Les trois derniers membres du collège de la Hadopi ont été nommés par le gouvernement, qui a préféré une personnalité méconnue au président de Wikimedia, un candidat proposé par le ministère de la Culture mais qui visiblement posait problème...


Faut-il y voir un signe du durcissement prochain de la politique de la Hadopi ? Sommé par la présidente de la Haute Autorité, Marie-Françoise Marais, de remplir ses obligations après 6 mois d'attente, le gouvernement a procédé par décret à la nomination des trois derniers membres du collège de la Hadopi.

Denis Rapone a été nommé sur proposition du vice-président du Conseil d'Etat. Bernard Tranchand a été nommé sur proposition du ministre chargé de la Consommation. Alain Lequeux a été nommé sur proposition du ministère de la Culture.

Il disparaît, remplacé par un inconnu

Si les deux premières nominations ne nous surprennent pas - Denis Rapone est un ex-membre de l'Arcep et ancien directeur général du CSA, et Bernard Tranchand est le vice-président de l'UNAF (Union des associations familiales) - la dernière nomination est plus inattendue. Alain Lequeux est peu connu mais légitime par sa fonction, secrétaire général adjoint du Groupement des Intellectuels Aveugles ou Amblyopes, en charge des questions culturelles.

Alain Lequeux n'est pas le candidat attendu. Le ministère de la Culture proposait Rémi Mathis, président de Wikimedia France. Mais cette proposition faisait semble-t-il l'objet d'un singulier blocage. Le modèle de Wikimedia, le partage de la connaissance, n'a certainement pas été apprécié par une institution qui poursuit l'internaute qui télécharge illégalement des fichiers laissés librement à sa disposition, tandis que les pirates à l'origine de la copie continuent de faire leurs méfaits...

Les membres du collège

- Marie-Françoise MARAIS, présidente

Présidente de la Hadopi et membre désigné par la Cour de cassation, Marie-Françoise MARAIS est Conseillère à la Cour de cassation, vice-présidente du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA), présidente de la Commission nationale des inventions de salariés (CNIS), membre de la commission d'examen des pratiques commerciales (CEPC, ancienne membre de l’ARMT (Autorité de régulation des mesures techniques), et a été présidente de la 4ème chambre de la Cour d'appel de Paris spécialisée en matière de propriété intellectuelle.

- Christian PHELINE

Membre désigné par le premier président de la Cour des Comptes, Christian PHELINE est rapporteur général de la commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits et président d’une formation de jugement à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Il a été sous-directeur des interventions culturelles à la direction du développement culturel du ministère de la Culture et de la Communication (1982), administrateur général du Musée national d’art moderne (1987-1989), puis directeur général adjoint du Centre national de la cinématographie (1989-1991), chef du service juridique et technique de l’information (1991-1993), contrôleur d’Etat, président de la commission d’aide sélective à la distribution d’œuvres cinématographiques françaises et étrangères (1994-1996), conseiller chargé de l’économie des médias au cabinet du ministre de la Culture (1998-1999), directeur du développement des médias lors de sa création (2000), conseiller maître à la Cour des comptes (2002), président du conseil d’administration du Fonds de solidarité de 2004 à 2010.

- Anne-Elisabeth CREDEVILLE

Membre désigné par le président du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA), Anne-Elisabeth CREDEVILLE est vice-présidente CSPLA depuis 2010, et Conseiller à la Cour de cassation depuis 2001. Elle a été auditeur de justice (1974), juge au tribunal de grande instance de Rouen (1975), chargée du tribunal d’instance du 12ème arrondissement de Paris (1976), conseiller référendaire à la Cour de cassation (1983), président de chambre à la cour d’appel de Rouen (1993), membre du tribunal des conflits (2002-2005), présidente les jurys des concours d’accès à l’Ecole nationale de la magistrature (2008), membre de la Commission des sondages (2003), membre du Conseil d’orientation de l’agence de la biomédecine (de 2005 à 2011), membre de la Commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives (depuis 2007), membre de la Commission de d éontologie de la fonction publique de 2007 à 2010.

- Jean BERBINAU

Personnalité qualifiée désignée sur proposition conjointe des Ministres chargés des communications électroniques, de la consommation et de la culture, Jean BERBINAU est ingénieur Général des Télécommunications. Il a été directeur des affaires commerciales du réseau national de la DGT devenue France Telecom, directeur technique de l'Agence France Presse,'enseignant à TelecomParisTech et à L'École Supérieure de Commerce de Paris (Management de l'Information et des médias). Après la remise d'un rapport sur la copie privée, il s'est vu confier, par le Ministre de la Culture et le Ministre de l’Industrie, une mission de concertation entre ayants droit et fournisseurs d’accès, concrétisée par la Charte « Musique et Internet » de 2004. Il a également été membre du Conseil Général des Technologies de l'Information. Et il a siégé au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) comme personnalité qualifiée, et au Comité exécutif du club informatique des grandes entreprises Françaises (CIGREF).

- Franck RIESTER

Personnalité qualifiée désignée par le président de l’Assemblée nationale, Franck RIESTER est député de Seine-et-Marne depuis 2007 et maire de Coulommiers depuis 2008, également vice-président du groupe d'études internet, audiovisuel et société de l'information et membre de la Commission des Affaires Culturelles et de l'Éducation de l'Assemblée nationale. Il a été le rapporteur des deux lois Création et Internet, dites « Hadopi 1 et 2 », devant l’Assemblée nationale. Il est par ailleurs co-président du Club parlementaire sur l'avenir de l'audiovisuel et des médias.

- Didier MATHUS

Personnalité qualifiée, sur proposition du président du Sénat, Didier MATHUS est Maire de Montceau-les-Mines depuis 1995, vice-président du groupe PS, chargé de la communication, rapporteur pour avis du budget du programme « Action audiovisuelle extérieure » de la mission Médias, livre et industries culturelles depuis 2010. Il a été chargé de mission au ministère de l’intérieur et de la décentralisation (1984), conseiller régional de Bourgogne (1986-1995), député de Saône-et-Loire depuis 1988, président du groupe de travail « liberté et communication » à l’Assemblée nationale (1988-2002), vice-président du groupe d’études parlementaire sur la presse (2003-2007), rapporteur de la loi d’avril 2000 portant création de France Télévisions et de la Télévision numérique terrestre, administrateur de France Télévisions, président de la communauté urbaine Creusot Montceau (2003-2008), et président de l’Association des Communautés urbaines de France (2005-2006).

Ces six membres nommés pour 6 ans viennent donc d'être rejoints par les trois nouveaux membres nommés par le gouvernement.

Et après ?

Il suffit désormais de consulter le parcours et les origines des membres du collège de la Hadopi – évoqués ci dessus - pour se demander si l'internaute citoyen aura droit au chapitre ? Et s'interroger également sur la suite qui sera donnée aux millions d'avertissements lancés par la Hadopi contre des internautes qui téléchargent ?

Car la vraie question n'est pas, pour défendre les ayants droits dont la cause est juste, s'il faut poursuivre les internautes ? Cela ne changera certainement pas grand chose à leur situation, ni à leurs revenus. Mais plutôt de savoir comment empêcher la mise à disposition des liens qui contrefont les droits et la propriété intellectuelle ? Jusqu'à présent, la cible principale de la Hadopi, l'internaute qui copie soit quasi tous les internautes (!), n'a probablement pas été la bonne. Et seules des actions menées conjointement par les services de police des états concernés, et souvent pilotées par le FBI américain, ont eu des résultats notables, nous les évoquons régulièrement dans nos lignes. C'est là que devraient porter le regard, les réflexions et les actions de la Hadopi... pour peu que la Haute Autorité en ait les moyens, et la volonté !