C'est un mouvement qui semble naturel dans l'entreprise, confier l'innovation à la R&D. A la condition que ce service soit capable d'aborder et d'absorber la disruption, ce qui n'est pas acquis…
Depuis deux décennies, le rôle de l'innovation revient par défaut à la R&D (Recherche & Développement). C'est une attitude qui pourrait sembler naturelle si la fonction R&D n'avait évolué ces dernières années, avec une redéfinition de son modèle. Sous la pression des marchés, de la finance et des métiers, cette mission s'est déséquilibrée, moins sur le 'R' et plus sur le 'D'. Moins de Recherche et plus de Développement.
Les paradigmes de l'innovation
Si à priori cette orientation convient à l'innovation – rappelons que l'innovation se traduit par la création ou le développement de solutions nouvelles –, elle repose principalement sur le changement et sur des mesures internes qui visent à améliorer l'efficacité et l'efficience. Son champ de déploiement est donc largement plus large que la R&D.
C'est ainsi que l'innovation vient souvent se loger dans l'évolution des produits ou services, avec l'intégration de nouvelles fonctionnalités ou de nouveaux usages. Et souvent la capacité de générer de nouveaux revenus. Dans ces conditions, il est un phénomène nouveau qu'il faut prendre en compte, la capacité de l'innovation et/ou des personnes qui la portent à faire évoluer voire à créer de nouveaux modèles économiques (business models).
Questions de compétences et de disruption
Dans beaucoup d'entreprises, l'évolution de la R&D de la recherche 'R' vers le développement 'D' s'est également accompagnée d'un mouvement humain sensible qui a poussé les chercheurs à l'abandon des laboratoires de recherche au profit des start-ups, voire éventuellement à ce qu'ils créent eux-mêmes leur entreprise.
Mais la principale question qui se pose aujourd'hui est « la R&D peut-elle gérer la disruption ? ». Nous l'évoquons régulièrement ici avec la vague de fond de la transformation digitale. Les orientations de la R&D et les nouveaux modèles ne sont-ils pas autant d'entraves à l'innovation perturbatrice pourtant recherchée par l'entreprise ? Avec l'accélération des rythmes imposée par l'innovation, il apparaît aujourd'hui qu'une partie des organisations de R&D ne sont pas ou plus en mesure de se mettre dans la position de disrupter ou d'anticiper les disruptions, voire de les éviter !
Revoir les modèles
Re-positionnons la problématique, et ne parlons plus d'innovation mais des innovations, car c'est bien là qu'est en partie la source des difficultés rencontrées. L'innovation n'est pas seulement technologique, elle touche également les domaines de l'économie et de la finance, de la sociologie et de la philosophie, et nous l'avons évoqué les modèles économiques.
Sur la seule technologie, trop souvent mise seule en avant par la R&D, l'accélération du rythme des changements est exponentielle, s'inscrit dans une échelle mondiale et hyperconnectée, et repose sur des alignements avec d'autres innovations qui ne sont pas toutes technologiques.
Se rapprocher des start-ups
Voilà pourquoi les entreprises sont de plus en plus nombreuses à penser que l'innovation est portée non plus par leurs services, qui ne disposent ni du temps, ni des compétences, ni des moyens nécessaires, mais par l'écosystème des start-ups. Les financiers ne s'y sont pas trompés non plus, cet écosystème draine une partie des fonds d'investissement.
L'innovation passe donc en partie par les start-ups. Et pour intégrer cette dimension, l'entreprise doit revoir ses priorités et redéfinir le rôle de sa R&D. Pour cela elle doit se poser 3 questions :
- L'innovation basée sur les start-ups peut-elle faire partie de son portefeuille d'innovation ?
- Est-elle prête à assumer le calendrier du RoI et les risques ?
- Les problèmes stratégiques à aborder avec l'écosystème sont-ils identifiés ?
Ces questions doivent également aboutir à la rédaction d'une charte de l'innovation.
Si l'entreprise ne sait ou ne peut répondre positivement à ces questions, il lui restera une solution : compenser ses faiblesses par des acquisitions... A la condition de disposer des moyens nécessaires !
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