Les entreprises entrent dans une phase où l’hybride, la souveraineté et l’IA agentique recomposent silencieusement les fondations du cloud. Cette transformation impose une conception réfléchie, fondée sur la maîtrise architecturale, la continuité opérationnelle et la gouvernance des données. Les organisations réévaluent leurs choix, conscientes que l’environnement dans lequel évoluent leurs applications n’est plus seulement un support technique mais une matrice de décision et de résilience.

Les entreprises ont longtemps abordé le cloud comme une destination technologique, un espace où déplacer leurs charges pour gagner en agilité ou réduire des coûts. Le rapport « Cloud Readiness 2025 » de Kyndryl indique que cette phase opportuniste touche à sa fin, puisque 70 % des dirigeants reconnaissent que leur infrastructure actuelle résulte d’une juxtaposition de décisions isolées plutôt que d’une stratégie construite. Cette situation crée une forme de dette opérationnelle, aggravée par l’IA et par les nouvelles exigences réglementaires.

De plus en plus d’organisations réinterrogent leurs choix d’architecture pour renforcer la cohérence, réduire les dépendances et sécuriser les flux de données, tout en tenant compte d’un marché marqué par des investissements en hausse de 30 % sur douze mois. Dans cette recomposition, l’hybride devient un socle plutôt qu’une transition.

L’hybride comme architecture de continuité

L’étude souligne par ailleurs une inquiétude croissante face aux risques extérieurs. La fragmentation géopolitique contraint les entreprises à repenser la localisation de leurs données, et 75 % des dirigeants disent redouter les impacts d’un incident affectant un fournisseur global. En réaction, 41 % des organisations ont déjà rapatrié une partie de leurs données pour restaurer un niveau de contrôle plus direct. Le rapport montre que cette dynamique n’oppose plus frontalement cloud public et systèmes hérités, car les usages actuels requièrent souvent la coexistence des deux. Les stratégies évoluent ainsi vers des architectures modulaires et résilientes, capables de continuité et d’adaptabilité face à des environnements normatifs de plus en plus exigeants.

L’étude insiste sur le fait que le cloud hybride ne représente plus un compromis transitoire. Il constitue désormais la structure d’équilibre des entreprises qui cherchent à concilier performance, confidentialité et interopérabilité. Selon le rapport, les organisations leaders privilégient une gestion unifiée de leurs environnements, afin d’optimiser leurs investissements et d’éviter l’effet tunnel lié à la spécialisation de plateformes disparates. Cette approche offre un levier de flexibilité essentiel, notamment dans les secteurs soumis à des contraintes réglementaires changeantes, puisqu’elle permet d’ajuster la localisation des données sans perturber les processus métiers. Cette continuité devient un facteur décisif pour les entreprises exposées aux ruptures d’approvisionnement technologique ou aux fermetures administratives de services cloud.

Souveraineté et reprise de contrôle dans un contexte instable

Dans les environnements hybrides décrits par Kyndryl, la valeur naît de l’orchestration fine des charges plutôt que du choix d’infrastructure. Les entreprises associent désormais clouds privés, hyperscalers et néo-clouds spécialisés afin d’obtenir le bon équilibre entre puissance, gouvernance et coûts. L’étude souligne que les organisations les plus avancées recherchent une cohérence d’expérience, indépendamment de l’emplacement des workloads, grâce à des couches de gestion communes comprenant FinOps, automatisation et mécanismes de contrôle. Cette homogénéité garantit une exploitation plus rationnelle des ressources, limite les risques de dérive budgétaire et soutient un développement logiciel intégrant par défaut les exigences de sécurité et de conformité.

La dimension géopolitique occupe une place centrale dans le rapport, qui souligne que 65 % des dirigeants ont déjà ajusté leur stratégie pour répondre aux nouvelles contraintes de souveraineté. Les incertitudes internationales redéfinissent les attentes des organisations, qui cherchent à s’affranchir des dépendances excessives aux fournisseurs globaux. Kyndryl montre qu’un mouvement de rééquilibrage s’opère, avec une montée des clouds localisés, des offres sectorielles et des environnements à sécurité renforcée. Cette évolution traduit une volonté de restaurer des marges de manœuvre, en anticipant des scénarios où la circulation des données pourrait être restreinte ou soumise à des exigences territoriales plus strictes.

Le rapport fait également apparaître une transition culturelle. Les équipes de direction perçoivent désormais l’architecture comme un levier stratégique en réponse à des normes complexes, comme celles issues du Data Act européen. Cette attention accrue à la gouvernance traduit une transformation des priorités, où la maîtrise des chaînes de traitement et des interfaces d’IA prend le pas sur la course à la capacité brute. Cette exigence stimule l’innovation chez les fournisseurs, qui investissent dans des infrastructures locales et des mécanismes de contrôle automatisés. Les entreprises renforcent ainsi leur capacité à maintenir un niveau constant de conformité, tout en s’assurant que leurs choix d’architecture ne compromettent ni la sécurité ni l’agilité opérationnelle.

L’IA agentique réinvente les chaînes de valeur techniques

L’étude met en évidence un basculement important. L’IA n’est pas seulement une charge supplémentaire dans le cloud, elle devient une force structurante. Les organisations qui souhaitent développer des agents doivent disposer d’infrastructures capables de gérer l’entraînement, l’inférence, la supervision et la mise à jour continue. Le rapport montre que certains modèles ne peuvent être entraînés que dans des environnements publics pour bénéficier de la puissance de calcul nécessaire, tandis que leur exploitation en production requiert la proximité des données sensibles au sein de clouds privés. Ce découplage crée une architecture distribuée, articulée autour de flux sécurisés et de mécanismes de contrôle continus. Les entreprises cherchent ainsi à exploiter pleinement l’IA sans sacrifier leur maîtrise des données, en particulier dans les secteurs réglementés.

Les néo-clouds spécialisés dans les GPU, abordés dans l’étude, apportent une réponse à ce besoin d’accélération. Ils proposent aux organisations une capacité de calcul flexible sans engagement à long terme, ce qui permet de soutenir des projets d’IA complexes sans alourdir la dette technologique. Le rapport de Kyndryl met en avant une logique de maturité : l’exploitation des agents n’est viable que si elle s’appuie sur une infrastructure capable de garantir la cohérence, la traçabilité et la sécurité. L’intégration devient un critère déterminant, et 35 % des dirigeants considèrent encore ce point comme un frein majeur à un retour sur investissement satisfaisant. Cette réalité montre que l’IA agentique ne pourra se généraliser qu’à travers des architectures conçues pour elle.

Interopérabilité et optimisation comme socles de valeur durable

Les rédacteurs du rapport insistent sur la nécessité de réduire la complexité opérationnelle en unifiant les pratiques, les outils et les standards. Les entreprises les plus avancées adoptent des approches orientées cohérence, incluant des mécanismes de FinOps pour maîtriser la structure de coûts, des politiques d’intégration homogènes et des plateformes capables d’agréger des environnements multiples. Le rapport présente cette recherche d’homogénéité comme un facteur direct de performance, car elle facilite la gestion et réduit les risques d’erreur dans des environnements où les données circulent entre plusieurs fournisseurs. Cette homogénéité crée un socle propice à la mise en œuvre de projets IA, parfaitement alignés sur les objectifs métiers et intégrés dans un cadre sécuritaire clair.

Dans cette dynamique, la question de l’interopérabilité devient centrale. Les entreprises cherchent à tirer parti de la complémentarité entre clouds privés et publics, mais également entre les plateformes d’IA et les systèmes existants. Le rapport montre que cette capacité à faire circuler les données et les modèles renforce la compétitivité, puisqu’elle permet de combiner la puissance des fournisseurs globaux avec les garanties offertes par les environnements locaux. Les stratégies gagnantes associent ainsi flexibilité et contrôle, pour garantir des trajectoires d’évolution maîtrisées et limiter les coûts de réversibilité. Cette cohérence constitue un avantage décisif dans un contexte où les infrastructures doivent s’adapter en continu.

Sécurité et résilience dans un nuage piloté par règles

Le rapport souligne que les risques cyber n’ont jamais été aussi élevés, et que les entreprises doivent désormais intégrer la résilience dans leurs choix d’architecture. Selon l’étude, 82 % des organisations ont connu un incident cette année, ce qui renforce la nécessité d’une défense continue à travers des mécanismes d’isolation, de restauration et de surveillance active. La consolidation des environnements hybrides contribue à cette résilience, car elle facilite l’isolement des menaces et la reprise d’activité en cas d’impact. Les entreprises s’orientent vers des modèles où la gouvernance des données devient un pilier central de la sécurité, en particulier pour éviter que des informations privées ne soient absorbées par des modèles accessibles au public.

Enfin, l’étude montre que la réglementation accélère la transformation des architectures. Le Data Act, en particulier, crée de nouvelles obligations d’interopérabilité et de portabilité, qui imposent aux fournisseurs une transparence accrue et des mécanismes de contrôle automatisés. Cette évolution confère aux entreprises un rôle plus actif dans la définition de leurs environnements cloud, car elles peuvent exiger des garanties de souveraineté, des engagements de résilience et des interfaces normalisées. La sécurité n’est plus un frein à l’innovation, elle devient un moteur d’architecture qui permet d’exploiter l’IA dans des conditions maîtrisées, tout en réduisant les risques liés à une dépendance excessive à des fournisseurs globaux.

Dans l’ensemble, le rapport de Kyndryl met en évidence un changement structurel. L’hybride devient l’élément d’équilibre, l’IA agentique en est le moteur, et la souveraineté constitue le cadre qui garantit cohérence et stabilité. Les entreprises les plus performantes amplifient ces dynamiques en abordant le cloud comme une architecture vivante, capables d’absorber les incertitudes et de soutenir l’innovation sans renoncer à la maîtrise de leurs données. Cette approche renforce leur résilience, tout en leur permettant de capter plus rapidement les opportunités offertes par l’IA et les services intelligents. Le cloud se transforme ainsi en socle stratégique, qui articule agilité, sécurité et gouvernance pour accompagner les organisations dans un environnement mouvant.

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