Alors que certains se morfondent chez eux en souhaitant une reprise rapide et que d’autres sont perdus ne sachant comment ça va évoluer, certains attendent patiemment leur heure. Car ils présagent que la crise va servir de formidable accélérateur à leur business.

Les habitudes ont la vie dure et la pandémie du Covid-19 risque bien d’accomplir ce qu’une grosse décennie d’évolution en douceur n’a pas réussi à faire : imposer une transformation des habitudes de travail, et des services qui vont avec, dans l’urgence. Pour la plupart des organisations, il a été impérieux de mettre au placard les préceptes, parfois sirupeux, de conduite du changement pour leur substituer des plans de continuité de l’activité en extrême urgence. Godzilla a fait irruption chez les Bisounours.

Aussi, tous les concepts de transformation numérique, comme la migration vers le cloud, la mobilité, le travail collaboratif…, se sont imposés d’eux-mêmes. « Tandis que le reste de l’économie se ressent de l’impact paralysant du coronavirus, les affaires des plus grandes entreprises technologiques se maintiennent, voire prospèrent », explique AngeList, le site web américain destiné aux jeunes pousses, aux investisseurs et aux demandeurs d’emploi qui cherchent à travailler dans les startups. La pandémie a révélé la dépendance aux services en ligne des plus grandes entreprises du secteur technologique tout en accélérant les tendances qui leur profitaient déjà.

Ceci dit, il n’est pas dans notre intention de faire passer ces entreprises technologiques pour des profiteuses de la crise. Car si elles bénéficiaient en définitive des effets de la crise, elles souffrent aussi d’une baisse massive des revenus, et leur trésorerie et capitalisations boursières se sont réduites à vue d’œil. Ceci en plus du gel des projets en cours et à venir et de la réaffectation des budgets pour sauvegarder les liquidités des entreprises clientes.

La cigale se trouva fort dépourvue, quand la bise fut venue

La crise du Covid-19 a démontré, s’il en était besoin, la validité des modèles issus de la transformation numérique : plus agiles et adaptables aux situations de crise et offrant une grande flexibilité aux travailleurs. Alors que des millions de travailleurs se sont transformés, du jour au lendemain, en télétravailleurs, les entreprises n’ont pas eu d’autre choix que s’adapter à la volée en transférant leurs applications dans le cloud. Celles qui disposaient encore d’infrastructures internes ont dû louer les infrastructures des gros fournisseurs, car la leur n’était pas toujours taillée pour absorber le surcroît de charges. Elles ont dû ouvrir des accès à leurs applications métier, intégrer les nouveaux appareils (portables et PC domestiques essentiellement) des télétravailleurs.

Les besoins des télétravailleurs a fait exploser l’usage des outils collaboratifs et de messageries professionnelles (Slack, Teams, Zoom…). Une ruée sur les services et les infrastructures cloud qui a fait craindre un engorgement de la tuyauterie. Mais si l’embouteillage a bien eu lieu, la circulation ne s’est pas arrêtée pour autant. Moyennant quelques réductions de débits çà et là, le surcroît de trafic a été globalement bien absorbé. Cette migration forcée et les habitudes, de télétravail et de mobilité, qui en découlent devraient accélérer la transformation numérique une fois que la crise sera passée.

Cette évolution ne concerne pas seulement les entreprises du secteur privé, elle est une aubaine pour les gouvernements et les organismes publics. Pour la première fois depuis des décennies, les gouvernements ont là une occasion unique de prendre des initiatives décisives et à grande échelle pour pousser à la transformation. La promptitude et la vigueur des décisions, concernant la sauvegarde de la population et les aides économiques, devraient servir de modèles pour des initiatives tranchantes de transformation numérique du secteur public. Les futures résiliences en dépendent, car, comme l'expriment les augures, le monde va vers une période d'incertitude, voire d'instabilité, permanente et l'agilité est le meilleur moyen d'y faire face.