Avec le lancement du Magic V5, Honor illustre une mutation plus profonde que l’arrivée des premiers processeurs neuronaux dans les mobiles. L’intégration native de Google Gemini transforme le smartphone pliable en véritable assistant intelligent, capable d’orchestrer les usages et de redéfinir la productivité mobile.

Au fil des ans, le smartphone s’est imposé comme la porte d’entrée universelle au numérique. Sa puissance de calcul, son autonomie et ses capteurs en ont fait l’outil central de la vie connectée. Mais avec l’annonce du Honor Magic V5, équipé de l’assistant Google Gemini et doté de 7 ans de mises à jour garanties en Europe, un nouveau cap est franchi. L’appareil ne se limite plus à exécuter des applications, il agit comme un compagnon cognitif capable de coordonner les services, de comprendre le contexte et de simplifier la prise de décision.

Gemini n’est plus une application optionnelle, mais une couche transversale intégrée à l’expérience. Accessible par simple appui long sur le bouton d’alimentation ou par un double tapotement, l’assistant peut rédiger, planifier, résumer un document ou interagir avec la caméra et l’écran pour expliquer ce que l’utilisateur voit. La démonstration la plus marquante concerne le multitâche : jusqu’à trois fenêtres côte à côte, avec la possibilité de glisser un élément d’un document vers Gemini pour obtenir une analyse instantanée. L’usage n’est plus centré sur l’ouverture successive d’applications, mais sur la fluidité d’un dialogue continu avec un agent.

Cette évolution répond à un besoin tangible : la saturation des écrans et des menus. Les utilisateurs veulent déléguer des tâches complexes, prise de notes, gestion d’agenda, préparation de réunions, à un système qui comprend le langage naturel et agit en conséquence. C’est une rupture comparable à l’arrivée des smartphones à écrans tactiles en 2007, mais cette fois centrée sur l’intelligence logicielle et la continuité des services.

Vers un écosystème applicatif agentifié

Le basculement du téléphone vers l’assistant suppose une transformation de l’écosystème applicatif. Les éditeurs devront concevoir leurs services non plus comme des applications isolées, mais comme des briques interopérables qu’un agent peut piloter. Google Agenda, par exemple, s’intègre directement dans les commandes Gemini, ce qui préfigure une logique où l’utilisateur ne navigue plus entre icônes, mais délègue des intentions :
« prépare ma réunion », « organise mes déplacements », « résume cette note ». L’économie des applications se recompose autour d’un modèle conversationnel et contextuel.

Cela implique également un renforcement des infrastructures cloud. Si certaines fonctions peuvent être traitées localement par la puce Qualcomm Snapdragon 8 Elite Mobile, l’essentiel de l’orchestration s’appuie sur les datacenters de Google. La montée en charge de ces interactions multimodales annonce une consommation accrue de ressources IA côté cloud, posant la question de la souveraineté, de la protection des données et du coût énergétique de ces nouveaux usages.

Samsung, Honor, Xiaomi : trois trajectoires vers l’IA

Honor, en choisissant d’intégrer directement Google Gemini comme couche centrale, adopte une stratégie d’adossement à l’écosystème de Google, tout en affirmant sa propre ambition de devenir un fournisseur global d’appareils intelligents. L’alliance est complémentaire : Honor apporte le matériel innovant (ici un pliable optimisé pour la productivité) et Google fournit l’intelligence transversale. L’objectif est de positionner l’assistant comme standard du marché Android premium.

Samsung, de son côté, a introduit Galaxy AI début 2024, en s’appuyant sur un mix de technologies internes et de partenariats (notamment avec Google pour certaines fonctions de traduction et de résumé). La stratégie coréenne est hybride : maintenir une identité propre avec Bixby et Galaxy AI, tout en profitant de briques issues du catalogue de Google. Le risque est de brouiller le message, mais l’objectif est d’éviter une dépendance totale du géant de Mountain View. Samsung cherche ainsi à conserver son autonomie et à capter une partie de la valeur créée par l’assistant.

Xiaomi, enfin, explore une voie davantage centrée sur l’accessibilité et la diffusion de masse. Son assistant propriétaire, Xiao AI, reste aujourd’hui très ancré en Chine, mais le groupe travaille à l’intégration de fonctions génératives pour concurrencer Siri, Gemini et Galaxy AI sur les marchés internationaux. En misant sur un rapport qualité-prix agressif et sur l’élargissement de son écosystème (maison connectée, objets intelligents, mobilité), Xiaomi cherche à imposer une approche « grand public » de l’assistant, moins premium que celle de Honor, mais potentiellement plus disruptive à grande échelle.

Un nouveau cycle d’innovation s’ouvre

La comparaison met en lumière un fait central : la bataille des smartphones se déplace vers celle des assistants. L’écran, la caméra ou le processeur ne sont plus les seuls arguments de différenciation. L’atout décisif devient la capacité à proposer un agent fiable, multimodal et interopérable, capable de transformer le téléphone en poste de pilotage cognitif.

L’annonce du Magic V5 illustre ce basculement de paradigme : l’ère du smartphone comme terminal touche à sa fin, celle du smartphone comme agent commence. Comme pour la transition vers le cloud dans les années 2010, cette évolution appelle une recomposition des modèles économiques, des interfaces et des infrastructures. Les prochains mois montreront si cet élan se diffuse au-delà du segment premium et s’impose dans le quotidien des utilisateurs professionnels comme particuliers. Une chose est certaine : le téléphone portable a cessé d’être uniquement un téléphone, c’est un terminal
intelligent et agissant.