Issu d'une initiative franco-allemande, l'OIP est une coalition d'acteurs européens de l'e-commerce, de la presse et du tourisme unis pour s'attaquer à Google, à commencer par le dépôt d'une plainte pour abus de position dominante, et sensibiliser les politiques.

 

L'opposition à Google n'est pas chose nouvelle. Mais la position souvent largement en tête de l'éditeur, qu'il s'agisse du moteur de recherche, de la publicité en ligne, de la messagerie, de la cartographie, du stockage et partage de données, ou de bien d'autres services, attise bien des controverses.

Les négociations du commissaire européen à la concurrence, Joaquin Almunia, avec Google, ont abouti à l'esquisse d'un accord à l'amiable. Qui cependant est loin de faire l'unanimité. Elle a même de très nombreux détracteurs, en particulier en France où Arnaud Montebourg a accusé le commissaire européen de « s'agenouiller » devant Google.

La réaction de notre ministre a fait suite à celle de Joaquin Almunia qui avait écrit que « La Commission n'a pas le pouvoir de demander à une entreprise de se plier à toutes les demandes de ses concurrents juste parce qu'elle est dominante. »

Google fait peur !

La vision d'un Google tout puissant inquiète. Elle est même à l'origine d'une certaine paranoïa dans laquelle convergent deux visions : celle d'un Google incontournable (le moteur de recherche est crédité de plus de 90 % de part de marché de la recherche en ligne, le 'search') ; et dans le même temps un Google considéré si dominant qu'il fait de l'ombre à tous ses concurrents (le moteur est également crédité de plus de 90 % de part de marché de la publicité 'search').

C'est pourquoi il règne une certaine paranoïa autour de Google, qui se traduit par une critique généralisée mais cachée et acerbe, car en corolaire règne une réelle peur de critiquer le géant américain. Car tous craignent la puissance et le 'déréférencement' sur le moteur, qui efface toute visibilité des sites indexés. Certains, comme les grands médias 'papier' français, sont même allés jusqu'à négocier avec Google pour obtenir la rétrocession de 60 millions d'euros, privilégiatn leur intérêt immédiat à ceux d'une profession bien mal en point ! Un accord co-signé par le Président François Hollande en personne, aux cotés d'Eric Schmidt, le CEO de Google...

Les patrons de presse et les syndicats en pointe

En Allemagne, Mathias Döpfner, le patron du groupe Axel Springer (Bild, Die Welt, Auto plus, Aufeminin, etc.), a déclaré récemment sa « peur de Google ». En France, Benoît Sillard, le PDG de CCM Benchmark Group (L'Internaute.com, Journal du Net, Comment ça marche, etc.), et Denis Olivennes, le PDG de Lagardère active (Europe 1, Le Journal du dimanche, Doctissimo, Elle, etc.) figurent parmi les frondeurs.

Pour couvrir leurs adhérents, qui hésitent à s'attaquer de front à Google, certains syndicats se sont également placés au premier rang. C'est le cas de de l'union des annonceurs, du syndicat des tour opérateurs et du syndicat des éditeurs de musique en ligne.

Open Internet Project,

Google peut au moins se targuer d'être un moteur... pour ceux qui se liguent contre lui. C'est en effet pour dénoncer ce qui est considéré comme une position dominante que des acteurs européens de l'e-commerce, de la presse et du tourisme provenant de 15 pays européens ont créé une coalition, l'OIP (Open Internet Project), dans le but de faire entendre leur voix auprès de politiques. Et de déposer une plainte contre Google devant la Commission européenne pour abus de position dominante.

« C'est un sujet d'importance mondiale », ont déclaré les coalisés lors de l'annonce de la création de l'OIP. « Google, en situation de monopole, manipule les résultats des recherches afin de promouvoir ses propres services et dégrader ceux de ses concurrents. »

A la recherche de l'appui des politiques

Ce n'est pas anodin si l'OIP s'est créée à la veille des élections européennes. Les coalisés attendent que la Commission européenne modifie sa stratégie, sous-entendu qu'elle abandonne la ligne de conduite de son commissaire Joaquin Almunia.

Un infléchissement de la politique européenne en matière de concurrence pointant Google pourrait en particulier permettre aux Etats membres de revoir l'imposition des géants américains des IT. En se domiciliant en Irlande, où le régime fiscal leur est très favorable, ceux-ci échappent aux impositions locales. Sur un marché français de la publicité sur le 'search' estimé en 2012 à 1,141 milliard d'euros, Google - dont la part de marché dépasse les 90 % - n'a déclaré que 193 millions d'euros de chiffre d'affaires (commission sur des prestations d’assistance) et un bénéfice de 8,5 millions, ce qui s'est traduit par un impôt de 6,5 millions d'euros.

A faire pâlir de rage tant l'Etat que les entreprises et les contribuables qui paient leurs impôts en France...

Faut-il soutenir l'OIP ?

Difficile de répondre à cette question. La coalition est en effet un acte de défense contre un nouveau modèle économique mondial, porté par les géants du web et plus généralement des IT. Il faut intégrer cette nouvelle dimension économique, ce qui se révèle difficile pour des acteurs qui ne connaissent que la dimension locale de leur modèle économique. En revanche, dans un monde qui peine à sortir de la crise, la dimension fiscale dont profite ces géants affiche une réelle indécence.

Rappelons par exemple que Apple est assis sur un trésor de guerre estimé à environ 150 milliards de dollars, qui étant sur des paradis fiscaux échappe à toute fiscalité, et sur lequel l'Etat américain aimerait mettre la main. Il n'y a pas que Google qui devrait être dans la ligne de mire...