Orange annonce le déploiement de nouveaux modèles open-weight d’OpenAI, « gpt-oss-120b » et « gpt-oss-20b », dans sa propre infrastructure de confiance. Orange revendique un contrôle complet sur le déploiement, l’optimisation et la gouvernance de ces modèles génératifs, dans un cadre maîtrisé respectant les contraintes réglementaires locales. En hébergeant les modèles gpt-oss dans ses centres de données régionaux en France, mais aussi sur des serveurs périphériques dans les 26 pays où il opère, l’opérateur entend concilier performance technologique et protection des données sensibles.
Ce choix stratégique de l’inférence locale répond à un besoin croissant de souveraineté numérique exprimé par les entreprises européennes et africaines. Il s’inscrit dans une tendance de fond où les fournisseurs de services télécoms cherchent à capitaliser sur leurs actifs d’infrastructure pour proposer des environnements d’exécution sécurisés pour l’IA. À ce titre, Orange se positionne dans la lignée des démarches entreprises par Deutsche Telekom, Telefónica ou encore STC dans les pays du Golfe, qui cherchent à faire émerger des alternatives aux géants hyperscalers sur leur territoire.
Des cas d’usage opérationnels et à forte valeur métier
L’opérateur télécom met en avant plusieurs cas d’usage déjà en cours de développement ou de déploiement, notamment l’amélioration de la qualité de service sur les réseaux, l’automatisation des diagnostics en cas d’incident, ainsi que l’optimisation des interactions client via des chatbots et des assistants vocaux multilingues. L’intégration des langues africaines dans ces modèles est particulièrement mise en avant, dans le cadre d’un effort d’inclusion numérique sur le continent.Ces usages reposent sur des modèles IA plus petits, distillés à partir des modèles de base gpt-oss, et optimisés pour des tâches spécifiques. Cette approche modulaire et personnalisée permet à Orange de réduire l’empreinte carbone de ses déploiements tout en maintenant un haut niveau de performance fonctionnelle. La logique est clairement celle d’une IA « frugale », en ligne avec les orientations stratégiques fixées depuis plusieurs années dans le groupe, notamment dans ses rapports RSE et sa feuille de route climat.
Un partenariat différenciant dans l’écosystème OpenAI
Orange devient l’un des premiers partenaires à déployer les nouveaux modèles « open-weight » d’OpenAI, une version intermédiaire entre les modèles entièrement open source et les modèles fermés comme GPT-4. Ces modèles permettent une exécution locale, un fine-tuning personnalisé, et une intégration directe dans les chaînes applicativesinternes ou client.
Pour OpenAI, ce type de partenariat avec des opérateurs télécoms ancrés localement représente une voie alternative de déploiement industriel à grande échelle, notamment en dehors des circuits cloud traditionnels. La déclaration de Brad Lightcap, COO d’OpenAI, évoque une approche plus pragmatique de l’IA : il ne s’agit pas seulement de fournir un modèle, mais d’accompagner sa mise en œuvre opérationnelle au plus près des besoins métiers, des contraintes techniques et des réalités locales.
Vers une IA orientée plateforme, frugale et distribuée
L’intégration des modèles gpt-oss dans la gamme « Live Intelligence » d’Orange pourrait marquer une inflexion vers un modèle d’IA opérateur-centrée. Dans ce schéma, l’opérateur ne se contente plus d’exploiter les modèles d’un fournisseur tiers, mais bâtit une plateforme d’IA hybride, combinant des modèles tiers, des outils internes et une infrastructure propriétaire, adaptée à chaque zone géographique et à chaqueverticale métier.
Cette logique rejoint celle d’un nombre croissant d’acteurs industriels qui souhaitent s’émanciper des contraintes imposées par les modèles de type SaaS centralisés. En personnalisant les modèles, en maîtrisant l’environnement d’exécution et en réduisant la dépendance au cloud public, Orange tente d’esquisser une troisième voie entre le tout-cloud des hyperscalers américains et les initiatives 100 % souveraines souvent
limitées en portée.
Orange vise aussi les marchés africains
L’annonce prend aussi une dimension politique avec l’engagement d’Orange à publier en open source des modèles personnalisés pour les langues africaines. L’objectif est de permettre aux autorités locales de réutiliser ces modèles pour des services publics : santé, éducation, assistance administrative. Cet engagement fait écho à d’autres initiatives soutenues par l’Union africaine et des institutions multilatérales pour développer une IA inclusive et adaptée aux réalités locales.Si cette promesse se concrétise, elle pourrait renforcer la position d’Orange comme acteur de référence dans la transformation numérique en Afrique francophone et subsaharienne. Elle pourrait aussi créer un précédent dans la manière dont les grands opérateurs structurent des partenariats public-privé autour de modèles IA ouverts, mais
gouvernés localement.
Un montage légalement défendable, mais juridiquement perfectible
Sur le plan juridique, le dispositif mis en place par Orange semble compatible avec le RGPD, en particulier grâce à l’exécution locale des modèles d’OpenAI dans ses propres centres de données, ce qui permet d’éviter les transferts de données personnelles vers des pays tiers. Toutefois, la souveraineté technique reste partielle : bien que les modèles soient qualifiés d’open-weight, leur code source complet, leurs données d’entraînement et leur gouvernance technique restent la propriété d’OpenAI.Ce point pourrait soulever des questions de conformité à moyen terme avec le règlement européen sur l’intelligence artificielle (AI Act), notamment pour les cas d’usage sensibles ou à haut risque. De plus, la dépendance sous-jacente à un fournisseur américain maintient une exposition potentielle à l’extraterritorialité du droit, même atténuée par l’hébergement local. Le montage mis en œuvre par Orange s’inscrit donc dans une logique de souveraineté numérique renforcée, mais non absolue, défendable sur le plan réglementaire actuel, mais juridiquement perfectible à l’échelle européenne.
La question de la standardisation, de l’auditabilité et de la certification de ces modèles reste également posée. Dans un futur proche, la conformité au futur règlement européen sur l’intelligence artificielle (AI Act) pourrait exiger des preuves d’alignement, de robustesse et de transparence que seul un contrôle complet de la chaîne de valeur permet de garantir.