En intégrant progressivement Spark, Snowflake élargit sa base d’usage sans fragiliser son cœur technologique, son moteur de traitement optimisé et sa couche de stockage centralisée. L’éditeur vise un objectif clair : rapprocher deux mondes longtemps considérés comme concurrents, l’environnement Snowpark pour le développement distribué sur données Snowflake, et l’écosystème Apache Spark, toujours massivement utilisé dans les projets distribués de data engineering, d’analyse prédictive ou de machine learning.
Cette annonce s’inscrit dans le prolongement des ambitions de Snowflake révélées lors du Snowflake Summit 2025. La plateforme cherche à devenir l’infrastructure unifiée des traitements analytiques et de l’IA dans l’entreprise, quel que soit le langage, le moteur ou la source utilisée.
Une ouverture tactique, sous contrôle
Avec Snowpark Connect, Snowflake propose un pont entre son moteur de traitement propriétaire et l’écosystème Spark. Concrètement, les utilisateurs Spark peuvent pointer directement vers une table Snowflake en utilisant DataFrame API de Spark, exécuter des requêtes via la SparkSession, tout en s’appuyant sur les contrôles de sécurité et de gouvernance de Snowflake. Le code Spark est donc exécuté sur la plateforme Snowflake, et non dans un cluster Spark séparé, éliminant les coûts liés à la réplication des données ou à la gestion des pipelines ETL complexes.L’approche permet aussi de bénéficier des performances et des garanties de sécurité de Snowflake (contrôle d’accès, audits, sécurité des données au repos et en transit), tout en ouvrant aux data scientistes et aux ingénieurs un accès direct à leur langage et à leurs bibliothèques habituelles. Mais derrière cette ouverture technique se dessine une manœuvre stratégique plus large. Car si l’éditeur ouvre une voie vers Spark, c’est à ses conditions, dans le cadre d’une stratégie d’intégration offensive, mais rigoureusement encadrée.
Étendre sa portée, sans perdre la main
À première vue, le choix de rapprocher Snowflake de Spark peut surprendre. Les deux environnements ont longtemps incarné des visions concurrentes de l’analytique distribuée : l’un centralisé, gouverné, optimisé pour le cloud natif ; l’autre plus ouvert, modulaire, piloté par les équipes de data science. Mais cette ouverture est tout sauf une concession stratégique. Elle est minutieusement encadrée pour renforcer l’attractivité de la plateforme Snowflake sans en diluer le contrôle technologique.En permettant l’exécution de code Spark directement sur son moteur, Snowflake évite la dispersion des charges de travail vers des clusters externes, tout en capitalisant sur les habitudes de développement des équipes data. L’entreprise ne cherche pas à héberger Spark tel quel, mais à l’absorber dans son environnement contrôlé, en préservant ses piliers : stockage centralisé, traitement en mémoire propriétaire, gouvernance unifiée. L’objectif est d’accueillir les pratiques Spark dans une architecture Snowflake, plutôt que de pousser les données Snowflake vers des pipelines Spark autonomes.
Réconcilier les équipes et les outils
En élargissant la prise en charge de langages (Python, Java, Scala) via Snowpark, Snowflake entend capter les usages data au plus près de la production métier. Cette extension à Apache Spark va plus loin : elle cherche à réconcilier les équipes et les outils, souvent cloisonnés entre projets Snowflake et projets Spark, dans une architecture unifiée pilotée par le stockage natif de la plateforme.« Nous observons que nombre de nos clients utilisent Spark en parallèle de Snowflake. Avec Snowpark Connect, ils peuvent désormais unifier leurs traitements tout en conservant leur environnement Spark existant. C’est une réponse directe aux besoins exprimés par les grandes équipes data », explique Christian Kleinerman, vice-président en charge des produits chez Snowflake.
Pour les entreprises, l’intérêt réside dans la simplification des chaînes de traitement. Plus besoin d’orchestrer manuellement la copie de données entre Snowflake et Spark, plus besoin non plus de gérer la cohérence entre des pipelines hétérogènes. Cela réduit à la fois les coûts d’ingestion, les risques de divergence entre environnements, et le temps nécessaire pour mettre les modèles en production. Ce connecteur est particulièrement pertinent dans les environnements hybrides, où coexistent des data scientistes formés sur Spark, des équipes BI travaillant sur Snowflake, et des responsables de la gouvernance souhaitant centraliser les accès et les politiques de sécurité.
Cette stratégie d’ouverture maîtrisée constitue aussi un levier concurrentiel face à Databricks, dont le moteur repose historiquement sur Spark. En captant les usages Spark directement dans Snowflake, l’éditeur se positionne comme alternative native, mieux intégrée aux exigences de sécurité et de traçabilité des environnements multicloud. Il envoie également un signal fort aux grandes entreprises : leur environnement analytique peut évoluer sans sacrifier les compétences ni réécrire les pipelines existants. L’annonce peut également être vue comme une manière de capter les usages Spark historiquement hébergés sur Amazon EMR ou sur des clusters Kubernetes gérés.
Enfin, l’intégration de Spark prépare la consolidation des flux de traitement IA au sein d’un même socle. Dans une architecture où les données, les modèles et les agents cohabitent, Snowflake cherche à s’imposer comme le point d’ancrage des workflows hybrides mêlant préparation, entraînement et inférence.
Une stratégie offensive, mais menée sous contrôle
Elle conforte la stratégie de Snowflake : devenir un fournisseur « full-stack » pour les cas d’usage analytiques, du stockage à l’inférence IA, sans imposer un lock-in technologique. En ouvrant sa plateforme à Spark, Snowflake n’abandonne pas sa vision propriétaire ; il l’élargit pour l’adapter aux pratiques réelles des entreprises.La convergence entre Snowpark et Spark pourrait ainsi devenir un des leviers d’adoption de la plateforme dans les équipes IA avancées, qui cherchent à industrialiser leurs processus sans sacrifier leurs outils ni leurs habitudes de développement. En ouvrant la porte à Spark tout en gardant les clés de son infrastructure, Snowflake poursuit une stratégie d’unification pragmatique, où l’interopérabilité est une ouverture stratégique maîtrisée.