Proofpoint a finalisé le rachat de l’allemand Hornetsecurity et étend désormais son empreinte européenne sur l’ensemble des services de protection des courriels et de sécurisation de Microsoft 365. L’opération porte sur un fournisseur européen qui sert plus de cent vingt-cinq mille entreprises via un réseau dense de douze mille prestataires de services managés. Cette absorption modifie de manière tangible l’équilibre d’un marché déjà fortement dominé par les acteurs américains, en particulier sur les segments stratégiques utilisés par les PME et les ETI.

Les rachats, les alliances et les fusions rythment la vie des entreprises. Mais en Europe, chaque acquisition d’un fournisseur technologique par un groupe américain prend une dimension différente. Le sentiment d’assister à un acte de prédation n’est jamais loin, non par réflexe idéologique, mais parce que ces opérations se répètent dans des domaines considérés comme critiques pour la souveraineté numérique. Lorsqu’un acteur comme Hornetsecurity, né en Allemagne et renforcé par des technologies issues de plusieurs acquisitions françaises, bascule sous pavillon américain, une question s’impose aux observateurs : que reste-t-il de la capacité européenne à préserver ses propres infrastructures de sécurité, et combien de temps l’écosystème pourra-t-il compenser ces pertes successives ?

En France, les réactions soulignent surtout le risque d’une dépendance renforcée vis-à-vis de technologies soumises à un droit extraterritorial. Hornetsecurity représentait l’un des rares acteurs européens capables de rivaliser avec des offres américaines sur les segments de la protection de la messagerie, de la conformité et de la sauvegarde cloud. La perte de cet ancrage alimente les inquiétudes autour de la capacité du continent à conserver des solutions critiques réellement européennes. Des parlementaires ont déjà demandé au gouvernement s’il pouvait évaluer l’impact de ce rapprochement sur la souveraineté numérique et sur les obligations de localisation des données. Pour l’écosystème de la cybersécurité souveraine, ce rachat rappelle l’urgence de consolider des alternatives européennes crédibles sur des segments particulièrement exposés.

Un basculement stratégique pour les PME et les prestataires

Les bénéfices opérationnels pour les acteurs de terrain restent néanmoins tangibles. Selon les équipes de Proofpoint, l’intégration de Hornetsecurity renforce une plateforme unifiée destinée aux prestataires de services gérés. Cette plateforme rassemble la protection des courriels, la classification, la sensibilisation, la sauvegarde et la conformité au sein d’une même chaîne de sécurité. Les partenaires y voient une occasion d’améliorer la cohérence des politiques de sécurité, de réduire la fragmentation des outils et d’accéder à des capacités d’analyse plus avancées, notamment en matière d’ingénierie sociale. La demande croissante des PME et des ETI pour des solutions intégrées trouve ainsi une réponse plus structurée, même si elle suppose une acceptation accrue de la dépendance technologique vis-à-vis du marché américain.

Ce rapprochement illustre une dynamique de consolidation qui touche désormais tous les segments de la cybersécurité. Pour le marché français, cette opération représente autant un signal d’alerte sur la fragilisation de l’écosystème souverain qu’une évolution logique dans un secteur où les investissements, les infrastructures de menace et les capacités d’automatisation deviennent difficiles à soutenir pour des acteurs régionaux. Les prochaines étapes dépendront de la capacité des fournisseurs européens restants à coopérer, à mutualiser leurs ressources et à maintenir une offre différenciée face à des concurrents mondiaux toujours plus intégrés.

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