La généralisation des attaques par rançongiciel et la sophistication des menaces obligent les équipes cyber à une vigilance permanente, ce qui se traduit de plus en plus par une fatigue psychique et un épuisement professionnel. L’étude Sophos 2025 révèle que 76 % des professionnels interrogés ont ressenti un burnout au cours de l’année écoulée, un phénomène transversal aggravé par la transformation rapide des technologies, la pression réglementaire et la pénurie de talents.

La multiplication des cyberattaques, la diversification des méthodes offensives et l’exigence de réactivité en continu imposent une pression sans précédent sur les équipes chargées de la défense des systèmes d’information. Les responsables de la sécurité doivent protéger l’intégrité des infrastructures tout en absorbant une charge émotionnelle et cognitive croissante, rarement prise en compte dans les schémas traditionnels de gestion des risques. Selon l’étude Sophos, le phénomène de fatigue cyber touche aujourd’hui l’ensemble du tissu économique, quelle que soit la taille de l’organisation ou son niveau de maturité technique. Ce constat traduit une crise structurelle, et non une simple dérive ponctuelle, car le coût humain, longtemps sous-estimé, s’impose désormais comme un risque organisationnel majeur.

L’enquête, menée auprès de 5 000 professionnels dans 17 pays, met en lumière un paradoxe. Les outils de défense évoluent à un rythme accéléré, mais la capacité des équipes à maintenir leur vigilance et leur engagement s’effrite, générant des effets en chaîne sur la productivité, la sécurité et la fidélisation des talents. Il devient indispensable de repenser la gestion des ressources humaines en cybersécurité, estiment les rédacteurs de l’étude, comme un levier stratégique aussi essentiel que l’investissement dans les solutions techniques ou la conformité réglementaire.

Prévalence du burnout et fragilité systémique

Les chiffres de Sophos sont accablants : 76 % des professionnels interrogés déclarent avoir connu un épisode de fatigue cyber ou de burnout en 2024, dont 19 % de façon constante et 27 % fréquemment. Ce phénomène traverse tous les segments de l’entreprise, et des PME aux grandes organisations, et ne se limite plus aux seuls métiers techniques. Près de 70 % des répondants estiment que la situation s’est aggravée entre 2023 et 2024, traduisant une dynamique d’épuisement cumulatif liée à l’intensification des attaques, à l’accélération des cycles technologiques, et à l’évolution réglementaire.

Les conséquences humaines se traduisent par une anxiété accrue face aux risques de cyberattaque dans 46 % des cas, une baisse de la productivité pour 39 % des répondants, et un désengagement professionnel chez 33 %. Près d’un quart des sondés a envisagé une reconversion, et 22 % ont pensé à quitter leur poste. Ces signaux faibles, longtemps relégués au second plan, révèlent désormais leur impact direct sur la résilience des organisations. Une équipe épuisée devient plus vulnérable aux erreurs, moins réactive lors des incidents, et plus difficile à fidéliser sur le long terme.

Surcharge technologique et volatilité des priorités

L’enquête détaille les causes majeures de cette fatigue généralisée. Pour 38 % des répondants, la mutation continue des technologies et des solutions de défense impose un effort d’adaptation permanent, sans possibilité de stabiliser une expertise. La nature même du travail en cybersécurité, faite de tâches répétitives ponctuées d’alertes critiques, nourrit un sentiment d’usure chez 37 % des professionnels, notamment parmi ceux qui vivent un burnout constant. À ces facteurs s’ajoutent la volatilité des menaces, la nécessité de couvrir les risques en continu, la pression réglementaire et la surcharge d’alertes, qui complexifient encore la gestion quotidienne.

Les professionnels mentionnent en moyenne trois causes principales à leur épuisement, ce qui souligne le caractère multidimensionnel du problème. La pénurie de talents, la contrainte budgétaire et le manque d’accès à des expertises externes spécialisées aggravent cette dynamique. La pression exercée par la direction ou les conseils d’administration contribue également à entretenir une culture de la performance immédiate, sans prise en compte suffisante de l’impact humain, et fragilise durablement les dispositifs de défense.

Répercussions humaines et organisationnelles en cascade

L’épuisement des équipes cyber dépasse l’enjeu individuel. Il représente un risque systémique qui altère la vigilance, augmente la probabilité de faute opérationnelle et expose l’entreprise à des brèches de sécurité majeures. Le rapport Sophos insiste sur la dimension cumulative de ce phénomène. La fatigue chronique entraîne une dégradation de la qualité de vie au travail ainsi qu’une fragilité accrue du dispositif de cybersécurité, liée à une moindre capacité de détection ou de réponse face aux attaques sophistiquées.

Concrètement, l’impact se traduit par une hausse des erreurs, une prise de décision dégradée, une efficacité opérationnelle réduite et une rotation du personnel plus élevée. L’épuisement des talents, conjugué à la difficulté de recruter et de fidéliser des profils qualifiés, accentue le risque de désorganisation interne et d’incidents plus graves. Les arrêts de travail et la démotivation deviennent des symptômes visibles d’un déséquilibre profond, qui, s’il n’est pas traité, peut remettre en cause la capacité de l’entreprise à résister aux attaques majeures, en particulier par rançongiciel.

Externalisation et services MDR à la rescousse

Devant l’ampleur du problème, un nombre croissant d’entreprises se tournent vers l’externalisation de certaines fonctions critiques. L’étude Sophos met en avant la contribution des services de détection et de réponse gérée, dont l’efficacité pour réduire la fatigue cyber est reconnue par 92 % des répondants concernés. Pour les profils les plus exposés, la moitié constate une diminution notable du niveau de burnout grâce à la délégation d’une partie des opérations de sécurité à des experts tiers, disponibles en continu et dotés d’outils d’analyse avancés.

Le recours aux services MDR apparaît comme une réponse pragmatique à l’impossibilité, pour la plupart des organisations, de maintenir une couverture permanente ou de suivre le rythme des innovations technologiques. Cette approche ne se limite pas à la seule délégation. Elle permet de renforcer l’expertise interne, d’accéder à des ressources pointues et de limiter l’exposition des équipes à la surcharge d’alertes et à la pression des incidents majeurs. Cette évolution valide l’émergence d’un nouveau modèle de gouvernance cyber, reposant sur un équilibre dynamique entre ressources internes et partenaires spécialisés afin de garantir la résilience opérationnelle.

Soutenir les humains face à l’IA

L’enjeu dépasse désormais la technologie et la multiplication des couches défensives. Il s’agit d’accompagner la progression des compétences, de préserver le bien-être au travail et de fidéliser les professionnels de la sécurité. Le rapport Sophos appelle à intégrer pleinement cette dimension humaine dans les politiques de gestion des risques, en misant sur l’accompagnement psychologique, sur les formations adaptées et sur des organisations du travail plus soutenables. Le recours à des services MDR, l’accès à l’expertise spécialisée et la répartition intelligente de la charge opérationnelle deviennent autant de leviers pour restaurer l’engagement et la vigilance des équipes.

La résilience cyber des organisations dépendra de leur capacité à reconnaître et à traiter le coût humain de la vigilance. Négliger ces signaux reviendrait à fragiliser l’ensemble du dispositif de défense, alors même que la sophistication des menaces soutenues par l’intelligence synthétique s’aggrave. Le défi des prochaines années sera d’articuler efficacement la technologie, l’externalisation et la valorisation des équipes pour garantir une sécurité soutenable et durable.

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