Vincent Léaux, DSI au Conseil Régional Champagne-Ardenne et membre influenceur d'IT Social, nous a confié ses réflexions autour de la DSI d'aujourd'hui et de demain. Avec une question qui mérite d'être posée : assistons-nous à la fin de la DSI ? Depuis quelques années, la presse annonce la fin du DSI ou de la DSI. Faut-il pour autant se laisser mourir à petit feu ? Evidemment que non ; cette période de doute doit au contraire être mise à profit pour réfléchir à ce qu’est la DSI aujourd’hui et ce qu’elle doit devenir demain.

La DSI doit passer par une nécessaire transformation

Avant d’aborder cette transformation, peut-être devrions nous nous poser cette question : comment est vue la DSI ? La DSI est vue par ses utilisateurs comme une usine à gaz où personne n’y comprend rien, ou encore comme une boite noire que l’on n'a surtout pas envie d’ouvrir… Vue par sa direction générale, la DSI est la même usine à gaz, mais elle est bien trop couteuse ! Par ailleurs, le monde digital dans lequel nous vivons désormais, avec des applications ultra-ergonomiques sur nos tablettes et régulièrement remises à jour, donne l’impression en arrivant au bureau que nos systèmes d’informations sont obsolètes et poussifs, et que la DSI n’est pas agile et pas en capacité de répondre à ces nouvelles exigences. Il suffit d’observer les écrans AS400 des vendeurs de chez « Darty » ou dans certaines banques pour comprendre le fossé ! Par ailleurs, les applications fournies en mode Saas permettent aux directions métiers d’acquérir des solutions sans passer par la case DSI… C’est ce que l’on appelle le Shadow IT. Il est donc nécessaire que la DSI se transforme pour « éclairer la boite noire », proposer des services au goût du jour et retrouver la confiance des directions métiers !

Retrouver la confiance des métiers

La DSI doit devenir agile, innovante, comprendre les préoccupations des métiers et leurs processus pour créer de la valeur. Elle ne doit plus se contenter de gérer des infrastructures, mais doit au contraire être en capacité de gérer les données pour en tirer l’information nécessaire à la stratégie de l’entreprise. De manière très schématique, voici comment nous pourrions illustrer la transformation nécessaire : La DSI, dont le cœur de métier était la gestion d’infrastructures et la disponibilité des applications, doit concentrer aujourd’hui son énergie à la gestion des données permettant l’obtention d’informations stratégiques pour l’entreprise (gérons de la Data avant le Big Data, et ce sera déjà pas mal !) A titre d’exemple, pourquoi la DSI devrait-elle encore passer son temps à gérer une messagerie électronique alors que ce service est devenu un standard peu couteux, et dont les performances et les capacités délivrées par les prestataires externes (Microsoft, Google et autres) seront sans commune mesure avec celles fournies en interne ? Par ailleurs, au-delà de certains services d’infrastructures, la plupart des applications support (Finances, RH) répondent aux mêmes règles dans toutes les entreprises, et sont donc devenues des standards : pourquoi alors développer des applications spécifiques sur ces thématiques ? Ces applications peuvent ainsi très bien être déléguées à des fournisseurs de services en mode Saas (Software-as-a-Service), ce qui évitera à la DSI de gérer la disponibilité de l’application et ses fastidieuses mises-à-jour. Bien entendu, une attention particulière devra porter sur la sélection des prestataires de services, et à ne pas succomber aux charmes du cloud vendu à toutes les sauces par quelques margoulins !

La valeur ajoutée de la DSI

A contrario, la véritable valeur ajoutée se trouvera dans les applications métiers spécifiques et propres au domaine d’intervention de l’entreprise. Il est alors important de conserver ces compétences en interne et de ne surtout pas les déléguer… (à moins de vouloir de chercher des ennuis !). La DSI a donc un travail à effectuer sur son catalogue des services - supposons que tous les DSI ont élaboré leur catalogue de services ! - pour identifier les services où elle n’apporte qu’une faible valeur ajoutée et qu’elle sera en mesure de déléguer, des services sur lesquels elle doit au contraire renforcer ses compétences et son expertise pour mieux accompagner les directions métiers. Elle doit également s’interroger sur les processus qu’elle gère : une cartographie des processus a-t-elle été dressée ? Les processus sont-ils correctement pilotés et évalués ? Historiquement, dans toute cartographie des processus de la DSI, nous devrions trouver les classiques Gestion des Incidents, Gestion des problèmes, Gestion des demandes, Gestion de la disponibilité. Ce sont généralement les premiers processus mis en place lorsque la DSI a commencé à s’ « ITILiser ».

Renforcer les processus

Mais à la vue de ce que nous venons d’évoquer, un certain nombre de processus doivent être renforcés (liste non exhaustive et données à titre indicatifs) :
  • La gestion du portefeuille projet et sa gouvernance pour un arbitrage en comité de direction

Il n’existe pas de projet informatique ! Mais uniquement des projets de modernisation de l’entreprise s’appuyant sur l’informatique. Par conséquent, tout projet informatique doit être validé en comité de direction. Seule la direction générale est en mesure d’arbitrer en faveur d’un projet de la direction X plutôt que d’un projet de la direction Y, parce que le premier sera plus cohérent avec la stratégie de l’entreprise.
  • Gestion de la qualité et de la satisfaction utilisateurs

Sur tous les aspects SI, pas uniquement sur le support utilisateur, mais aussi sur la capacité de la DSI à répondre aux demandes de projets, par exemple.
  • Le contrôle budgétaire

La DSI doit être en capacité de chiffrer les coûts des services qu’elle délivre, pour ainsi être en mesure d’arbitrer sur d’éventuelles suppressions de services, si les gains « métiers » de ces derniers n’étaient pas à la hauteur de leur coût, et être en mesure de justifier les coûts du SI.
  • La sécurité

Historiquement, la sécurité n’était abordée que d’un point de vue technique. A mon sens, la sécurité doit être gérée de manière transverse « Infrastructure / applications ».
  • Les processus de gestion des contrats et de gestion de la conformité juridique

Ils devront eux aussi être renforcés pour faire face à l’augmentation des contrats de délégation (applications en mode SaaS, télé-exploitation, supervision à distance, etc.).
  • L’urbanisation du SI

Elle doit être prise en compte dans tous les nouveaux projets, pour mettre fin au modèle en silo et à ces applications qui n’arrivent pas à se parler, et pour mettre en place des référentiels de données communs aux différentes applications métiers.
  • La communication

Nous avons vu en introduction que la DSI est souvent vue comme une boite noire. Pour l’éclairer auprès des utilisateurs et auprès des directeurs, il est nécessaire de communiquer : communiquer sur nos actions, communiquer sur les réalisations, communiquer sur la qualité des services délivrés.
  • L'innovation

Enfin, si la DSI souhaite innover, elle ne pourra certainement pas le faire en restant dans son coin. Pourquoi ne pas initier des ateliers « innovation » avec les directions métiers ? L’utilisateur final n’est-il pas le mieux placé pour savoir comment optimiser son outil ou un processus métier ?

Organigrammes et compétences de la DSI

Une fois que l’on a dit tout ça, on se rend bien compte qu’il est certainement nécessaire de remanier les organigrammes des DSI pour répondre à toutes ces nouvelles préoccupations, et positionner très clairement des personnes sur la gestion de ces processus. Les compétences nécessaires hier ne sont plus forcément celles qui le seront demain. Se pose alors la question de la gestion des compétences et des ressources humaines au sein de nos DSI afin de faire évoluer les profils actuellement en place. En conclusion, le DSI et la DSI ne sont peut-être pas encore morts... Mais il y a du travail qui nous attend pour redorer nos blasons !