Face à une recrudescence mondiale des fraudes dopées par l’IA, la France maintient une posture défensive solide. Le baromètre Sumsub 2025 met en évidence une Europe globalement plus résiliente, alors que les États-Unis, l’Asie du Sud et certains pays émergents voient leur exposition numérique s’aggraver. L’indice alerte sur l’importance de la gouvernance et du partage d’informations pour contrer les nouvelles tactiques automatisées.
Au croisement de l’intelligence artificielle, de la cybersécurité et de la régulation numérique, la lutte contre la fraude connaît une mutation silencieuse. Alors que la numérisation progresse dans tous les secteurs, les systèmes de vérification et de contrôle doivent désormais faire face à des outils malveillants toujours plus puissants, souvent dopés à l’IA générative. La stabilité apparente de certains pays masque des fragilités structurelles qui méritent d’être identifiées, comparées et suivies.
Réalisée par la société Sumsub en partenariat avec Statista et plusieurs associations sectorielles, l’édition 2025 de l’Indice mondial de la fraude s’appuie sur l’analyse de 112 pays. Elle croise des données internes (plus d’un million de vérifications par jour sur la plateforme) et des sources externes fiables (Banque mondiale, Oxford Insights, Transparency International, etc.).
Une stabilité française fragile face aux tensions économiques
L’approche repose sur quatre piliers d’évaluation : le taux de fraude observé, l’accessibilité numérique, l’efficacité de l’intervention gouvernementale, et la stabilité économique. Le modèle intègre également le « triangle de la fraude » : pression, opportunité, rationalisation. Ce cadre permet de mieux cerner les causes systémiques qui favorisent l’essor des pratiques frauduleuses dans un environnement numérique. Neuf nouveaux pays font leur entrée dans l’édition 2025, renforçant la portée comparative du classement.
En matière de fraude numérique, la France affiche une résilience relative. Elle gagne cinq places en accessibilité numérique (16ᵉ contre 21ᵉ l’an dernier), mais recule en intervention gouvernementale (19ᵉ contre 12ᵉ), ce qui reflète un affaiblissement latent des moyens alloués à la supervision ou à la modernisation des contrôles. Cette dynamique illustre un paradoxe : l’infrastructure progresse, mais la capacité de pilotage politique marque le pas, dans un contexte d’instabilité budgétaire et de pressions sur les services publics.
L’étude montre que la gouvernance reste un facteur déterminant. En France, la reconfiguration du « triangle de la fraude » est manifeste : la pression inflationniste, l’accessibilité accrue aux outils frauduleux, et la rationalisation permise par des récits collectifs de défiance envers les institutions créent un terrain fertile. La réponse ne peut être uniquement technique : elle passe par une coopération intersectorielle et un pilotage en temps réel des signaux faibles.
Une Europe toujours mieux armée que les autres régions
Onze des quinze pays les mieux classés sont européens. Le Luxembourg, le Danemark, la Finlande, la Norvège ou encore la Suisse incarnent une continuité stratégique alliant régulation rigoureuse, infrastructures numériques robustes et culture de la transparence. Ces pays investissent dans l’authentification, les dispositifs préventifs et le partage d’information à grande échelle.
À l’inverse, les États-Unis perdent 36 places (91ᵉ), et plusieurs pays asiatiques, africains et sud-américains figurent en queue de classement. Cette hétérogénéité croissante rend difficile l’application de standards universels. Pour les entreprises internationales, cela impose une granularité opérationnelle accrue dans la gestion des risques : modéliser les comportements locaux, ajuster les seuils de détection, anticiper les tactiques transfrontalières.
La menace évolutive des fraudes assistées par IA
L’édition 2025 insiste sur l’émergence de techniques frauduleuses industrialisées, soutenues par des modèles d’intelligence artificielle générative. Génération de faux documents, deepfakes audio, automatisation de scripts malveillants : ces procédés, autrefois réservés à des groupes spécialisés, sont désormais accessibles via des services bon marché. L’IA n’est plus un outil défensif, elle est aussi devenue un multiplicateur d’attaque.
Timothy Owens (Statista) souligne que « l’exposition à la fraude doit être traitée comme un paramètre de disponibilité système ». Cette analogie technique appelle une refonte des dispositifs de supervision : il ne s’agit plus seulement de détecter la fraude, mais de la monitorer comme une instabilité structurelle. Cela suppose une approche continue, alimentée par des données actualisées, des corrélations comportementales, et des modèles prédictifs apprenants.
Renforcer la coopération public-privé autour d’une cybersécurité systémique
Le lancement du “What The Fraud Summit” à Singapour en novembre 2025 marque une tentative de structuration internationale. L’objectif est d’intensifier les échanges entre régulateurs, entreprises, fournisseurs et experts techniques. Sumsub se positionne comme un acteur de cette convergence, en combinant ses offres KYC, KYB et de surveillance transactionnelle dans une logique de plateforme intégrée.
Pour les DSI, les RSSI et les directions générales, l’enjeu n’est plus seulement de prévenir un incident ponctuel. Il faut penser la fraude comme une composante permanente de l’environnement numérique, au même titre que la charge réseau ou la latence applicative. Cela impose de revoir les métriques de résilience, les circuits de remontée d’information, et les fonctions de coordination intermétiers. Le combat contre la fraude devient un impératif transversal de gouvernance opérationnelle.














































