Un rapport à visée prospective, commanditée par la DGE (Direction générale des Entreprises) s’est penché sur le développement de l’intelligence artificielle (IA) en France. Ce document présente 4 enjeux clefs à adresser pour encourager ce domaine stratégique à l’échelle nationale.

Quelles conditions peuvent-favoriser l’émergence d’un écosystème français autour de l’intelligence artificielle ? Le Pôle interministériel de Prospective et d’Anticipation des Mutations économiques (Pipame), rattaché à la DGE, s’est penché sur cette question à travers une étude prospective. Celle-ci identifie quatre grands leviers d’action :

1Constituer et donner accès à de très grands jeux de données de qualité

Selon le rapport, le principal facteur limitant à l’heure actuelle n’est pas la technologie mais l’accès à des données de qualité, et ceci pour l’ensemble des secteurs économiques.

Une législation contraignante, couplée à une crispation globale des acteurs français possédant des données, conduisent beaucoup d’innovateurs à partir à l’étranger pour développer leurs produits ou services. Sans changement ni volonté de distinguer, par exemple le besoin de données à des fins d’expérimentation/innovation, de l’usage qui pourrait en être fait après la commercialisation d’un produit ou d’un service, ce phénomène ne fera que s’accentuer.

L’accès à des données massives, corrélées, complètes, qualifiées, historisées, est une clé technologique majeure de mise au point de technologies d’intelligence artificielle aujourd’hui. Cette donnée doit pouvoir être créée si elle n’existe pas, ou rendue accessible très rapidement si elle est disponible. Sans volonté claire pour lever l’ensemble des barrières d’accès à ces données, aucune technologie d’intelligence artificielle ne sera développée durablement en France.

Par exemple, les données existantes dans le domaine de la santé doivent être accessibles à des fins d’expérimentation de manière beaucoup plus simple et rapide qu’aujourd’hui, c’est-à-dire en quelques jours.

Pour les données manquantes, l’État doit encourager la création de bases de références sectorielles pour les mettre à disposition des acteurs innovants et pour pouvoir comparer la performance des algorithmes d’intelligence artificielle entre eux.

2Capitaliser sur les usages sectoriels de l’IA

L’étude met également en évidence l’essor de nombreux cas d’usage sectoriels autour de l’intelligence artificielle, sur lesquels il est intéressant de se positionner.

Ainsi, dans le secteur de la santé, des algorithmes apprenants commencent à diagnostiquer des pathologies ou imaginer un traitement personnalisé approprié à partir de données cliniques.

Du côté des transports, c’est l’émergence de véhicules autonomes, qui apprennent à percevoir et à comprendre leur environnement immédiat afin de gérer les différentes situations de conduite qui peuvent se produire : respect de la signalisation, conduite sur voie rapide, entrée sur voie rapide, embouteillage, rond-point, véhicule en double file, etc. En mobilité, l’IA commence aussi à apprendre à optimiser les déplacements en fonction du mode de transport choisi, des conditions environnementales ou de l’actualité.

Dans le secteur de l’industrie, des systèmes apprenants reproduisent le fonctionnement d’une machine en conditions réelles. Ils commencent à identifier des facteurs à l’origine de sous-utilisation ou de pannes qui échappent aux experts humains, permettant ainsi de mieux anticiper une maintenance.

Dans le domaine de la transition énergétique, il existe un gros potentiel pour l’IA, notamment pour anticiper la production solaire ou éolienne ou encore optimiser la distribution électrique.

Le secteur tertiaire est également concerné. Ainsi, dans le domaine juridique, des systèmes apprenants sont capables d’analyser une jurisprudence pour identifier les arguments clés, fournir un conseil juridique sur la qualité d’un contrat ou la probabilité de gagner un contentieux, le tout avec un niveau de performance comparable à un juriste professionnel.

3Concevoir et diffuser largement des formations de référence sur l’IA

La mise au point d’algorithmes apprenants repose sur des données. Celles-ci sont le reflet de phénomènes réels qui comportent une part d’aléa. La mise au point d’algorithmes de Machine Learning fait un usage important des probabilités dans le raisonnement. En dehors de formations spécialisées comme l’ENSAE, cette discipline est insuffisamment enseignée de manière générale. Cela constitue une étape d’adaptation difficile à passer aujourd’hui pour toutes les équipes opérationnelles voulant travailler sur l’intelligence artificielle.

Pour favoriser cette adaptation et développer des expertises, un effort majeur de formation doit être entrepris rapidement. Le rapport évoque notamment la piste des MOOCs (cours en ligne ouverts sur grande échelle) et des projets de formations universitaires, afin de créer le corpus de référence en langue française sur l’IA.

4Être ambitieux sur l’expérimentation

Pour relever le défi de l’IA en France, il faut favoriser au maximum l’expérimentation de ces technologies sur le territoire. La notion d’expérimentation en environnement et conditions réels est clé pour fédérer largement tous les acteurs : acteurs publics, laboratoires de recherche, enseignement, écosystèmes innovants, start-up, grands groupes, financeurs et grand public.

Dans le domaine de la santé, l’accès simplifié à une ou plusieurs structures de soins pour tester à grande échelle des solutions innovantes accélérerait leur mise au point. Concrètement, pour l’organisme souhaitant expérimenter, un tel accès signifierait :

  • la signature d’une convention simple d’expérimentation,
  • le déploiement rapide pendant le temps nécessaire à l’expérimentation au sein d’un service hospitalier,
  • l’accès régulier aux experts,
  • l’accès à des données de soins en volume.

Dans le domaine des transports et de la mobilité, des villes pourraient être transformées pour servir de champ d’expérimentation à l’ensemble des technologies innovantes du véhicule autonome. Une infrastructure pourrait être mise en place pour fournir des données et une cartographie de très grande précision, des éléments nécessaires à la mise au point de toutes les situations de conduite. D’autres zones d’expérimentation pourraient être mises en place : portion d’autoroute de plus de 100 km, zone montagneuse, etc.

Dans le domaine de l’énergie, un ou plusieurs écoquartiers regroupant l’ensemble des technologies de transition énergétique pourraient être mis à disposition des sociétés souhaitant développer des technologies d’IA dans le domaine.

Source : Rapport DGE – Cget – Pipame – Tech IN France