OutSystems a profité de sa conférence ONE 2025 pour annoncer la disponibilité générale d’Agent Workbench, une plateforme dédiée à l’orchestration d’agents intelligents. Cette évolution marque une inflexion stratégique majeure pour l’éditeur low-code, qui entend structurer l’usage de l’IA dans les applications critiques sans aggraver la dette technique des systèmes existants.
Présentée ce 30 septembre à Lisbonne, la nouvelle offre est révélatrice d’un repositionnement plus large de la plateforme. « Nous voulons rendre le développement d’agents IA aussi naturel que la création d’une application mobile ou d’un service web. C’est une évolution de plateforme, mais aussi une transformation culturelle », a déclaré Woodson Martin, PDG d’OutSystems. Dès son allocution d’ouverture, il a rappelé que « L’IA agentique est l’un des leviers les plus puissants pour transformer les entreprises. Elle aide à générer des revenus, à gagner en efficacité, et à offrir une expérience client de nouvelle génération ».
Il a également alerté sur les dérives liées à l’IA générative : « L’IA génère du code à une vitesse qu’on n’aurait jamais imaginée il y a encore un an. Mais la plupart de ces codes ne sont pas gouvernés, et mènent à des architectures fragiles que les équipes IT auront du mal à maintenir. C’est exactement le genre de problème qu’OutSystems a été conçu pour résoudre. »
Structurer la mise en production des agents
Avec Agent Workbench, OutSystems répond à un paradoxe : si les usages IA explosent, peu franchissent réellement le cap de l’industrialisation. La plateforme fournit un cadre unifié de conception, de déploiement et de gouvernance, avec prise en charge des principaux modèles du marché (OpenAI, Anthropic, Gemini, Cohere, Mistral, Databricks, Hugging Face…) et le protocole MCP (Model Context Protocol) pour l’intégration contextuelle aux systèmes internes.
« Le passage à l’échelle ne se décrète pas, il se structure. Nos clients ne cherchent pas des expérimentations IA, mais des agents qui délivrent de la valeur tous les jours, dans les processus cœur de métier », explique le dirigeant. Plusieurs clients pilotes, dont Axos Bank, Thermo Fisher Scientific ou The Arch Company, ont validé cette orientation. « Avec Agent Workbench, nous pouvons créer rapidement des agents sécurisés pour des cas précis, tels que l’analyse des journaux d’erreurs ou l’automatisation de la saisie de données », témoigne Kevin Hearn, vice-président senior chez Axos Bank.
Unifier l’existant sans tout reconstruire
Agent Workbench est aussi présenté comme une réponse à la fragmentation des systèmes d’information. OutSystems maintient sa double compatibilité : sa nouvelle plateforme OutSystems Developer Cloud coexistera avec OutSystems 11, via un partage des utilisateurs, des API et des données. « Ce que veulent les clients, c’est garder leur plateforme actuelle tout en accédant aux technologies de demain, sans repartir de zéro. Nous voulons éviter l’architecture accidentelle et l’empilement de couches non maîtrisées », insiste Woodson Martin.
Cette approche progressive séduit les entreprises souhaitant expérimenter des agents IA en évitant les migrations brutales. Elle s’inscrit dans une stratégie plus large de lutte contre la dette technologique. « L’un des risques majeurs avec l’IA générative, c’est l’accumulation de code non maintenable. L’industrie est en train de créer une nouvelle forme de dette technique, invisible mais massive. Agent Workbench a été pensé pour éviter cela dès le départ. »
Une bataille sur trois fronts : vitesse, gouvernance, intégration
En lançant Agent Workbench, OutSystems entre dans une arène déjà bien occupée : Microsoft pousse Copilot Studio, Salesforce étend Einstein GPT, et une myriade de plateformes natives IA tentent de s’imposer (Builder.ai, Retool, Replit, etc.). « Nous savons que la bataille se joue sur trois fronts : la vitesse de déploiement, la gouvernance de bout en bout, et l’intégration dans l’existant. Les géants du cloud proposent des solutions puissantes, mais très fragmentées. Notre avantage est de pouvoir orchestrer tout cela de manière unifiée », analyse Woodson Martin.
Pour se différencier, OutSystems mise sur la gouvernance, la flexibilité multi-modèle, la compatibilité avec les architectures existantes, et un accompagnement verticalisé des cas d’usage métiers. Son écosystème de partenaires — dont KPMG, qui pilote un centre d’excellence dédié — contribue à structurer les projets. « Agent Workbench combine rapidité et contrôle. Il permet de concevoir, d’orchestrer et de déployer des agents IA autonomes […] tout en conservant la gouvernance, la traçabilité et la conformité », souligne Hélio Pimenta, associé chez KPMG.
Vers une plateforme d’orchestration d’agents intelligents
Agent Workbench marque une tentative de repositionnement profond : faire d’OutSystems non plus seulement une plateforme de développement low-code, mais un orchestrateur d’agents autonome, gouverné et indépendant. « Dans un monde où chaque fournisseur pousse ses propres agents, il devient urgent d’avoir une couche d’orchestration indépendante, gouvernée, sécurisée. C’est ce que nous voulons offrir avec Agent Workbench », défend le PDG.
Cette stratégie reflète une tendance de fond : tous les acteurs — du low-code aux fournisseurs de LLM — convergent vers l’orchestration d’agents. Mais lorsque cette convergence deviendra la norme, le véritable différenciateur ne sera plus la capacité à lancer un agent, mais à piloter un système d’agents cohérent, performant et sûr. Ce basculement pourrait entraîner une consolidation du marché, reléguant les éditeurs trop faibles ou trop spécialisés, et faire émerger des standards ouverts d’orchestration, ainsi qu’un nouveau rôle-métier d’« architecte agentique » chargé de concevoir et réguler ces architectures.
Dans ce paysage en mutation, OutSystems fait le pari d’un middleware intelligent capable de maintenir le lien entre les anciennes architectures, les nouveaux usages, et les standards émergents. Le défi n’est plus technique, mais organisationnel : orchestrer les agents, sans désorchestrer les processus. Si Agent Workbench réussit à convaincre les entreprises qu’il peut devenir ce socle, alors OutSystems aura trouvé sa place dans la mêlée des orchestrateurs, non comme suiveur, mais comme éclaireur.