Les DSI de l'Afrique francophone doivent faire face à de nombreux challenges qui pourraient être les porteurs de la transformation digitale, à la condition que les autorités qui les gouvernent affrontent leurs démons.

Les Assises de la Transformation Digitales dédiées à l’Afrique viennent de se dérouler à Paris, dans l'indifférence des médias français mais pas de celle de DSI français qui pour diverses raisons n'auraient pas manqué l'évènement. IT Social était en revanche présent, à la fois pour accompagner l'organisation des Assises par CIO-mag.com, également pour participer activement aux tables rondes, dont l'une, dédiée à la sécurité, a été animée par notre président du Club IT Social, Fabrice Benaut.


Ces assises avaient pour toile de fond l'Impact du Digital pour l'émergence en Afrique. La démarche des acteurs locaux, gouvernements, organisations internationales, entreprises, etc., vise à faire basculer les pays de l'Afrique francophone, Afrique du Nord et sub-saharienne, du statut de pays en développement à celui de pays émergeant, rejoignant ainsi des pays comme la Chine, l'Inde, le Brésil ou l'Afrique du Sud.

Les 3 étapes de l'émergence

L'émergence, c'est une question d'engagement, de moyens, d'infrastructure, d'attitude et d'innovation. Il ressort des discussions auxquelles nous avons assisté que l'engagement comme la volonté sont réels, et que les moyens sont bien présents. Face à l'occident qui stagne, la plupart des pays africains affichent un PIB proche voir supérieur aux 5 %. De même, des autorités internationales mettent à dispositions des moyens importants pour accompagner les changements technologiques, à l'image du câble sous-marin qui désormais longe l'Afrique.

L’Afrique est l’avenir des DSI


C'est pourquoi les projets menés par les pays concernés et par les acteurs locaux reposent sur 3 étapes essentielles : l'infrastructure et les outils de connexion, l'accompagnement porteur des Etats, et l'innovation.

  • L'infrastructure

La première étape, c'est l'infrastructure. Tous en sont conscients et ont investi en ce domaine, avec des ambitions diverses. Le Maroc joue la proximité avec l'Europe et le bassin méditerranéen, et ambitionne de devenir le hub qui s'étendra vers le sub-Sahara. Les pays en bordure de l'océan Atlantique profitent de l'accès au backbone sous-marin. Quant au Burtina-Fasso, enclavé et sans accès à l'océan, il mise sur un triptyque : maillage fibre du pays, boucles locales sur les grandes agglomérations, et WiMax pour couvrir les campagnes

L'infrastructure ne serait rien sans disposer d'outils pour accéder aux réseaux. L'Afrique ne disposant d'aucune antériorité sur le modèle des télécoms en Europe, c'est au smartphone que revient en majorité la lourde mission de permettre aux populations d'être connectées. Se profilent également de nouveaux modèles de consommation, comme le NFC sur le smartphone pour les opérations d'argent ou le Cloud Computing pour l'accès aux services.

  • Les Etats

Les Etats africains sont bien évidemment mis à forte contribution pour accompagner la transformation digitale de leurs pays. Cela se traduit par leurs investissements dans l'infrastructure, mais également dans des projets ambitieux de e-Gouvernement. Les plus avancés en la matière considèrent qu'investir dans l'e-Gouv c'est également investir dans des solutions mutualisées - infra, data-center, formation et ressources de développement – dont profitera leur tissu économique.

Mais la démarche va plus loin. L'informatisation est à la fois une démarche et un outil pour sortir l'Afrique d'un de ses démons, la corruption. Trois ministres africains présents lors de ces assises ont tenu à souligner ce point. L'informatique offre un niveau de sécurité et de traçabilité que l'Afrique n'avait jamais connu jusqu'à présent. Mais la démarche a également son revers, ceux qui pratiquent la corruption étant un frein majeur à l'adoption de solutions qui vont leur retirer un pouvoir parfois malveillant. L'évolution s'annonce donc longue, mais elle est également portée par la jeunesse des forces vives de ces pays.

  • L'innovation

C'est la troisième étape de l'émergence. L'innovation s'est inscrite en filigrane de ces Assises, et nous aurions pu la placer en tête des préoccupations des DSI africains. En fait, une fois que l'on a acquis que l'Afrique sera de plus en plus riche (elle dispose de l'espace, des matières premières et d'immenses zones culturables), qu'elle est jeune (une main d'oeuvre de 163 millions d'individus va débarquer sur le marché au cours de la prochaine décennie), qu'elle dispose d'une infrastructure au meilleur niveau (en cours de déploiement), et qu'elle aspire à la stabilité politique, l'innovation s'impose d'elle même.

Comme nous l'ont fait remarquer plusieurs décideurs IT africains alors que des éditeurs français déroulaient leur show, les solutions déployées en occident sont souvent loin d'être adaptées aux besoins locaux. C'est pourquoi l'Afrique cherche à développer ses propres solutions et en cela s'annonce comme un moteur d'innovation pour notre futur.


Il lui faut cependant résoudre la question des ressources et compétences. Elles existent, nous en avons rencontré. Mais elle se forment généralement en Europe, et cèdent aux attraits de l'économie libérale. C'est pourquoi l'Afrique francophone, qui crée des emplois, doit les rendre attrayants. Les représentants des Etats africains ont également lancé un message à la diaspora pour l'inviter à revenir profiter d'une situation de plus en plus favorable, et apporter leur contribution à l'innovation. Et pourquoi accompagner un tissus de start-up qui ne cesse de s'enrichir.

L’Afrique est l’avenir des DSI

L'Afrique cède encore à ses démons

Derrière ce bilan particulièrement positif du potentiel numérique africain, et des énormes chantiers de transformation digitale en cours, se cache cependant une réalité endémique, une stabilité politique toute relative. Que le discours des ministres, ambassadeurs, responsables de projets et DSI, a souhaité cacher, nous affirmant que la stabilité politique de l'Afrique est en cours.

Lors de la première journée des Assises, nous avons appris le coup d'état au Burtina-Fasso et la destitution de son gouvernement. En quelques minutes, la délégation du pays s'est éclipsée. Entre corruption, pratiques tribales, voire dictatoriales, il leur reste un chemin à parcourir avant de se détacher de leurs démons. Mais nul doute que la démocratie, même sous contrôle, est en marche. L'informatique et la transformation digitale l'accompagnent.