Anthony Hié - Blockchain
Le phénomène "Blockchain" marque une nouvelle étape fondamentale de la transformation numérique, que pourra t-il apporter aux établissements d'enseignement supérieur ou ailleurs ? Influence d'Anthony Hié, DSI de l'Institut Catholique de Paris, et influenceur IT Social.

Qu'est-ce que la Blockchain ?

D’un point de vue fonctionnel, la Blockchain (BC) est une chaîne d'information sécurisée sans intermédiaire, apparue avec la crypto-monnaie virtuelle le Bitcoin. Elle est souvent présentée comme un registre de compte public où sont tracés l'ensemble des échanges réalisés entre les utilisateurs de cette BC et ceci depuis son origine. S'il le souhaite, tout un chacun peut y vérifier la validité des informations réputées infalsifiables. Plus besoin d'un tiers de confiance ou d'autorité de certification, la BC est son propre tiers de confiance ! Sur un plan technologique, il s'agit tout d'abord d'une application en Peer-to-Peer reposant sur une base de données distribuée. Ce protocole open source représente une 'chaîne de blocs' constituée de deux caractéristiques principales : il fonctionne de manière décentralisée et il garantit l’intégrité des données. Sur cette base émergente, les startups se mobilisent pour trouver des nouveaux services toujours plus attractifs et innovants…

Une innovation disruptive par essence ?

L’innovation de rupture se pose comme un changement de concept radical pour les clients. Ce processus est en capacité de créer de nouvelles habitudes de consommation et d’usage, et donc de venir bouleverser un marché existant. La nature même de la Blockchain, en tant que système non régulé, impose l’évidence d’une disruption dans un monde numérique en état de changement permanent. Ce phénomène innovant marque une nouvelle étape fondamentale de la transformation numérique : l'effet de "désintermédiation". Il libère d'une dépendance historique aux acteurs institutionnels, clairement sur des questions d'ordre juridique, mais aussi en tant qu’autorités de certification "uniques". En cela, nous assistons à un réel changement de paradigme. La révolution numérique a conduit à une rupture des modèles économiques, provoquant ainsi une réorganisation sectorielle et la disparition de certains secteurs historiques. Avec la Blockchain et moins d'intermédiaires, nous accélérons l'accès à l'information, facilitons son accessibilité et garantissons sa sécurité.

L'impact sur les Edtech et l’écosystème apprenants-institutions de formation-ressources humaines

Une révolution et une aubaine pour les technologies liées au domaine de l'éducation (Edtech), secteur en plein essor où le besoin en certification est primordial. D'après une étude du cabinet IFM, réseau leader dans le conseil en Ressources Humaines, 33% des candidats à un emploi s'attribuent le plus souvent un faux diplôme. La nécessité de vérifier ce type d’information n’est plus accessoire et peut être utile pour éviter certains contentieux ultérieurs. Que ce soit pour attester de la véracité des diplômes numériques ou non, ou encore pour la certification de MOOCs (Massive Open Online Courses), voire pour authentifier les suppléments au diplôme(1), les possibilités et avantages de la Blockchain semblent très prometteurs. Là où il faut souvent plusieurs jours pour vérifier l'authenticité d'un diplôme, il sera alors possible de contrôler de manière sûre cette information quasi-instantanément. La certification numérique constitue une étape importante de la transformation numérique de l’enseignement et son écosystème apprenants-institutions de formation-ressources humaines. Le Président de Sony Global Education, Masaaki Isozu, a déclaré qu’il souhaite fournir « un nouveau type de plate-forme pour l’éducation qui contiendrait les dossiers scolaires vérifiés ainsi que les diplômes obtenus », et que la Blockchain est « l'une des options envisagées pour aider à atteindre cet objectif »…

Au-delà des Edtech, d’autres applications sont possibles…

Selon un rapport de la commission dédiée du FÉM(2), 73,1% des cadres et experts des technologies de l’information estiment que d’ici 2025 au moins un gouvernement collectera des taxes par le biais de la Blockchain. A priori ce chiffre nous montre une certaine confiance portée par ces acteurs à ce « nouveau » protocole très prometteur. Les banques ont bien compris l’intérêt de la Blockchain avec des gains potentiels allant jusqu’à 20 milliards de dollars par an… D’autres applications se révèlent tout aussi intéressantes : le service Ascribe par exemple vous permet de créer un lien permanent et infalsifiable avec toute création digitale, une sorte de tatouage numérique vous prémunissant des copies illicites de votre œuvre. Ce procédé pourrait aussi être appliqué aux licences logicielles et contribuer à lutter contre le piratage. La Blockchain pourrait aussi transformer en profondeur le monde des achats et des relations commerciales : le concept de « Smart Contracts » annonce des contrats autonomes et intelligents capables d’exécuter les termes d’un contrat de façon automatique lorsque certaines conditions sont réunies. On imagine alors les gains en termes de gestion et notamment le potentiel de réduction des contentieux… Le phénomène Blockchain sera-il l'avenir de la certification ? Il est fort à parier que dans les années à venir de plus en plus d’établissements d’enseignement utiliseront la Blockchain pour sécuriser leurs certificats et diplômes numériques…
  1. Le supplément au diplôme est un outil développé dans le cadre du processus de Bologne et est destiné à faciliter la compréhension des études accomplie par un tiers (employeur, institutions...)
  2. Forum Économique Mondial