Alors que les cyberattaques exploitant les failles des prestataires se multiplient, le CESIN appelle à une prise de conscience collective. La banalisation du risque fournisseur menace directement la résilience numérique des entreprises et des services publics, à l’image des récentes paralysies constatées dans les transports aériens ou les établissements de santé.

Le Club des Experts de la Sécurité de l’Information et du Numérique (CESIN) profite des Assises de la cybersécurité pour alerter : les cyberattaques via les fournisseurs ne sont plus l’exception, mais deviennent une routine dangereuse. Dans son communiqué publié ce 6 octobre 2025, l’association évoque un « risque systémique qui tend à se banaliser », à mesure que les chaînes de sous-traitance s’allongent et que la responsabilité se dilue.

Des vols paralysés à l’aéroport de Bruxelles, des hôpitaux français ralentis, des industriels en arrêt de production… les exemples récents illustrent un phénomène devenu structurel : les attaques ne visent plus directement les grands groupes, mais exploitent les maillons faibles de leurs chaînes numériques. Ces vecteurs indirects déstabilisent des pans entiers de l’économie en provoquant des effets domino. La compromission d’un seul prestataire peut entraîner des dysfonctionnements critiques à l’échelle nationale ou européenne.

Le baromètre CESIN–OpinionWay le confirme : plus d’une entreprise française sur deux a déjà subi une attaque impliquant un fournisseur. Ce chiffre souligne l’ampleur d’un phénomène que les experts qualifient désormais de systémique. Le coût économique, opérationnel et réputationnel de ces incidents ne cesse de croître, tout comme leur fréquence.

Une gouvernance encore trop fragmentée

Dans son analyse, le CESIN pointe une gouvernance insuffisante sur ces risques tiers. Les responsables de la sécurité des systèmes d'information (RSSI) se retrouvent isolés face aux crises, sans pouvoir imposer de standards aux prestataires. Le président du CESIN, Fabrice Bru, met en garde : « Lorsque le sous-traitant d’un fournisseur est touché, nous n’avons plus de prise directe sur la situation. L’absence de lien contractuel retarde l’évaluation des impacts et la crise devient opaque. »

Cette opacité et cette fragmentation nourrissent l’inefficacité des réponses. Le CESIN insiste sur l’urgence d’une approche plus globale, intégrant la cybersécurité des fournisseurs dans les comités de direction et les relations contractuelles, au lieu de la cantonner au seul périmètre IT. Le RSSI doit être reconnu comme un acteur stratégique, capable de porter une politique de gestion des risques tiers cohérente.

Un appel à un sursaut collectif

Le CESIN formule plusieurs recommandations : exiger des standards de sécurité plus stricts dans les relations commerciales, imposer des obligations de transparence et d’audit partagé pour les prestataires critiques, et construire des mécanismes de résilience afin de limiter les effets de dépendance à quelques fournisseurs stratégiques.

En filigrane, c’est une nouvelle ligne de front que trace le CESIN. La prochaine crise cyber majeure pourrait ne pas venir d’une attaque frontale, mais d’un angle mort négligé : celui des prestataires de second ou troisième rang, invisibles dans les organigrammes, mais centraux dans les architectures numériques. Renforcer leur sécurité devient une condition de survie économique.

Dans un environnement où les cybercriminels exploitent de plus en plus les failles de gouvernance, la résilience collective dépend désormais de la capacité des organisations à penser la cybersécurité au-delà de leur périmètre immédiat. Et à faire du risque fournisseur un enjeu stratégique de premier plan.