Avec la première livraison commerciale des GPU 7G100, Lisuan Technology matérialise une ambition longtemps jugée théorique en Chine : disposer d’un fournisseur national capable de proposer des processeurs graphiques modernes. Cette étape ouvre une séquence nouvelle dans la compétition mondiale des GPU, marquée par la recherche d’autonomie industrielle, la sécurisation des chaînes d’approvisionnement et l’émergence d’alternatives au duopole NVIDIA–AMD.

La Chine a multiplié ces dernières années les initiatives pour réduire sa dépendance aux composants critiques. Les processeurs graphiques, longtemps considérés comme l’un des maillons les plus complexes à maîtriser, restaient une zone d’ombre stratégique. L’annonce de Lisuan Technology, fondée en 2021 à Shanghai, prend donc une dimension symbolique autant qu’industrielle. Les GPU 7G100, gravés en six nanomètres et reposant sur une architecture propriétaire baptisée TrueGPU, ne sont plus des prototypes, ils arrivent chez des clients.

Les informations disponibles décrivent une première vague de livraisons orientée prioritairement vers des usages professionnels, en particulier des environnements nécessitant calcul graphique et simulation, comme les jumeaux numériques ou certaines applications de rendu. Les médias spécialisés évoquent une production industrialisée depuis l’automne 2025 et une disponibilité plus large attendue courant 2026 pour le grand public.

Prometteurs mais encore tributaires de l’écosystème logiciel

La série 7G100 comprend notamment deux déclinaisons. Le modèle 7G106, destiné au marché grand public et au jeu, embarque douze gigaoctets de mémoire GDDR6. Le modèle 7G105, pensé pour des charges professionnelles, propose vingt-quatre gigaoctets de mémoire avec correction d’erreurs. Les deux s’appuient sur un procédé de gravure TSMC en six nanomètres. Plusieurs médias techniques, dont Wccftech et Notebookcheck, rappellent que ces puces ont obtenu plus de cent onze mille points sous OpenCL dans certains tests synthétiques, un niveau positionné autour d’une GeForce RTX 4060 selon les mesures disponibles. Des démonstrations montrent également des titres exigeants comme Black Myth Wukong exécutés en 4K dans des conditions jugées exploitables, signe d’un potentiel réel au-delà de la démonstration théorique.

Les progrès sont indéniables, mais la route est longue pour un nouvel entrant sur ce marché. Les observateurs techniques soulignent que la puissance matérielle ne suffit pas, la maturité des pilotes, la stabilité dans la durée, la compatibilité avec les API graphiques modernes et la qualité de l’optimisation conditionnent l’expérience réelle. Les cartes Lisuan devront prouver leur constance hors des bancs d’essai et démontrer leur fiabilité dans des charges variées, qu’il s’agisse de calcul, de production 3D ou de jeu.

Un autre élément nuance l’idée d’autonomie complète. Même si la conception est chinoise, la gravure repose sur TSMC. La souveraineté technologique reste donc partielle, dans un contexte de tensions géoéconomiques persistantes. L’étape franchie reste toutefois majeure, car, pour la première fois, un acteur chinois livre un GPU original moderne, fabriqué à l’échelle industrielle et capable de rivaliser avec des références milieu de gamme établies.

Un signal stratégique adressé au reste du monde

Pour le marché intérieur, Lisuan apporte une alternative dans un segment critique du calcul. Cela signifie une diversification possible des approvisionnements, une moindre exposition aux restrictions internationales et, potentiellement, une meilleure adéquation aux contraintes locales, que ce soit pour des usages industriels, scientifiques, éducatifs ou défense. La Chine ne cherche pas seulement à produire un équivalent. Elle structure progressivement une filière GPU domestique capable d’évoluer.

Pour les entreprises internationales, l’information vaut également analyse. La compétition mondiale des GPU s’élargit. L’existence d’un acteur supplémentaire susceptible d’évoluer vers des offres exportables, même à moyen terme, pourrait modifier la dynamique concurrentielle, accélérer l’innovation et, surtout, introduire une dimension géopolitique plus marquée dans les choix d’équipement. La première livraison du 7G100 n’est pas qu’une nouvelle technologique. C’est un marqueur d’étape dans la recomposition industrielle du calcul graphique.

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