Près de 90 % du trafic Internet mondial transite par des câbles sous-marins. Invisibles, mais stratégiques, ils relient les continents et conditionnent la fluidité des échanges numériques. La rupture de deux segments majeurs dans la mer Rouge début septembre expose brutalement cette dépendance et provoque un ralentissement notable entre l’Asie, le Moyen-Orient et l’Europe.

Depuis le 6 septembre, les câbles SEA-ME-WE 4 et IMEWE, positionnés au large de Djeddah, présentent des dommages significatifs. Ces ruptures perturbent la latence et la capacité des flux entre l’Asie du Sud, la péninsule Arabique et l’Europe. Les opérateurs locaux, comme Etisalat, confirment des perturbations sur leurs réseaux. Microsoft signale une latence plus importante sur ses services Azure transitant par cette zone, bien que les flux hors région demeurent fonctionnels.

Le Koweït est également impacté via le câble Falcon de Global Cloud Xchange. Cloudflare observe une augmentation de la latence allant jusqu’à 30 % entre Mumbai et Francfort, affectant immédiatement les services numériques et les liaisons intercontinentales.

La fragilité des infrastructures sous-marines mise en perspective

Un rappel n’est pas superflu : le 14 mars 2024, plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, dont la Côte d’Ivoire, le Ghana ou le Burkina Faso, ont subi des coupures d’Internet à la suite de défaillances de câbles WACS, ACE, SAT-3 et MainOne. Cloudflare notait un recul de trafic massif dans au moins dix de ces pays, traduisant la criticité des infrastructures.

Cloudflare, bien placé pour observer ces perturbations, en profite pour rappeler « à quel point nous dépendons des câbles sous-marins, qui transportent plus de 90 % des flux intercontinentaux ». Cette fragilité a conduit à la création, fin 2024, d’un groupe d’experts piloté par l’Union internationale des télécommunications et l’International Cable Protection Committee pour renforcer la résilience des infrastructures sous-marines.

Causes suspectes et précédent proche

Les causes exactes des ruptures de septembre restent incertaines. Des ancrages accidentels sont avancés, mais la multiplication des cas de coupures « accidentelles » alimente des suspicions d’actes hostiles. En février 2024, des câbles tels que AAE-1, Seacom et EIG avaient déjà été endommagés dans la mer Rouge. Un rapport évoque que l’ancrage du navire Rubymar, touché par un missile, aurait pu causer ces dommages.

Ces incidents appellent les organisations à diversifier leurs sources de connectivité et à renforcer leurs plans de continuité d’activité. La dépendance exclusive aux câbles sous-marins expose à des risques opérationnels et réputationnels majeurs. Les solutions hybrides — combinaisons de câbles et de liaisons terrestres et satellitaires — permettent de préserver la performance et de maîtriser les coûts induits par les interruptions.

En définitive, ces coupures révèlent une vulnérabilité structurelle des réseaux d’interconnexion des continents : l’économie numérique mondiale repose sur une infrastructure physique invisible et fragile, dont la sécurisation est devenue un impératif technique, économique, et géopolitique.