Les géants de la tech investissent des sommes considérables dans l’intelligence artificielle mais son impact dans l’économie réelle ne se concrétise pas. Un nombre croissant d’investisseurs et analystes financiers alertent sur une possible bulle spéculative de l’IA.

Loin des sirènes optimistes des fournisseurs de solutions d’IA et d’intelligence artificielle générative (IAGen), les chiffres macroéconomiques parlent d’eux-mêmes. Selon l’United States Census Bureau, organisme gouvernemental de statistiques américain, en 2023 les investissements des entreprises américaines en « Equipements de traitement de l’information et logiciels » y compris les applications et services d’IA et IAGen, ont baissé de 0,4 % sur 1 an.

Ces tendances reflètent les données des comptes nationaux des pays de l’OCDE. Jusqu’au troisième trimestre 2023, les dépenses d’investissement dans ce domaine, entreprises et gouvernements confondus, augmentent plus lentement qu’avant la pandémie du Covid-19.

Le media The Economist alerte sur une bulle spéculative potentielle de l’IAGen en estimant que cette technologie « pourrait bien être un cas de surinvestissement dans les infrastructures, nourri par l’excitation suscitée par une nouvelle technologie ». Microsoft qui détient 49 % d’Open AI à l’origine de ChatGPT et a investi 13 milliards de dollars mais ses revenus ne dépasseraient pas 10 milliards de dollars en 2024.

Les promesses de croissance stratosphérique, de PIB nationaux en hausse, de flambée de la productivité à court et moyen termes semble plutôt être une incantation auto-réalisatrice qu’une réalité économique démontrée.

Ainsi, James Ferguson, un des fondateurs de MacroStrategy Partnership, collectif britannique de recherche macroéconomique, exprime ses doutes sur les modèles économiques de l'IA et considère qu’elle n’a toujours pas fait ses preuves dans ce domaine.

La part des entreprises qui ont recours à l’IA et l’IAGen ne progresse pas

Le décollage de l’IA repose sur un investissement massif mais il faut que les utilisateurs de ces solutions soient au rendez-vous. Hors de la Silicon Valley, la proportion des entreprises qui adoptent l’IAGen ne progresse pas significativement.

Selon les statistiques économiques du Canada, citées par The Economist, 6 % des entreprises du pays ont utilisé l’IA pour fabriquer des biens et fournir des services au cours des 12 derniers mois. Au Royaume-Uni, l’utilisation de l’IA ne concernerait que 20 % des répondants à une enquête en mars 2024. C’est peu au regard des attentes suscitées.

Dans l’Union Européenne, les organisations seraient néanmoins deux fois moins enclines à investir qu’au début de 2022. La détérioration des perspectives économiques en Europe reste un frein supplémentaire à la croissance explosive promise par les fournisseurs de solutions d’IA.

Beaucoup d’analystes pointent également le décalage entre les investissements et les recettes prévues.

La note de la banque d’affaires Goldman Sachs, publiée le 25 juin, porte un titre explicite : « IA générative : trop de dépenses pour trop peu de bénéfices ? ». Selon Daron Acemoglu, professeur au Massachusetts Institute of Technology (MIT), les acteurs de l’IAGen font preuve de trop d’optimisme. Plus précisément, il affirme qu’à l’horizon de 10 ans, l’efficacité du capital et du travail dans ce domaine n’atteindrait que 0,66 %. A vérifier… dans 10 ans.

Les plus optimistes rappellent que l’adoption effective d’une nouvelle technologie aussi structurante que l’IA prends du temps et qu’il faut donc attendre les retombées économiques pour juger.