Le fondateur d'Oracle a tiré sa révérence. Exit le CEO, mais demeure le président du board ! Quel est le principal enseignement de 37 ans de règne : une philosophie basée sur la croissance externe.
En 1966, Larry Ellison rejoint la Californie avec son diplôme de l'Université de Chicago en poche. La CIA repère son talent, et il travaille à l'écriture d'une base de données relationnelle pour le gouvernement américain. En 1977, fort de cette reconnaissance, celui qui se fera régulièrement remarquer pour son égo crée sa première société, Software Development Laboratories, avec Robert Miner et Edward Oates, et seulement 2.000 dollars.
Construite autour du socle d'une bases de données à destination du gouvernement, la jeune société se tourne rapidement vers les entreprises, autrement plus riches. En 1982, elle devient Oracle Corporation. Et en 1986, elle entre en bourse.
L'homme et le milliardaire
Véritable personnage médiatique, Larry Ellison se fait remarquer par ses prises de position parfois extrêmes. C'est ainsi qu'en 1995 il prédit... la fin du PC ! Ce qui ne l'empêche pas de rejoindre Steve Jobs au board d'Apple, alors que ce dernier vient d'être rappelé à la tête de l'entreprise qu'il avait créée.
De même, dès les années 2000, il s'octroie les plus hauts salaires des top exécutifs américains. Sa fortune personnelle s'exprime en dizaines de milliards de dollars, 45,3 exactement au dernier classement Bloomberg (lire « Zuck est plus riche que Larry, plus riche que Sergey, plus riche que Jeff... ») .
D'acquisitions en méga acquisitions
Longtemps, c'est sa diatribe qui fera remarquer le bonhomme. En particulier, il sera longtemps un opposant vindicatif à Microsoft. Mais il se fera également remarquer par sa stratégie de croissance externe. Son principe, là où ses concurrents investissent longuement et fortement dans les développements internes pour enrichir leurs catalogues, Oracle va piocher dans le trésor de guerre accumulé par sa base de données pour acquérir des éditeurs, voire des constructeurs.
- 2005 : PeopleSoft, pour 10,3 milliards de dollars
- 2006 : Siebel Systems, pour 5,85 milliards de dollars
- 2009 : Sun Microsystems, pour 7,4 milliards de dollars
Ces trois acquisitions sont des épiphénomènes dans une histoire construite autour de la consolidation de solutions, de services, de technologies. Rien que pour 2013/2014, Oracle a acquis 15 sociétés : BigMachines, BlueKai, Compendium, LiveLOOK, Responsys, TOA Technologies dans les applications ; Acme Packet, Tekelec, Micros Systems dans l'industrie ; Bitzer Mobile et Nimbula dans le middleware ; Corente, Front Porch Digital, GreenBytes et Nirvanix dans les serveurs, le stockage et le réseau.
Dépasser la honte de la croissance externe
Une telle stratégie soulève évidemment de nombreuses interrogations. A commencer par notre capacité à faire de même que Larry Ellison ? Lorsqu'en 2005 il acquiert PeopleSoft, Oracle n'était pas connu pour ses acquisitions, ou tout du moins elles demeuraient plutôt confidentielles. Il a donc fallu vaincre la stigmatisation du rachat considéré comme un signe d'absence d'innovation.
Au début du millénaire, tout comme durant celui qui a précédé, dans l'esprit de nombreux observateurs une croissance se construit dans l'entreprise... elle ne peut venir de l'extérieur ! Et les entreprises qui se livrent au jeu de la croissance externe affichent leur incapacité à innover.
En adoptant cette stratégie, Larry Ellison a cassé le modèle et ouvert la voie à la croissance externe. Encore faut-il pour que cela fonctionne disposer d'une vision. Et le bonhomme n'en a pas manqué ! Larry Ellison a misé sur la consolidation massive du secteur IT. Il a même déclaré, lors du rachat de PeopleSoft, que 1000 entreprises high-tech allaient disparaître. En la matière, il n'a pas manqué de mettre la main à la poche pour que sa prédiction s'accomplisse.
Priorité à la croissance
Est-ce là le secret de la réussite d'Oracle et de son fondateur Larry Ellison ? C'est en tout cas l'essence de sa stratégie, voire de la philosophie de Larry Ellison. Si vous laissez un concurrent aller plus vite que vous, alors il vous dépassera inévitablement et la bataille sera perdue. Pour le patron d'Oracle, cela s'est traduit par la vitesse et l'opportunisme engendrés par une stratégie de croissance externe. Bien lui en a pris !
Larry Ellison a fêté son soixante dixième anniversaire le 17 août dernier. Et ce 18 septembre, il a démissionné de son poste de CEO. Il n'en demeure pas moins l'un des piliers d'Oracle, puisqu'il se consacrera à sa mission de président du board (conseil d'administration). Ce qui devrait lui laisser plus de temps pour naviguer sur sa bête de course, le bateau Oracle Team USA qui a remporté la coupe de l'America en 2013. Larry Ellison, toujours plus vite ! Et toujours là !