Le rapport du Cyber Monitoring Centre évalue à 1,9 milliard de livres sterling les pertes économiques liées à l’attaque subie par Jaguar Land Rover fin août. Ce chiffre intègre les répercussions sur la chaîne d’approvisionnement, l’arrêt de la production dans les usines britanniques du constructeur, et les effets en cascade dans l’industrie. Il s’agit, selon l’organisme, de l’incident cyber le plus coûteux jamais enregistré au Royaume-Uni.

Quelques semaines après avoir dû suspendre ses activités pendant plus d’un mois, Jaguar Land Rover est à nouveau sous les projecteurs. Non pour la remise en route de ses lignes de production, amorcée début octobre, mais pour l’ampleur financière de la crise qui l’a frappé. Le rapport publié le 22 octobre par le Cyber Monitoring Centre (CMC) chiffre l’impact global à 1,9 milliard de livres sterling, soit environ 2,55 milliards de dollars, pour l’économie britannique.

Cette évaluation confirme ce que redoutaient les analystes du secteur automobile : l’attaque, dont la nature exacte n’a pas été rendue publique, a provoqué une désorganisation profonde dans l’un des écosystèmes industriels les plus sensibles du pays. Elle survient en parallèle du départ programmé d’Adrian Mardell, directeur général de JLR, qui quittera ses fonctions fin décembre après plus de 35 ans dans le groupe.

Une chaîne de valeur fragilisée par une interruption prolongée

Selon le rapport du CMC, la majorité des pertes économiques enregistrées découle de l’arrêt de la production dans les trois usines britanniques de Jaguar Land Rover. Pendant près de six semaines, les lignes ont été mises à l’arrêt, touchant à la fois l’assemblage des véhicules et la fabrication de moteurs. Ce blocage a eu des effets immédiats sur les fournisseurs, les sous-traitants et les concessionnaires de la marque, mais aussi sur l’ensemble du tissu industriel local.

Le CMC estime que plus de 5 000 entreprises partenaires de JLR ont subi des perturbations directes ou indirectes. Parmi elles, de nombreux fournisseurs de rang 1 et 2, particulièrement exposés aux arrêts de commandes. L’impact est d’autant plus lourd que le secteur automobile britannique opère en flux tendu, avec une faible capacité d’absorption des chocs. Les pertes pour Jaguar lui-même ne sont pas détaillées dans le rapport, mais des sources industrielles évoquent un manque à gagner de l’ordre de 50 millions de livres par semaine.

Un signal d’alarme pour la résilience industrielle

Cette attaque confirme l’exposition grandissante des infrastructures industrielles aux risques numériques. Si le secteur automobile investit depuis plusieurs années dans la modernisation de ses systèmes d’information, la frontière entre technologies de l’information (IT) et technologies opérationnelles (OT) reste poreuse. L’intrusion ayant visiblement affecté des systèmes critiques de pilotage industriel, l’incident pourrait entraîner une révision profonde des architectures réseau au sein de JLR et de ses partenaires.

Le gouvernement britannique a déjà apporté un soutien financier au constructeur, en garantissant un prêt de 1,5 milliard de livres destiné à préserver l’équilibre de sa chaîne d’approvisionnement. Cette mesure d’urgence souligne l’importance stratégique de l’industrie automobile pour l’économie du pays, mais aussi la nécessité d’élever le niveau de cybersécurité à chaque maillon de la filière.

Un changement de direction sous tension

L’annonce de la démission prochaine d’Adrian Mardell, faite en juillet dernier mais confirmée pour la fin de l’année, confère une dimension supplémentaire à cette crise. Son successeur pressenti, P. B. Balaji, actuellement directeur financier de Tata Motors, deviendrait le premier dirigeant indien à prendre les rênes de Jaguar Land Rover. Ce passage de témoin intervient dans un contexte de forte transition stratégique, marqué par la montée en puissance de l’électrification et la refonte de l’image de marque Jaguar vers le très haut de gamme.

La gestion de l’après-incident cyber constituera l’un des premiers défis du futur dirigeant. Il devra à la fois stabiliser les opérations industrielles, restaurer la confiance des partenaires commerciaux et clients, et renforcer les capacités de résilience numérique de l’entreprise. Cette tâche s’annonce d’autant plus complexe que JLR évolue dans un environnement concurrentiel exacerbé, où la robustesse des systèmes d’information devient un critère de performance au même titre que la qualité produit.

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