La dernière déclaration de Mark Zuckerberg, qui a affirmé que Facebook ne censurera pas les négationnistes de la Shoah, soulève un tollé outre-Atlantique et l’indignation dans les pays occidentaux.

Dans une interview en podcast accordée à Recode, Mark Zuckerberg, le CEO de Facebook, a expliqué qu’il ne censurera pas les posts négationnistes sur sa plateforme : « Je pense que c'est [le négationnisme] profondément offensant. Mais en fin de compte, je ne crois pas que ce soit le rôle de notre plateforme de retirer [ces posts]. Car il y a des choses sur lesquelles certaines personnes se trompent. Je ne pense pas que ce soit intentionnel ».

Le patron de Facebook s’est-il pris les pieds dans le tapis ?

Devant le tollé qu’a soulevé sa déclaration, Zuckerberg a défendu sa vision dans un email publié par Swisher : « Notre objectif avec les fake news n'est pas d'empêcher les gens de dire des choses fausses, mais d'arrêter les fake news et la diffusion de fausses informations sur nos services. (…) Si quelque chose se répand et est classé comme étant faux par les 'fact checkers', il perd la grande majorité de sa distribution dans les fils d'actualité ».

FaceBook-diffamation

La page déclaration de diffamation sur Facebook France

Si la déclaration du patron de Facebook entre clairement dans la ligne de la Constitution américaine sur la liberté religieuse et d’expression, elle soulève également beaucoup de questions. En particulier, elle laisse planer l’idée - fausse ! - d’une ‘sélection naturelle’ de l’information, avec extinction dans le temps de la fausse information, aidée éventuellement d’un coup de pouce des gardiens du temple. C'est mal connaitre celles et ceux qui diffusent ces pseudo informations...

L’idée même de laisser une fausse information dument identifiée comme telle vivre sa vie sur un site aussi accessible que Facebook, sur le seul principe qu’elle finira par être cachée par la vraie information, est une porte ouverte à toutes les dérives. Elle est surtout la négation de toute obligation morale et éthique. Selon quel principe peut-on laisser des ides reconnues déviantes et dangereuses comme le négationnisme et les génocides, qu’ils soient de la Shoah, des Roms ou d'autres, avec le racisme et la haine qu'elles véhiculent, disposer d’une vitrine sur un média, soit-il ‘social’ ?

Jonathan Greenblatt, représentant de l’Anti-Defamation League, a répondu à Zuckerberg en ces termes : « La négation de la Shoah est une stratégie de tromperie intentionnelle et délibérée utilisée par les antisémites depuis longtemps, et qui est incontestablement haineuse, blessante et menaçante pour les Juifs ».

Plus largement, en mettant en avant l’erreur humaine et en affirmant qu’il « ne pense pas que ce soit intentionnel », Zuckerberg sans les légitimer laisse le champ libre à l’expression du négationnisme, à défaut du racisme, de l’antisémitisme et de la xénophobie en théorie interdits par les règles du réseau social. La simple idée de savoir que cela existe et s’exprime sur le réseau social, même si potentiellement cette information doit baisser en visibilité, il n’empêche qu’elle reste disponible et accessible, et c'est surtout la négation de l’obligation morale.

N’oublions pas que la désinformation sur des sujets pourtant interdits, mais largement relayés par les réseaux sociaux, peut entrainer des violences, jusqu’à des lynchages, comme cela a été le cas récemment en Birmanie et au Sri Lanka.

L’approche de Facebook en matière de modération du contenu, et aujourd’hui de lutte contre les fake news et la désinformation, n’a pas fini de soulever des interrogations. Reconnaissons cependant combien il doit être difficile de clarifier ce qui est autorisé de ce qui ne l’est pas sur le réseau social, et de l’automatiser pour traiter le volume d’informations qui transitent.

Notons enfin que dans le cas des dérives de Facebook, les opposants au réseau social ont réagi en publiant leurs tribunes… sur Twitter. L’écosystème des réseaux sociaux se suffit-il en lui même ? Il s'alimente, en tout cas, de ses dérives !

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