Le géant industriel avait pris le virage du numérique et de l’IIoT (Internet des Objets Industriel). Avec le projet de revendre ses actifs numériques, il fait marche arrière. Est-ce le signe de la fin d’une époque et d’un retour aux basiques de l'industrie ?

Depuis près de 130 ans – le conglomérat américain a été fondé en 1892 par la fusion d'une partie de Thomson-Houston Electric Company et d'Edison General Electric Company - General Electric est la figure de proue de l’industrie américaine et mondiale. Sa stratégie est scrutée par tous les analystes, des finances aux technologies, ainsi que par ses concurrents. Et chaque décision stratégique a un retentissement mondial.

Sous l’impulsion de son ancien CEO, Jeff Immelt, le groupe a pris le virage du numérique. Avec l’objectif de se transformer du géant industriel et manufacturier historique en fournisseur de premier plan de solutions et technologies numériques.

Les deux décisions phare de cette stratégie ont porté sur un investissement massif d’environ 4 milliards de dollars dans sa transformation numérique, dont plusieurs centaines de millions de dollars en croissance externe ; et sur la création de la plate-forme logicielle Predix destinée à l’IIoT, l’Internet des Objets Industriel, afin de prendre en charge les objets connectés de l’industrie.

Les ambitions étaient là - mais le géant américain de l’industrie a su relever bien d’autres défis -, réaliser dès 2020 des ventes annuelles de logiciels de 15 milliards de dollars.

Exit Jeff Immelt, le stratège et visionnaire reconnu de l’industrie prend sa retraite, poussé vers la sortie relèveront certains observateurs, et cède sa place en août 2017 à John Flannery. Une transition non plus numérique mais de leadership, qui conduit le groupe à réviser ses priorités, ce qui se traduit par une désaffection pour le numérique.

Et le résultat vient de tomber, révélé par le Wall Street Journal, GE met fin à ses ambitions dans le numérique, et se recentre sur son existant industriel et sur les secteurs verticaux existants. Et pour bien appuyer son message, selon le WSJ, GE aurait recruté une banque d’investissement pour vendre aux enchères une grande partie de ses activités numériques.

L’article ne dit pas si Predix fait partie du lot…

La décision d’abandonner une partie, qui semble importante, des activités numériques de GE surprend. Même s’il est une figure de proue de l’industrie, le groupe s’est lancé assez tardivement dans le numérique. Mais cet engagement est toujours apparu comme stratégique sur un marché qui embrasse de plus en plus largement le numérique. Revenir sur cette stratégie et l’abandonner en partie pourrait être lourd de conséquences...

Pourquoi alors une telle décision ? Plus qu’une question de rentabilité, elle intervient dans un cadre politico-économique qui, depuis la présidence de Donald Trump, requalifie le modèle économique américain autour de ses activités industrielles historiques. Avec une certaine défiance contre tout ce qui est innovation et numérique. Ce mouvement n’est d’ailleurs pas exclusivement américain. En France et en Europe, de plus en plus de voix s’élèvent également pour un retour à des basiques, voire pour une certaine négation des progrès numériques. Des mouvements qui tendent également à nier les problématiques d’environnement.

Mais la décision de GE, si elle est confirmée et si elle prend l’ampleur que l’on peut craindre, aura certainement une autre conséquence : celle de laisser le champ libre aux géants du Web et de l’IoT, en particulier Amazon, Google et Microsoft. Et si l’autre géant de l’industrie, allemand celui-là et également engagé dans le numérique, Siemens, emboitait le pas de GE, le marché de l’IIoT n’offrira plus alors d’alternatives et de concurrence venant de l’industrie. Ce qui pourrait créer un réel problème, car si nos géants du numérique ont un savoir-faire sur les plateforme technologiques de l’IoT, ils manquent d’expériences et de compétences sur le volet industriel…

Mais surtout, alors que le numérique, les plateformes et les logiciels s’imposent à tout les étages, il n’est pas certain que la nouvelle stratégie de GE, qu’il est difficile de prendre autrement que pour une marche arrière, ne laissera pas des traces sur ses activités industrielles et manufacturières ? Et plus largement sur nos économies, car nul doute que de nombreux industriels suivront leur leader...

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