse, porté par la demande sur l’IA, la cybersécurité ou encore le cloud. L’étude confirme que la maîtrise de l’intelligence artificielle devient un levier de négociation salariale, mais souligne aussi le retard des entreprises sur la formation.
Dans un climat économique tendu, marqué par des tensions géopolitiques persistantes et une croissance ralentie, le marché de l’emploi des cadres semble se maintenir grâce à la dynamique technologique. Si les recrutements se font plus rares et les processus plus longs, la pression sur les compétences rares pousse les entreprises à maintenir un haut niveau salarial. Expectra enregistre une hausse moyenne de 3,9 % pour les cadres, et de 3,3 % pour l’ensemble des profils qualifiés (ETAM inclus). Sur cinq ans, l’augmentation atteint 15,7 %, preuve d’un ajustement structurel aux tensions de recrutement.
Cette stratégie de valorisation n’est pas uniforme. Elle privilégie clairement les métiers techniques, notamment dans les technologies, où les expertises en cloud, cybersécurité, science des données ou intelligence artificielle concentrent les hausses. Pour attirer et fidéliser les talents dans ces domaines, les entreprises consentent des efforts financiers soutenus, malgré le ralentissement des investissements sur d’autres fonctions jugées secondaires.
Technologies : l’IA et la cybersécurité dopent les grilles salariales
Le secteur des technologies se distingue en 2025 comme celui qui affiche la plus forte revalorisation salariale, soit 4,4 % en moyenne. Cette tendance reflète une tension continue sur les métiers à forte technicité, dopée par la transition cognitive et numérique accélérées dans tous les secteurs d’activité. Les besoins concernent les spécialistes du cloud, les experts en cybersécurité, les architectes logiciels ou encore les ingénieurs en IA et en apprentissage automatique.
Les hausses les plus spectaculaires concernent des profils hybrides, à l’intersection du développement, de la sécurité et de la stratégie. L’architecte logiciel en Île-de-France voit par exemple son salaire médian grimper de 10,2 % pour atteindre 62 640 euros. Le consultant en cybersécurité prend la tête du classement national avec une hausse de 9,5 %, preuve que la protection des systèmes reste une priorité en période d’instabilité. L’étude confirme également la percée du droit numérique, avec une progression de 8,9 % pour le juriste en droit public, signe d’un besoin croissant en conformité réglementaire.
IA en entreprise : un usage massif mais peu encadré
Pour la première fois, le baromètre Expectra analyse en profondeur la perception de l’intelligence artificielle par les cadres. Les résultats révèlent une adoption rapide et plutôt enthousiaste : 83 % ont utilisé un outil d’IA au travail ces trois derniers mois, et plus d’un sur deux l’emploie au moins une fois par semaine. Loin d’être perçue comme une menace, l’IA est décrite comme un « super assistant » par deux tiers des répondants, notamment pour automatiser les tâches pénibles (77 %).
Près d’un cadre sur deux (49 %) considère même l’IA comme un futur collègue à part entière. Ce chiffre grimpe à 59 % chez les utilisateurs réguliers et à 56 % chez les managers. L’acceptation est donc réelle, mais elle s’accompagne d’attentes fortes : 91 % des cadres estiment qu’ils devront faire évoluer leurs compétences, et 85 % anticipent une transformation profonde de leurs missions. Pourtant, seules 50 % des entreprises leur proposent aujourd’hui une formation concrète. La fracture entre enthousiasme individuel et stratégie collective se creuse.
La revalorisation passe par la compétence IA
La montée en puissance de l’IA devient un facteur explicite de valorisation salariale. 68 % des cadres estiment que la maîtrise de ces outils améliorera leur rémunération. Cette conviction fait écho aux données observées dans les salaires réels, notamment dans les technologies, mais aussi dans l’industrie où les compétences en automatisation, maintenance intelligente ou performance énergétique sont fortement demandées. L’essor de l’industrie 4.0, avec l’intégration croissante de l’IoT et de l’IA dans les processus industriels, amplifie cette dynamique.
Les soft skills sont également revalorisées : 82 % des répondants pensent que leur rôle consistera davantage à mobiliser sens critique, créativité et relationnel. Ce rééquilibrage entre expertise technologique et compétences humaines dessine les contours du nouveau paysage managérial à l’ère de l’IA.
Former, encadrer, accompagner : le rôle décisif des employeurs
Si la révolution IA est déjà intégrée par les cadres, elle reste inaboutie dans les politiques RH. Plus de la moitié des répondants dénoncent un manque de vision stratégique de la part de leur entreprise, et une absence d’évaluation de l’impact réel de l’IA sur les missions. Cette lacune pourrait à terme freiner la montée en compétence et la performance collective.
Pour tirer parti de cette transformation, les entreprises sont invitées à structurer un cadre d’usage clair, éthique et sécurisé de l’IA, et à investir dans la formation. Le directeur général d’Expectra, Khaled Aboulaich, le résume ainsi : « Les cadres ne subissent pas cette technologie mais se projettent avec elle. Le défi est désormais d’encourager l’esprit critique et de former les collaborateurs à un usage éthique de l’IA afin d’en faire un véritable levier de performance. »