Le monde cyber n’a jamais été aussi dangereux et les affaires de cybercriminalité, étatiques ou dues à des groupes et des individus, mettent en péril les libertés individuelles et la vie privée des citoyens à travers le monde. En attendant que la recherche propose des ordinateurs et des algorithmes utilisables, l’informatique quantique est vue comme une panacée pour le mal cyber. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui considèrent que la construction de réseaux de communication améliorés et protégés par des technologies quantiques est parmi les plus importantes frontières technologiques du XXIe siècle. L’informatique quantique est un sujet que nous abordons souvent dans nos colonnes, mais toujours sous l’angle technologique. Cette fois-ci, c’est une application pratique de la computation quantique que nous allons aborder : l’Internet quantique.

En effet, lors d’une conférence de presse tenue le 23 juillet dernier à l’université de Chicago, le Département américain de l’énergie (équivalent du Ministère de l’Énergie) a dévoilé un rapport qui définit un plan stratégique pour le développement d’un Internet quantique national. Le but est de positionner les États-Unis au premier rang de la course mondiale aux données quantiques en inaugurant une nouvelle ère de communication. Ce rapport ouvre la voie au développement du National Quantum Initiative Act, et prévoit que les Américains développent un Internet quantique national dans les 10 ans qui viennent. Ça tombe bien, puisque le consensus scientifique stipule que la construction d’un prototype sera à portée de main au cours de la prochaine décennie.

Qu’est-ce que l’Internet quantique ?

L’Internet quantique fait partie du domaine plus général des communications quantiques, une branche qui étudie les capacités des ordinateurs quantiques à offrir des communications hautement sécurisées. Dans un réseau quantique, les informations sont stockées dans des qubits, au lieu des bits actuellement utilisés. Un tel réseau utilise les propriétés « bizarres » de la mécanique quantique, comme la superposition (la capacité d’une particule subatomique d’avoir plusieurs états simultanés) et l’intrication (la simultanéité des états de deux particules, y compris sur de longues distances).  

Dans un réseau quantique, les informations ne sont donc pas transmises, elles sont simultanées grâce à l’intrication. Donc pas de transit ni de possibilité d’interception par une tierce personne. Si la distribution de clés quantiques est actuellement le principal axe de recherche qui sous-tend les communications quantiques sécurisées, c’est l’échange d’informations sur un canal quantique, avec sa capacité à détecter toute interception, qui offre le nec plus ultra en matière de communication sécurisée. Les premières applications de ces futures solutions se retrouveront dans des domaines tels que la sécurité, les banques et les infrastructures de distribution d’énergie.

Une course entre l’Europe, la Chine et les États-Unis

Depuis 2017, la Chine, investisseur de longue date dans le quantique, bat des records de distance pour les réseaux quantiques. En juin 2019, elle a établi l’intrication de photons par satellite sur une distance de 1200 km. De son côté, l’Europe a formé la Quantum Internet Alliance pour développer son plan d’un Internet quantique. Depuis lors, les scientifiques européens ont poursuivi diverses expériences pour valider leurs idées, notamment en démontrant l’intrication sur 50 km par fibre optique en janvier 2019. Quant aux États-Unis, en avril 2019, des scientifiques du Brookhaven National Laboratory du Département américain de l’énergie (DOE), de l’université Stony Brook et du réseau des sciences de l’énergie du DOE ont réussi à démontrer une intrication sur de longues distances de plus de 18 km en utilisant des sources d’enchevêtrement quantique portables uniques et le réseau de communication par fibre optique ESnet du DOE.