Délaissant les projets de consolidation du marché français des télécoms, le bouillonnant patron de Free a lancé une offre de 15 milliards de dollars sur T-Mobile, la filiale US de Deutsche Telekom.

Xavier Niel défraye une nouvelle fois la chronique, et cette fois il se montre encore plus ambitieux. Le patron et fondateur de Free/Iliad a lancé une offre de 15 milliards de dollars sur T-Mobile, la filiale US de Deutsche Telekom à vendre.

Si l'opération peut surprendre venant de ce que beaucoup d'observateurs américains considèrent comme « un petit opérateur télécoms européen », elle a pourtant du sens. Tout d'abord il y a une réelle proximité entre Free et T-Mobile : les deux opérateurs sont les plus petits des grands opérateurs sur leur marché, chacun occupe la place de quatrième. Ensuite, derniers arrivants, tout deux affichent des faiblesses sur la couverture de leur réseau. Enfin, ils compensent en adoptant des stratégies agressives sur leurs offres, en particulier sur les prix.

Elargir à l'international plutôt que consolider

Les observateurs attendent une consolidation des acteurs des télécoms, tant américains qu'européens. En particulier en France, un marché d'à peine plus de 60 millions d'habitants, où l'avenir de Bouygyes Telecom est incertain. Mais ce n'est pas là où il était attendu que Xavier Niel frappe aujourd'hui. C'est sur le marché US où également la consolidation guette. T-Mobile est en effet à vendre, et après la tentative ratée d'AT&T, c'est Sprint – filiale du japonais Softbank, encore un Free 'like' - est sur les rangs.

Alors pourquoi Xavier Niel s'attaque-t-il au marché US ? D'abord, c'est un marché de 315 millions d'habitants. Ensuite, c'est un marché qui conserve de fortes réserves de progression, surtout sur les services. Enfin, lors de son galop d'essai pour éventuellement acquérir SFR ou se rapprocher de Bouygues, le patron de Free a éprouvé sa capacité à lever des fonds pour une opération de très grande envergure, et il a obtenu confirmation qu'il dispose des moyens pour se lancer à la conquête de plus gros que lui.

Une concurrence américaine à la recherche de fréquences

Quelles sont les chances que l'offre de Free/Iliad sur T-Mobile aboutisse ? L'offre est inférieure à celle de Sprint, mais cette dernière est liée à une consolidation des numéros 3 et 4 du marché US, face aux géants aux résultats affolants Verizon et AT&T. Or, la FCC, le gendarme américain de la concurrence, est opposé à ce projet. C'est d'ailleurs elle qui a mis fin au projet de rachat de T-Mobile par AT&T. Deutsche Telekom devrait donc prendre en compte l'offre de 15 milliards de dollars de Free.

Le marché américain, fort de 100 millions d'abonnés LTE, a également la particularité d'être en mouvement. Si les deux géants Verizon et AT&T sont inattaquables, d'autres acteurs pourraient s'intéresser à un opérateur télécoms de la taille de T-Mobile. L'opérateur est en effet dans la cible de riches investisseurs qui construisent des parcs de fréquences, des opérateurs du WiFi également à la recherche de fréquences, voire des opérateurs de diffusion TV qui jettent un œil sur les télécoms pour trouver des relais de croissance.

Il sera intéressant, à ce titre, de suivre les enchères sur des fréquences US qui auront lieu prochainement, bandes AWS3 avant la fin de cette année et un solde de la bande des 600MHz en 2015.

Xavier Niel séduit l'Amérique

Mais ce qui ressort le plus de l'offre de Free/iliad sur T-Mobile, c'est l'accueil que les médias et les consultants américains ont réservé à Xavier Niel. Comparé à Richard Branson (Virgin) ou Steve Jobs (Apple), le fondateur de Free et son offre ont reçu un bon accueil des médias outre-Atlantique. De ce coté, c'est Arnaud Montebourg qui dans un tweet souhaite bonne chance à Xavier Niel. A croire que le ministre apprécierait de savoir le patron de Free avec l'esprit occupé aux US, ce qui éloignerait le troublion des télécoms françaises...

De la chance, en tout cas, Xavier Niel en aura besoin si son projet réussit. Car ce sera un autre morceau à digérer que si Free avait pu s'offrir SFR ou Bouygues. T-Mobile évolue en effet sur un marché particulièrement concurrentiel, où les géant disposent d'une marge importante qui peut leur permettre d'être agressifs, surtout contre un « fauteur de troubles » français !