L’édition 2025 de Workday Elevate à Paris a mis en lumière l’ambition renouvelée de l’éditeur américain, qui entend non seulement renforcer son implantation locale, mais également s’imposer comme un acteur de référence dans la transformation agentique des fonctions RH et finance.

L’événement, résolument tourné vers l’entreprise augmentée par l’IA, a été l’occasion pour Workday de partager sa feuille de route technologique, mais aussi de réaffirmer son positionnement stratégique sur un marché en quête de valeur mesurable, de gouvernance maîtrisée et de flexibilité accrue.

Sur le plan économique, la trajectoire de Workday reste ascendante. L’entreprise a franchi le cap des 8,4 milliards de dollars de chiffre d’affaires à l’échelle mondiale et dépasse désormais les 20 000 collaborateurs. En France, la dynamique est particulièrement marquée. « En quatre ans, nous avons multiplié par 2,5 notre chiffre d’affaires et par plus de deux notre nombre de clients, dont 53 % sont des entreprises de taille intermédiaire », a rappelé Hubert Cotté, directeur général France de Workday. Ce rythme de croissance positionne la France comme le pays le plus performant de la zone EMEA en 2024, ce qui justifie de nouveaux investissements dans la couverture régionale, la localisation fonctionnelle des produits et le développement de l’écosystème de partenaires.

Des attentes clients recentrées sur la valeur métier

Les attentes des entreprises clientes ont, elles aussi, évolué. Dans un contexte marqué par la recherche de rentabilité et l’incertitude géopolitique, les organisations exigent des projets technologiques avec un retour sur investissement rapide et démontrable. « La première chose demandée dans le contexte tendu que nous connaissons est de faire plus avec ce que vous avez déjà, et d’optimiser les solutions existantes », a souligné Hubert Cotté.

Cette exigence s’accompagne d’un recentrage stratégique autour de la gestion des compétences, d’une montée en puissance de la demande sur les briques finance, notamment en préparation budgétaire et en traitement comptable, ainsi que d’un repositionnement de l’IA dans les projets de transformation. Selon lui, l’intérêt initial pour l’IA générative tend désormais à se déplacer vers l’IA agentique, jugée plus opérationnelle et mieux alignée sur les exigences de transformation métier. « Depuis six mois, on assiste à un transfert d’intérêt de l’IA générative vers l’IA agentique, c’est-à-dire des systèmes capables, en toute autonomie, d’exécuter des processus métier complexes avec un impact mesurable. »

Une feuille de route centrée sur l’efficacité des agents

Face à cette évolution, Workday structure sa réponse technologique autour d’une stratégie appelée « 3X », qui vise à orchestrer trois types d’innovation : celles développées en propre sur la plateforme, celles issues des cas d’usage clients, et celles portées par l’écosystème de partenaires. Ce cadre stratégique prend forme avec Workday Illuminate, nouvelle génération d’IA pensée pour accompagner la transformation progressive des métiers. Elle repose sur des assistants capables d’automatiser des tâches quotidiennes, d’assister les utilisateurs dans leur activité et de conseiller les décideurs grâce à l’analyse avancée des processus.

L’ambition est de proposer une IA utile et mesurable, centrée sur des cas d’usage métier tangibles. C’est dans cet esprit que l’éditeur prépare la mise à disposition, d’ici fin 2025, d’un ensemble d’agents prêts à l’emploi couvrant des cas d’usage en RH, en paie, en finance et dans l’optimisation transversale des processus. « Ce que nous voulons, c’est proposer une IA qui a fait ses preuves, pas une IA gadget. Chaque assistant ou agent que nous mettons à disposition doit démontrer un impact métier mesurable dans la durée », a insisté Hubert Cotté. Ces agents seront associés à une console de supervision permettant de suivre leur usage, leur efficacité et leur coût, notamment en termes de ressources informatiques.

Une plateforme ouverte, interopérable et extensible

Cette évolution vers l’agentique s’accompagne d’une refonte de la plateforme technologique elle-même. Workday introduit l’Agent Gateway, couche d’interopérabilité pensée pour connecter les agents développés par les clients ou intégrés depuis d’autres solutions. En parallèle, l’entreprise facilite l’intégration d’agents personnalisés au sein des processus métiers grâce à des widgets IA et à une bibliothèque d’API ouverte, conçue pour accélérer le développement d’agents spécifiques ou de nouvelles applications métiers.

Mais l’essor de l’intelligence artificielle en entreprise soulève aussi des enjeux cruciaux en matière de souveraineté et de gouvernance. Workday revendique une approche proactive sur ces sujets. Tous les services IA sont opérés depuis des infrastructures européennes, avec plan de continuité localisé, et les clients disposent d’une capacité d’opt-out granulaire, service par service. « Nos clients peuvent activer ou désactiver chaque service d’IA, accéder aux sources de données utilisées, comprendre les délais de conservation et maîtriser leurs clés de chiffrement, y compris via un système KMS externe », a précisé le directeur général France, avant d’ajouter : « Je vous invite à challenger nos concurrents sur ce point. Nous pensons n’avoir rien à leur envier. »

La renaissance du SaaS par l’agentique

Sur le terrain organisationnel, Workday se montre prudent, mais lucide : l’intégration des agents dans les environnements de travail n’est pas sans impact sur les structures internes. Si l’éditeur exclut pour l’instant d’affecter des agents à des postes ou à des profils métiers comme on le ferait avec des salariés, il reconnaît la nécessité de penser leur rôle dans une logique de gouvernance partagée. « Ce n’est pas uniquement un sujet technique. Il faudra penser la cohabitation entre les agents et les collaborateurs comme un sujet métier et organisationnel », estime Hubert Cotté.

En toile de fond, c’est toute la logique du logiciel en tant que service qui se reconfigure. Loin de signer la fin du modèle SaaS, l’avènement de l’IA agentique pourrait en être la renaissance. « L’annonce de la mort du SaaS est prématurée. Ce que nous vivons, c’est une renaissance des systèmes de record (traduction littérale de l’anglais systems of record, qui désigne, dans le vocabulaire métier des systèmes d’information, les applications ou plateformes qui servent de référentiel principal pour les données critiques et officielles d’une organisation [NDLR]) enrichis par l’agentique, avec tout ce que cela suppose en termes de sécurité, de contexte, d’organisation », affirme le dirigeant.

Un modèle économique en attente de clarification

Enfin, la question du modèle économique reste en suspens. Jusqu’ici, la plupart des services IA n’ont pas été monétisés séparément, à l’exception de quelques fonctionnalités comme le recruteur Agile ou le contrat intelligent. Mais cette logique pourrait évoluer à mesure que les agents prennent en charge des tâches critiques à forte valeur ajoutée, notamment en finance. L’annonce d’une tarification différenciée est attendue à l’automne, à l’occasion des conférences Workday Rising aux États-Unis et en Europe.

En définitive, Workday se positionne au croisement de plusieurs dynamiques : la rationalisation des investissements numériques, la réinvention des fonctions support et l’industrialisation d’une IA utile, transparente et gouvernée. L’éditeur construit méthodiquement les briques d’une plateforme sur laquelle il pourrait bien devenir, dans les prochaines années, l’un des piliers de l’entreprise agentifiée.