Slack se dote d’un “Agentic OS” pour orchestrer des agents IA contextuels dans un environnement de collaboration unifié. Cette évolution renforce la position de Slack dans la course à la productivité augmentée par l’IA, et illustre la ruée des éditeurs vers une couche d’orchestration centrale, à l’interface des utilisateurs, des processus et des intelligences artificielles.
Avec cette annonce, Slack change de catégorie. L’outil de collaboration devient une plateforme conversationnelle agentique, capable d’intégrer des agents IA pilotés par le contexte métier, les données CRM, les droits d’accès et les interactions en temps réel. Rebaptisé Agentic Operating System, le nouvel environnement repose sur quatre piliers : la refonte du Slackbot comme assistant unifié, l’intégration d’agents spécialisés (Channel Experts), l’accès élargi aux modèles tiers (OpenAI, Anthropic, Google…), et le protocole d’échange Model Context Protocol (MCP).
Slack ambitionne ainsi de devenir la force centripète et sémantique de la boucle de productivité , dans laquelle l’interface conversationnelle devient le lieu unique où les agents IA accèdent à l’historique, aux priorités et aux droits des utilisateurs pour mener des actions. Le système est pensé pour exécuter des tâches, automatiser des décisions et initier des workflows, dans un environnement supervisé et cohérent.
Une convergence CRM, IT, IA et métiers dans le même flux
Cette évolution est motivée par une stratégie d’alignement étroit avec Salesforce. Tous les agents conçus par Salesforce, copilotes CRM, assistants IT, agents RH, générateurs analytiques, seront directement accessibles dans Slack, avec des permissions, un contexte et des interactions mutualisées. En devenant la couche « agentique » du groupe, Slack fait office d’interface unique entre l’utilisateur et les multiples sources d’intelligence réparties dans les applications métiers.
Ce repositionnement illustre une dynamique plus large observée sur le marché : la montée en puissance de plateformes capables de piloter l’ensemble des agents IA d’une organisation. Microsoft suit une trajectoire parallèle avec Teams et Copilot Studio, Atlassian adopte une logique modulaire avec Rovo, tandis que des acteurs spécialisés comme Infor, ServiceNow ou Notion conçoivent leurs propres environnements orchestrateurs. Tous cherchent à capter la valeur générée dans la couche d’orchestration, là où se croisent données, actions et utilisateurs.
Promesse de gain de productivité… et risques de verrouillage
Slack met en avant des bénéfices immédiats pour les utilisateurs, dont la réduction du temps de navigation entre outils, des agents plus pertinents grâce à l’historique conversationnel, des capacité d’exécution sans friction. Le système permet d’agir directement depuis une conversation, comme assigner une tâche, modifier un contrat, planifier une intervention, ou générer un rapport. Mais cette fluidité apparente repose sur une captation centralisée du contexte, un atout stratégique pour Slack, mais un point de vigilance pour les DSI.
En effet, la concentration des interactions dans un espace unique soulève plusieurs questions, comme le verrou technologique, l’interopérabilité réelle avec les modèles tiers, la gouvernance des droits, la sécurisation des échanges, l’auditabilité des décisions automatisées. Les intégrations tierces respecteront-elles les contraintes de souveraineté ou de conformité sectorielle ? Le succès de cette architecture dépendra de sa robustesse, de sa modularité et de son acceptabilité par les équipes.
Vers une standardisation de la couche agentique
L’annonce d’Agentic OS confirme l’émergence d’un nouveau segment dans la chaîne de valeur logicielle, celui des couches d’orchestration d’agents IA. Au-delà des promesses de gain de temps, c’est l’architecture même de l’environnement de travail qui se reconfigure. L’agent ne devient efficace que s’il est situé dans un espace contextuel riche, gouverné et opérable, ce que propose Slack, en lien étroit avec Salesforce.
Reste à savoir si cette approche unifiée séduira les entreprises déjà équipées de multiples outils, ou si elle alimentera une nouvelle fragmentation. Les mois à venir seront décisifs pour évaluer la portée réelle de cette ambition de standardisation de l’orchestration agentique, de gouvernance inter-applicative, de pilotage des agents, et d’évaluation du ROI.
Un enjeu central pour la productivité pilotée par l’IA
En se positionnant comme environnement opérant de l’intelligence contextuelle, Slack espère devenir la porte d’entrée de la productivité augmentée. Ce n’est plus seulement un canal de communication, mais un système d’action, d’automatisation et de supervision des intelligences logicielles. Pour les entreprises, cette convergence des agents, des workflows et des contextes dans un même espace pourrait inaugurer une nouvelle ère de gouvernance numérique. Mais pour que cette promesse se concrétise, encore faut-il que l’interface reste lisible, que les agents soient fiables, que les décisions soient traçables, et que les utilisateurs conservent la maîtrise de leurs environnements. La bataille des plateformes IA ne fait que commencer.