Les environnements opérationnels, longtemps relégués au second plan en matière de cybersécurité, sont désormais au cœur des préoccupations. Des chercheurs viennent de dévoiler dix vulnérabilités critiques affectant les contrôleurs Copeland E2 et E3, qui pilotent des fonctions essentielles comme la réfrigération, la ventilation, l’éclairage ou encore la logistique du froid. Baptisées Frostbyte10, ces failles ne sont pas de simples anomalies techniques : elles révèlent à quel point la sécurité de l’OT est devenue un enjeu stratégique pour la continuité des services, la sécurité alimentaire et la résilience économique.

Des attaques capables de paralyser des infrastructures vitales

Les contrôleurs Copeland, qu’il s’agisse de la plateforme E2, longtemps standard de l’industrie, ou du modèle E3, plus puissant et connecté, sont au cœur de la gestion opérationnelle des bâtiments.

Leur compromission pourrait entraîner des conséquences immédiates et tangibles. La perte de contrôle du froid menace directement la conservation des denrées alimentaires. L’arrêt ou la manipulation de systèmes HVAC ou d’éclairage peut perturber le fonctionnement de sites critiques et exposer les populations. Quant aux chaînes logistiques, elles deviennent vulnérables à des interruptions massives avec des répercussions économiques et sociétales. Dans un contexte où le retail et les infrastructures critiques sont déjà sous pression face à des cyberattaques de plus en plus sophistiquées, Frostbyte10 représente une cible de choix pour des acteurs malveillants en quête d’impact maximal.

Ces vulnérabilités couvrent l’ensemble du spectre des risques : prédictibilité des mots de passe par défaut, exfiltration de fichiers sensibles, exécution de code à distance sans authentification, escalade de privilèges et absence de signature des mises à jour firmware. Combinées, elles permettent à un attaquant de prendre le contrôle total des systèmes visés. Autrement dit, l’OT devient une porte d’entrée directe vers des attaques capables de paralyser des infrastructures vitales.

La réponse des fournisseurs s’organise : Copeland a travaillé activement à la recherche des failles, a publié un firmware corrigé pour les E3, et recommandé aux utilisateurs des anciens modèles E2, en fin de vie depuis fin 2024, de migrer vers cette plateforme plus robuste. Mais au-delà du patching, l’affaire Frostbyte10 met en lumière la nécessité d’un changement de paradigme. Les environnements OT doivent être gérés avec le même niveau d’exigence que l’IT. Segmentation et isolation réseau, contrôle rigoureux des accès, suppression des comptes par défaut et mise en place d’une surveillance continue ne sont plus des options. Enfin, la collaboration avec l’écosystème cyber permet de rester informé des menaces émergentes et des meilleures pratiques.

Pour les RSSI et les CISO, le message est clair. La sécurité OT doit s’intégrer aux stratégies globales de cyber-résilience et bénéficier d’une visibilité complète sur l’ensemble des actifs connectés, qu’ils soient IT, OT, IoT ou IoMT. La gestion proactive des vulnérabilités devient impérative, tout comme l’usage d’intelligences enrichies par l’IA pour hiérarchiser les risques en fonction de leur impact réel sur les environnements spécifiques. Frostbyte10 n’est pas seulement une alerte technique, c’est un avertissement stratégique. L’heure est à l’anticipation, la recherche collaborative et avec une cybersécurité IT et OT pensée comme un levier de continuité et de résilience.

Par Andrew Grealy, Directeur d'Armis Labs.

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