Souvent installés sans contrôle sur les terminaux professionnels, les VPN mobiles gratuits ou peu sécurisés exposent les entreprises à de multiples failles. L’étude publiée par Zimperium met en lumière une accumulation de mauvaises pratiques techniques et de risques structurels. Décryptage des vulnérabilités identifiées, des scénarios d’attaque possibles et des réponses opérationnelles à adopter pour mieux gouverner les usages BYOD.
Le VPN a longtemps été perçu comme un outil de sécurité par défaut, garant d’un tunnel chiffré et d’un accès à distance sécurisé. Mais cette perception ne résiste pas à l’analyse des usages actuels sur mobile. En entreprise, la prolifération des applications VPN, souvent choisies librement par les utilisateurs, crée une surface d’attaque difficile à maîtriser. Le recours massif à des solutions gratuites, freemium ou non validées, compromet gravement la posture de sécurité, notamment dans les environnements en mode BYOD ou hybride.
Dans un rapport publié fin septembre 2025, Zimperium, spécialiste de la sécurité mobile, dresse un constat inquiétant : une large proportion des applications VPN disponibles sur Android et iOS comportent des vulnérabilités critiques, des bibliothèques obsolètes, ou des pratiques invasives en matière de collecte de données. Ces failles ne relèvent pas seulement d’erreurs de développement — elles traduisent aussi un déséquilibre croissant entre performance marketing et exigence sécuritaire.
Une analyse à grande échelle des VPN mobiles
L’étude de Zimperium s’appuie sur une analyse automatisée de plus de 800 applications VPN disponibles sur les deux principales plateformes mobiles. Objectif : évaluer leur niveau de sécurité réel en examinant le code source, les dépendances logicielles, les permissions demandées et les interactions avec les API du système. En complément, les chercheurs ont observé le comportement réseau de certaines apps en conditions réelles.
Les résultats sont sans appel : une majorité des VPN testés comportent des défauts majeurs de conception ou de gouvernance. Parmi les principaux constats, on retrouve des bibliothèques cryptographiques non mises à jour (OpenSSL, BoringSSL), des activités exportées sans restriction, des demandes de permissions disproportionnées (accès micro, géolocalisation, lecture des journaux systèmes), ainsi qu’un usage problématique des composants système, comme les services ou les Content Providers.
L’étude pointe également un déficit d’information du côté des utilisateurs. Sur iOS, de nombreuses applications présentent des fiches de confidentialité trompeuses, qui sous-déclarent les types de données collectées ou n’incluent pas les mentions obligatoires relatives à la vie privée. Sur Android, certaines apps n’utilisent pas les mécanismes de protection intégrés (Network Security Config) ou exposent inutilement des composants sensibles à l’extérieur.
Failles courantes et scénarios d’exploitation
Parmi les vulnérabilités identifiées, certaines se révèlent particulièrement critiques. L’absence de validation stricte des certificats TLS, par exemple, expose les utilisateurs à des attaques de type homme du milieu (MitM), y compris dans des environnements chiffrés. Des tests ont montré que plus de 1 % des applications analysées laissaient passer de faux certificats, permettant à un attaquant de capter l’ensemble du trafic réseau.
Autre point de vigilance, les composants exportés. Sur Android, de nombreuses apps rendent accessibles à d’autres applications des « activités » (interfaces), des « services » (tâches en arrière-plan) ou des « Content Providers » (accès aux données), sans restriction d’usage. Un logiciel malveillant installé sur le même terminal peut ainsi détourner ces points d’entrée pour exécuter du code, espionner les connexions ou voler des identifiants.
Enfin, les bibliothèques tierces constituent un angle mort critique. Plus de 10 % des applications s’appuient sur des dépendances obsolètes connues pour leurs vulnérabilités. Certaines utilisent encore des versions d’OpenSSL affectées par Heartbleed ou des failles d’exécution à distance. Ces composants non maintenus, souvent invisibles pour l’utilisateur final, peuvent servir de porte dérobée aux attaquants les mieux équipés.
Une menace pour les entreprises et leurs systèmes d’information
Du point de vue des organisations, ces vulnérabilités ne sont pas isolées. Elles participent à un continuum de risques, aggravé par la généralisation du travail à distance, la flexibilité des politiques BYOD et l’interconnexion des services métiers. Un terminal infecté via un VPN peu fiable peut devenir une passerelle vers l’infrastructure interne, en court-circuitant les mécanismes de sécurité périmétrique.
Les données les plus sensibles, identifiants SSO, documents métiers, accès aux ERP ou aux espaces de stockage partagés, peuvent ainsi transiter via des tunnels non maîtrisés, potentiellement compromis. Certaines entreprises ont déjà rapporté des cas d’exfiltration de données via des VPN grand public utilisés par des collaborateurs en mobilité, notamment dans les secteurs juridique, financier et industriel.
La situation soulève également des questions de conformité. En cas de fuite ou d’intrusion, l’usage d’une application non validée peut entraîner une requalification de la responsabilité. De nombreuses réglementations (RGPD, NIS 2, DORA) exigent désormais une gestion rigoureuse des outils utilisés pour accéder à distance aux données personnelles ou critiques. Laisser proliférer des VPN mobiles douteux revient à créer une faille réglementaire dans l’architecture de gouvernance.
Bonnes pratiques pour sécuriser l’usage des VPN mobiles
Face à ce constat, les responsables cybersécurité et les DSI peuvent actionner plusieurs leviers. Le premier consiste à établir une liste blanche des applications VPN validées, en s’appuyant sur des audits de sécurité indépendants, des tests internes et des critères objectifs (mises à jour fréquentes, permissions minimales, politique de confidentialité transparente).
Ensuite, il est recommandé de privilégier les VPN par application, qui limitent le tunnel chiffré à certains usages (accès au SI, partage de fichiers, CRM…). Cette segmentation réduit la surface d’exposition et évite que l’ensemble du trafic, y compris personnel, ne transite par un seul canal potentiellement exposé. Des solutions de Mobile Threat Defense (MTD) peuvent compléter ce dispositif en surveillant en continu le comportement réseau.
La sensibilisation des utilisateurs demeure essentielle
Enfin, la sensibilisation des utilisateurs demeure essentielle. Beaucoup installent des VPN mobiles en pensant renforcer leur sécurité, alors qu’ils s’exposent à des dérives comportementales ou à des fuites passives de données. Une charte numérique claire, associée à une liste de recommandations pratiques, permet de réduire les risques sans verser dans l’interdiction systématique.
Le VPN, loin d’être un rempart universel, peut devenir une faille systémique lorsqu’il est mal choisi, mal configuré ou mal gouverné. Dans un écosystème mobile de plus en plus dense et interconnecté, les entreprises doivent reprendre la main sur les canaux de connectivité de leurs utilisateurs, en combinant rigueur technique, audit applicatif et pédagogie terrain.
À moyen terme, les plateformes MDM/UEM (gestion unifiée des terminaux) devront intégrer nativement des modules d’analyse comportementale des VPN, de scoring de sécurité applicatif, voire de blocage en fonction du niveau de risque observé. En complément, la normalisation de standards de sécurité pour les fournisseurs de VPN pourrait accélérer la consolidation du marché autour d’acteurs plus transparents et mieux audités.
Pour les métiers comme pour la direction générale, cette gouvernance accrue se traduit par une meilleure résilience numérique, une réduction des coûts liés aux incidents, et une conformité renforcée face aux nouvelles obligations réglementaires. Le VPN reste un outil précieux — à condition de ne plus le considérer comme une boîte noire, mais comme un maillon critique de la chaîne de confiance mobile.