Cette progression s’accompagne néanmoins de tensions persistantes autour de la sécurité, de la gouvernance et de la modernisation des environnements existants. Publiée pour la sixième année consécutive, l’étude Enterprise Cloud Index de Nutanix dresse un panorama mondial des pratiques, des priorités et des freins en matière d’infrastructure cloud en entreprise. Réalisée par Vanson Bourne auprès de décideurs IT et DevOps dans 12 pays et 14 secteurs d’activité, l’enquête analyse les dynamiques d’évolution vers des modèles hybrides et multicloud, l’adoption des technologies natives du cloud, les attentes autour de l’intelligence artificielle générative, ainsi que les enjeux de souveraineté, de durabilité
et de sécurité.
Elle constitue aujourd’hui une référence pour suivre l’évolution des stratégies cloud dans un contexte marqué par l’industrialisation de la conteneurisation, l’émergence d’architectures distribuées et la montée en puissance de l’IA dans les processus métier. La France, incluse dans le périmètre avec un panel de 100 répondants, s’y distingue par une trajectoire volontariste et singulière, que ce soit dans ses choix d’infrastructure, ses arbitrages technologiques ou ses exigences en matière de gouvernance.
La souveraineté numérique comme ligne de force
Les résultats montrent que les entreprises françaises amorcent une bascule significative de leurs infrastructures vers des environnements hybrides et multicloud. Aujourd’hui encore dominée par les centres de données et les clouds privés (78 %), la France projette une réduction de cette dépendance à seulement 16 % d’ici trois ans. En parallèle, les environnements hybrides devraient passer de 3 % à 34 % et le multicloud public de 7 % à 35 %, des chiffres bien supérieurs aux moyennes mondiales et européennes. Ce mouvement s’inscrit dans une quête de flexibilité accrue, mais met également en lumière les défis croissants de gestion et de gouvernance de la complexité, estiment lesrédacteurs de l'atude.
Dans ce contexte, la souveraineté et la confidentialité des données occupent une place centrale. 44 % des répondants français les considèrent comme une priorité dans leurs choix d’infrastructure, contre 41 % en moyenne dans la zone EMEA et 37 % au niveau mondial. La France se distingue donc par une exigence plus forte en matière de contrôle et de conformité, sous l’effet conjugué du RGPD, des politiques nationales sur la cybersécurité et d’une méfiance à l’égard des grands hyperscalers américains.
Cette attention se reflète dans la manière dont les décideurs français évaluent les enjeux liés à la protection des données : 72 % estiment qu’il s’agit d’un défi modéré à critique, un taux supérieur à la moyenne européenne.
Une modernisation applicative fortement orientée cloud-natif
La modernisation applicative figure également parmi les moteurs principaux de transformation. En 2023, 97 % des entreprises françaises ont engagé des migrations applicatives, avec une forte orientation vers l’adoption de services cloud-natifs. Le développement rapide d’applications, la réduction des coûts d’exploitation et la meilleure intégration aux environnements multicloud sont les principales motivations évoquées.Toutefois, deux entreprises sur trois considèrent encore le développement cloud-natif comme un obstacle, mettant en évidence un écart persistant entre ambition technologique et maturité opérationnelle. Cette tension se manifeste aussi dans la gestion des données : 99 % des organisations signalent des difficultés, en particulier liées aux silos d’équipes, à l’éclatement des environnements et à la conformité réglementaire.
Un engagement environnemental affirmé
La France montre également un fort engagement en matière de développement durable. 99 % des entreprises interrogées déclarent avoir mené au moins une initiative liée à la durabilité au cours de l’année écoulée, qu’il s’agisse de télétravail, d’optimisation énergétique ou de rationalisation des ressources.Pour 82 % des répondants français, la durabilité constitue une priorité stratégique, ce qui se traduit par une volonté majoritaire d’augmenter les investissements dédiés en 2024. Cette orientation coïncide avec une prise de conscience plus large des impacts environnementaux du numérique, et s’inscrit dans une tendance européenne forte à aligner les stratégies IT sur des critères ESG.
La cybersécurité reste un talon d’Achille
La cybersécurité reste un sujet de vigilance. 82 % des entreprises françaises ont subi au moins une attaque par rançongiciel au cours des trois dernières années. Dans la majorité des cas, les opérations n’ont pu être rétablies qu’au bout de plusieurs jours voire semaines, un délai supérieur à celui constaté dans d’autres pays européens.Seuls 25 % des répondants français indiquent avoir pu restaurer leur activité en quelques heures. Ce constat conduit 75 % d’entre eux à anticiper une hausse de leurs dépenses en sécurité, avec un accent particulier sur la détection proactive, la résilience des données et la formation des équipes. La sécurité est aussi fortement corrélée à l’adoption de l’intelligence artificielle, perçue à la fois comme un levier d’automatisation
et un risque à encadrer.
Conteneurisation généralisée, mais infrastructures sous pression
Sur le plan technologique, la France se positionne comme l’un des pays les plus avancés en matière de conteneurisation. Toutes les entreprises interrogées ont adopté cette technologie, au moins partiellement. La moitié d’entre elles déclarent que plus de 50 % de leurs applications tournent désormais en conteneurs, un taux supérieurà la moyenne mondiale.
En parallèle, 93 % opèrent plusieurs clusters Kubernetes et 51 % gèrent des environnements multi-clusters, ce qui confirme une maturité croissante dans la gestion des workloads cloud-natifs. Cependant, 85 % estiment encore que leur infrastructure n’est pas pleinement adaptée aux exigences de performance, de sécurité et de portabilité induites par la conteneurisation à grande échelle.
L’IA générative s’impose comme catalyseur d’innovation
Enfin, la dynamique autour de l’intelligence artificielle générative se précise. 90 % des entreprises françaises interrogées affirment disposer d’une stratégie en la matière, et 57 % sont déjà en phase de mise en œuvre, une proportion légèrement supérieureà la moyenne mondiale.
Les objectifs assignés à la GenAI varient selon les secteurs, mais la productivité, l’automatisation et l’optimisation des processus métiers sont les priorités les plus souvent citées. L’usage de la GenAI dans la relation client, la cybersécurité et l’aide à la décision connaît une progression rapide.
Toutefois, les attentes sont élevées : 88 % des dirigeants français attendent un retour sur investissement dans les trois ans, et près de la moitié prévoient des coûts supplémentaires pour adapter leur infrastructure. Le manque de compétences est perçu comme un frein par 45 % des entreprises, ce qui pourrait ralentir l’industrialisation des projets en l’absence de plans de formation ou de partenariats ciblés.
Vers une architecture cloud souveraine et convergente
Ce tableau révèle une France résolument tournée vers une infrastructure numérique de nouvelle génération, combinant hybridation, conteneurisation, gouvernance renforcée et IA générative. Mais cette avancée technologique ne doit pas masquer les défis structurels sous-jacents : gouvernance des données, résilience des systèmes, formation des équipes et mise à l’échelle des environnements hybrides.Pour les éditeurs, les intégrateurs et les fournisseurs de services cloud, le message est clair : il s’agit désormais de proposer des plateformes intégrées capables de concilier performance, sécurité, souveraineté et durabilité. La France, plus qu’un laboratoire, apparaît ainsi comme un terrain d’expérimentation avancé pour les architectures
cloud de demain.