« La donnée est au cœur des priorités stratégiques des entreprises », écrivait le Cigref dans un rapport. Cependant, même si les Français se montrent méfiants, voire hostiles, à la collecte de leurs données, ils sont prêts à en divulguer certaines s’il y a avantage à la clé.
La confidentialité numérique, ou plus prosaïquement la préservation de la vie privée, est un des sujets les plus prégnants soulevé par la technologie. Depuis l’installation des premières caméras de surveillance dans les années 1990, la mise en réseau des ordinateurs durant cette même décennie et, plus proche de nous, la collecte de données à grande échelle, la méfiance et les interrogations n’ont cessé d’enfiévrer le débat public.
L’affaire récente de l’appli StopCovid en est un point culminant, qui démontre que même pour des raisons impérieuses de santé publique, le Français n’est pas prêt à se laisser traquer même si c’est pour sa propre santé. Cependant, cette méfiance est à géométrie variable, car si l’on scrute les statistiques des réseaux sociaux, des ventes en ligne et de tous les sites auxquels il laisse ses informations, il y a comme un hiatus.
Les Français se montrent méfiants, voire hostiles…
Dans une enquête réalisée par Juniper Research pour le compte d’Okta, et menée par le biais d’une plateforme en ligne entre janvier et mai 2020, 80 % des Français se disent préoccupés par le fait que leurs données soient utilisées par des organisations dans le cadre d’initiatives non liées au Covid-19. La plupart des répondants se montrent méfiants voir hostiles à la collecte de leurs informations personnelles par les entreprises, en particulier sur leurs conversations hors ligne entendues par d’autres appareils (82 %), sur leurs mots de passe (79 %) et sur leurs données biométriques (77 %). En outre, 81 % d’entre eux s’inquiètent que ces données soient conservées de façon non sécurisée.
Ils sont 78 % à craindre le danger d’une exposition excessive de leur confidentialité, ainsi que d’un impact potentiel d’ordre financier, par exemple sur leurs primes d’assurance (75 %). Pourtant, la majorité de ces informations sont librement fournies par les utilisateurs à des sites marchands et des réseaux sociaux, pour ne citer que les plus proéminents. Rappelons que dans beaucoup de cas ces informations sont librement consenties en échange d’avantages commerciaux, ou suite à des opt in dûment acceptés.
… mais consentants s’il y a avantage commercial à la clé
Cependant, « les Français sont les personnes les moins gênées en ce qui concerne la vente de leurs données », affirme le rapport d’enquête d’Okta. Alors que la majorité des Néerlandais (97 %) et des Australiens interrogés (95 %) voient la vente de leurs données d’un mauvais œil, les Français sont seulement 89 % à le voir ainsi. Cependant, 41 % d’entre eux seraient prêts à partager leurs données avec des entreprises en échange d’une contribution financière (contre 29 % des Néerlandais) ; ce pourcentage grimpe cependant à 59 % pour les 25-34 ans.
Les consommateurs sont surtout enclins à vendre leurs historiques d’achats (64 %), données de géolocalisation (61 %), historiques de navigation (59 %) et autres détails sur leur consommation de contenu multimédia en ligne (59,5 %). Cependant, il existe un certain nombre de domaines considérés comme hors limite : ainsi, ils sont bien moins nombreux à être prêts à vendre leurs mots de passe (34,5 %), leurs interactions hors ligne (38 %) et leurs données biométriques (38 %).
Suivi à la trace « à l’insu de son plein gré »
Certes, les brebis galeuses qui collectent à tout va, et arrosent tout aussi généreusement d’emails publicitaires soi-disant ciblés, existent bel et bien. Tels des sous-marins ils s’insinuent furtivement via les cookies de traçage pour suivre le cabotage des utilisateurs de site en site et collecter ce qui peut l’être. Mais en général, les entreprises, surtout celles qui ont pignon sur rue et qui tiennent à éviter des polémiques désastreuses pour leur image, respectent, avec plus ou moins de clarté pour l’utilisateur, la réglementation sur la collecte des données personnelles.
Cependant, les usages tangents persistent et une guérilla insidieuse est menée pour contourner les lois. Les appels à la transparence et à l’éthique restent vains. Ces deux concepts ne semblent pas concerner les maquisards de la collecte des données personnelles, puisqu’ils jurent qu’ils respectent la loi si on leur pose la question. Ceci, jusqu’à ce que le régulateur les attrape la main dans le sac. Les exemples abondent d’usages abusifs de l’opt in et de vente sous le manteau de données personnelles sans en avertir les utilisateurs. Mais, que voulez-vous, les enjeux commerciaux et économiques sont tels qu’il est impossible d’y résister. C’est la data driven economy qui veut ça.