Longtemps perçu comme un champion de la performance analytique en mode cloud, Snowflake repositionne aujourd’hui sa plateforme comme le socle d’exécution de l’intelligence d’entreprise, embarquant agents IA, pipelines de données, applications métiers et gouvernance centralisée. « Nous construisons ce qui deviendra le système d’exploitation de l’intelligence en entreprise », a déclaré Sridhar Ramaswamy, PDG de Snowflake, lors de son allocution d’ouverture.
Pour sa part, Benoît Dageville, cofondateur de Snowflake, positionne la plateforme comme le « système d'exploitation pour les flux de travail agentiques », en supprimant le fardeau de l'infrastructure, de l'évolutivité et de la sécurité pour les clients. « Nous voulons être la plateforme où les entreprises peuvent construire leurs propres agents IA, sans avoir à gérer toute la complexité technique », affirme-t-il.
Cortex AI, pierre angulaire de l’agentification
Ce virage stratégique, amorcé depuis deux ans, atteint ici un nouveau palier avec des annonces structurantes sur tous les plans : Cortex AI, ingestion Openflow, moteur transactionnel Postgres, marketplace enrichie, observabilité, gouvernance, et ouverture aux standards open source. Ce changement de paradigme est incarné par le lancement de Cortex AI, une suite de services d'IA générative intégrée à la plateforme. Elle permet aux entreprises de créer des agents d’IA et des applications alimentées par des modèles de langage de grande taille, d'effectuer des recherches vectorielles et de déployer des modèles personnalisés, le tout dans un environnement sécurisé et gouverné.Elle s’articule également autour de Cortex AISQL, pour interroger les données en langage naturel ; Cortex Knowledge Extensions, pour enrichir les modèles avec des contenus internes ou tiers ; et surtout, Cortex Agents, véritables entités logicielles autonomes capables d’exécuter des tâches dans un cadre strictement défini.
Openflow : ingestion unifiée pour pipelines multicloud
Avec ces briques, Snowflake ne se contente pas d’ajouter une couche IA à sa plateforme : il en fait une interface centrale, régie par les métadonnées et les politiques d’accès. « L’agent ne doit pas sortir du cadre défini. Il ne doit avoir accès qu’aux données auxquelles il est autorisé à accéder, et chaque interaction est tracée », a rappelé Benoît Dageville.Snowflake Intelligence introduit par ailleurs des copilotes opérationnels comme Cortex Analyst ou Cortex Agent Studio, conçus pour les métiers comme pour les équipes data. L’ambition est de démocratiser la création et le déploiement d’intelligences artificielles dans un cadre gouverné.
Pour que ces agents deviennent opérants, encore faut-il qu’ils soient alimentés de manière fluide. C’est l’objectif d’Openflow, un moteur d’ingestion unifié basé sur Apache NiFi, capable de connecter Snowflake à une grande variété de sources comme Box, Oracle, Workday ou Google Ads. Cette capacité d’intégration constitue une avancée majeure dans la stratégie de Snowflake, qui vise à devenir le pivot unifié des flux de données au sein d’architectures hybrides et multicloud. « Nous permettons aux données d’arriver dans la plateforme sans friction, quelle que soit leur source », a insisté Benoît Dageville.
Convergence OLTP/OLAP et ouverture applicative
Autre signal fort : l’introduction de Snowflake Postgres, un moteur transactionnel compatible PostgreSQL. L’objectif est d’unifier les traitements transactionnels (OLTP) et analytiques (OLAP) sur une même plateforme native du cloud. Snowflake étend ainsi son rôle au front-end applicatif. En parallèle, la marketplace s’enrichit de contenus sous licence – Associated Press, CB Insights – mais aussi de modèles sémantiques et d’agents IA prêts à l’emploi. La plateforme s’ouvre aussi aux applications natives via son Native Apps Framework. Ce modèle composable est au cœur de la stratégie de Snowflake, qui entend faciliter la création de solutions intelligentes sur étagère ou sur mesure.L’éditeur renforce également son interopérabilité avec les standards : prise en charge native d’Apache Iceberg, connecteurs vers AWS Glue, Polaris ou Canola, intégration avec dbt Core. Comme l’a souligné Christian Kleinerman, vice-président produit : « Personne ne veut être enfermé dans une plateforme. Nous restons pleinement engagés à maintenir une ouverture totale ».
La Marketplace, enrichie de contenus sous licence (Associated Press, CB Insights, etc.) et de modèles sémantiques prêts à l’emploi, participe également à cette ouverture aux applications et agents natifs. Snowflake pousse ainsi une logique de composabilité à grande échelle, où chaque brique (modèle, agent, workflow, app) peut être partagée, auditée, et gouvernée.
Face à Microsoft et Databricks, Snowflake choisit la voie médiane
Alors que nombre de plateformes IA prônent la puissance et la vitesse, Snowflake fait de la confiance et de la gouvernance un axe de différenciation. Le nouvel Horizon Catalog, les snapshots immuables, le Trust Center élargi et les AI Guardrails traduisent cette volonté. L’observabilité est elle aussi renforcée, avec une visibilité en temps réel sur les performances, les usages d’agents et les coûts. « Vous ne devriez pas attendre la fin du mois pour découvrir que vous avez dépassé votre budget », a prévenu Christian Kleinerman.Face à Microsoft et ses Copilots intégrés, Snowflake mise sur la neutralité technologique, la modularité composable et un modèle gouverné de bout en bout. Contrairement à Databricks, l’éditeur ne cherche pas à internaliser toute la chaîne de modélisation, mais à devenir le plan de contrôle transversal des intelligences d’entreprise. Il refuse d’adopter la posture d’hyperscaler et revendique une place spécifique : celle d’un orchestrateur souverain des flux intelligents multicloud.
« Nous ne cherchons pas à devenir un hyperscaler. Notre stratégie est de devenir la couche de contrôle intelligente à travers tous les clouds. Cela donne à nos clients de la liberté, de la portabilité et de la gouvernance », a insisté Sridhar Ramaswamy. Quant à Benoît Dageville, il insiste sur l’agnosticité de Snowflake : « On n’est pas là pour répliquer ce que fait AWS ou Microsoft. Notre but, c’est que les clients puissent orchestrer leur intelligence dans un environnement multicloud, avec une vraie gouvernance ».
Snowflake change de dimension
Du point de vue de la vision d’avenir, Snowflake Summit 2025 marque un basculement stratégique assumé. Snowflake ne cherche pas à devenir un fournisseur de pile technologique, mais plutôt un plan de contrôle pour les agents d'IA opérant sur des données structurées et non structurées. Sa feuille de route prévoit des « flux de travail agentiques déclaratifs », où les entreprises décrivent leur intention et où Snowflake gère l'exécution à travers les données, les modèles et les permissions.Snowflake présente son AI Data Cloud non seulement comme une infrastructure, mais aussi comme une plateforme d'exécution cohésive où convergent les données, le calcul, la gouvernance et les agents. Là où la donnée devient action, et où l’agent devient levier de performance. Le pari est ambitieux. Il reste à voir si les entreprises sont prêtes à franchir le cap, et si Snowflake saura les accompagner sans renier les fondements de son succès : simplicité, performance et gouvernance. Pour l’heure, la direction est claire.