La place de l’Europe en tant que l’un des principaux centres de données d’entreprise du monde lui donne une forte position pour capitaliser sur cette croissance. Mais générer de la donnée en abondance crée une gravité des données dommageable si celles-ci ne sont pas correctement gérées et protégées.

Alors que les autorités se demandent si elles ne devront pas à terme légiférer pour scinder les activités de collecte de données et de régie publicitaire des mastodontes comme Facebook et Google, la donnée d’entreprise est restée sous la couverture radar des régulateurs. C’est pourtant une denrée aussi précieuse que celle du grand public, notamment en raison des avantages compétitifs qu’elle octroie en matière d’innovation et d’adaptation de l’outil de production, des processus d’entreprise et des méthodes commerciales.

Dans ce domaine, l’Europe n’est pas à la traine par rapport aux deux autres régions économiques et industrielles concurrentes (l’Asie et l’Amérique du Nord). D’après une nouvelle étude publiée par Digital Realty, « l’Europe est la superpuissance mondiale des données d’entreprise, dépassant l’Amérique du Nord ». Le Data Gravity Index (le DGx), qui mesure la création, l’agrégation et l’échange privé de données d’entreprise dans 21 villes, révèle que les régions disposant d’une forte connectivité globale et de nombreuses industries basées sur les données, comme l’écosystème technologique ou le secteur reconnu des services financiers, créent un volume de données d’entreprise tel qu’elles produisent un effet de « gravité des données », attirant de façon exponentielle plus de données dans la région.

Un tissu dense de grandes villes

« La prédominance de l’Europe dans un large éventail d’industries de l’économie fondée sur la connaissance, comme les services financiers et l’industrie complexe — qui créent de grandes quantités de données d’entreprise — combinée à l’émergence d’industries basées sur les données en Europe, a transformé la région en une “superpuissance des données d’entreprise” mondiale », explique le rapport. Ce qui fait la force de cette Europe, c’est la densité de ces métropoles, mégapoles pour certaines agglomérations de plus de 10 millions d’habitants.

D’après l’étude, le volume de données d’entreprise créées, agrégées et échangées entre les villes européennes est le plus important du monde, dépassant l’Amérique du Nord. On prévoit que l’Europe étende encore plus son avance en tant que superpuissance mondiale des données d’entreprise en 2024. Londres est actuellement le centre le plus puissant au monde pour les données d’entreprise, avec un score de gravité des données de 167,05, dépassant à la fois New York (79,61) et Tokyo (80,32) ; un centre largement alimenté par le secteur reconnu et hautement connecté des services financiers. Le score moyen de gravité des données de toutes les villes est de 22,64 et de 48,45 en Europe. Quatre autres villes européennes se trouvent actuellement dans le classement des plus grands centres de données d’entreprise : Amsterdam, Dublin, Francfort et Paris.

Londres : une ville pivot, mais en sursis

Cependant, ce n’est pas seulement l’abondance de données d’entreprise qui donne cette avance aux villes européennes, c’est également les flux de données générés entre elles. La communauté de l’espace règlementaire et de liberté des échanges sans entraves règlementaires, l’espace européen en somme, leur donne un avantage indéniable. D’après le Data Gravity Index DGx, « l’Europe abrite plusieurs associations de villes les plus interconnectées du monde, ce qui est sans aucun doute favorisé par les facilités règlementaires à faire des affaires entre elles, mais également entre les principaux centres financiers des villes », affirme le rapport.

Cela crée des binômes dynamiques, dont Londres et Amsterdam (1er au niveau global), Paris et Londres (2e), Francfort et Paris (5e), Londres et Francfort (6e), ainsi que Dublin et Londres (10e). On constatera que Londres est une ville pivot dans plusieurs binômes, mais son rôle risque de s’affaiblir dans le cas d’une sortie du Royaume-Uni de l’Europe sans accords.

« Nous avons vu que la gravité des données attire les données, mais aussi qu’elle rend plus difficile à déplacer les données et services qui s’appuient sur elle de façon exponentielle, explique Dave McCrory, qui a créé le terme de gravité des données en 2010 et mené la recherche sur le Data Gravity Index DGx. Cela donne aux villes disposant d’industries fortes, telles que les services financiers à Londres ou le secteur complexe de l’industrie à Francfort, un énorme avantage, car elles attirent naturellement plus de données et de services du même genre, et donc d’entreprises, et dans le même temps, il devient encore plus difficile de leur retirer des opportunités. Pour les entreprises, c’est moins avantageux, les données sont devenues une ressource stratégique clé, mais la gravité des données signifie qu’en avoir trop peut les rendre difficiles à utiliser et impossible à déplacer tout en en créant et attirant plus de manière constante ».

Une gravité de données trop forte est un désavantage

Ces volumes ingérables de données d’entreprise et la gravité qu’ils génèrent induisent des problèmes pour les entreprises, allant au-delà du service informatique, dont :

  • une innovation limitée : l’incapacité de traiter efficacement les données d’entreprise freinera les avancées technologiques ;
  • une mauvaises expériences client et employés : la production de trop de données d’entreprise résultera en un traitement inefficace de ces données, menant ensuite à une expérience client négative ;
  • une augmentation des coûts : la production de plus de données d’entreprise signifie qu’il faut investir plus de capital pour les capturer, les gérer et les traiter ;
  • des problèmes de conformité : une abondance des données d’entreprise résultera en des défis organisationnels quand il s’agira de gérer les problèmes règlementaires et de conformité ;
  • sécurité : une abondance de données offre plus de postes d’observation à des acteurs mal intentionnés.