Par Stéphane de Jotemps, Area VP Sales chez Skillsoft France

Le milieu de travail tel que nous le connaissons évolue rapidement sous l’influence de la transformation digitale. Le rythme accéléré de l'évolution technologique exerce une réelle pression sur les DSI pour fournir, sécuriser et gérer de nouvelles plateformes. Les ramifications des projets de digitalisation sont très profondes, ce qui laisse les dirigeants d'entreprises face à un dilemme.

Avec la quatrième révolution industrielle, les individus se doivent de maîtriser les nouvelles technologies et d’acquérir de nouvelles compétences au fur et à mesure que les rôles changent ou sont reconfigurés pour tenir compte des niveaux croissants d'automatisation au sein des entreprises. C’est un gros problème pour les collaborateurs, qui risquent d'être laissés pour compte en cas de manque de compétences et d'aptitudes numériques.

La transition vers la quatrième révolution industrielle ne se fera pas sans amener d’importants défis sociaux et politiques. Par exemple, le cabinet McKinsey estime que jusqu'à un tiers des activités professionnelles pourrait être effectué par des machines d'ici 2030, forçant jusqu'à 375 millions de travailleurs dans 46 pays à assumer de nouveaux rôles.

L'impératif numérique : une épée à double tranchant ?

Partout dans le monde, les entreprises se saisissent de la transformation digitale afin de rester compétitives et d'innover rapidement. Bien que personne ne doute des gains d'efficacité et de productivité rendus possibles par les supply chains connectées et les technologies d'automatisation, les employeurs devront combler le manque croissant de compétences digitales au sein des équipes pour être en mesure d'exploiter pleinement tous les investissements qui sont injectés dans la transformation digitale.

Pourtant, de nombreuses entreprises tentent de numériser leurs opérations sans préalablement s'assurer que leur personnel est capable d’utiliser les nouveaux outils. Il s'agit d'un écueil qui risque de fortement diminuer les gains attendus par les nouvelles technologies, car les collaborateurs peuvent être soit incapables soit peu enclins à les utiliser.

En effet, une étude de Gartner a révélé que 70 % des collaborateurs n’ont pas les compétences nécessaires pour répondre aux besoins de leur rôle actuel et à venir. Les technologies comme l'intelligence artificielle et le cloud devenant aussi courantes que l’utilisation du traitement de texte des courriels, les entreprises doivent s'assurer que leurs collaborateurs utilisent réellement ces outils.

Les femmes sont dans une situation plus précaire

L'impact potentiel de l'automatisation sur l'emploi varie selon la profession et le secteur. Les rôles les plus susceptibles d'être automatisés comprennent les tâches manuelles répétitives, comme l'utilisation de machines. Mais la recherche montre que la tendance à l'automatisation s'avère déjà particulièrement impactante pour les femmes, avec des implications significatives pour l'égalité des sexes sur le lieu de travail.

Le Forum économique mondial (WEF) explique que l'importance excessive accordée à la menace que représente l'automatisation pour les hommes, en raison du déclin du secteur manufacturier, a fait perdre de vue la menace pour les rôles à prédominance féminine, notamment dans l'administration, le traitement des transactions et d’autres rôles administratifs exposés à un risque important. En effet, dans son rapport présenté à Davos l'année dernière, le WEF a révélé que 57 % des emplois à risque dans l'économie américaine sont actuellement occupés par des femmes.

Le défi pour les employeurs est de s'assurer que tout le monde tire profit des nouvelles technologies, sans distinction de sexe, d’âge ou de lieu de résidence. La mise en place de programmes d’apprentissage qui donneront aux salariés l’occasion d'acquérir de nouvelles compétences qui augmenteront leur capacité à assumer de nouveaux rôles.

Combler le fossé entre les sexes pour répondre au déficit de compétences digitales

Permettre aux équipes d'acquérir des compétences digitales devient une priorité absolue et les employeurs doivent agir rapidement pour relever ce défi. Les organisations doivent réfléchir de manière holistique à la gestion du développement des compétences et des transitions professionnelles.

Outre l’accès de la formation possible pour un plus grand nombre de candidats, notamment en aidant davantage de femmes à acquérir de nouvelles compétences l'évaluation des besoins de l'entreprise dus à la transformation digitale devrait contribuer à orienter les investissements prioritaires en matière de formation et de développement. Pour cela, il est essentiel d'identifier les compétences non techniques requises pour le futur lieu de travail numérique, car elles seront au cœur du changement à l'échelle de l'entreprise.

Pour faciliter les transitions entre les rôles professionnels, il faudra de nouveaux modèles et de nouvelles approches de la formation qui comprennent la formation continue et des possibilités qui soutiennent et orientent les employés dans le développement de leurs compétences. De même, il sera important de fluidifier les mouvements intra-entreprises des salariés, en mettant en adéquation les compétences des collaborateurs avec les nouvelles opportunités au sein de l'entreprise.

Notre façon de travailler et les rôles que nous assumons sont appelés à changer à un rythme sans précédent, et les entreprises sont en première ligne pour relever les défis sociaux, politiques et économiques que cela amène. Pour former et préparer les collaborateurs à un nouveau monde du travail, il faudra établir une évaluation minutieuse des besoins en talents nécessaires d’un côté, et des capacités que les individus ont à leur disposition de l’autre.

Surtout, les employeurs ont la responsabilité sociétale de minimiser l'impact du genre dans la maîtrise des compétences informatiques. Il s'agit d'un problème important, et les entreprises ont tout à y gagner : rétention des talents, gains de compétitivité et de parts de marché. Ne pas tirer parti de cette ressource précieuse serait une menace pour la performance et la durabilité de l'entreprise.