Au fur et à mesure que l’on en sait un peu plus sur les conditions du déconfinement, les prédictions de reprise plus ou moins optimistes se ratatinent comme peau de chagrin. Il faudra de la créativité pour s’adapter aux nouveaux paradigmes post-crise.
À présent, le déconfinement sera progressif : les entreprises, les commerces et les transports ne seront pas ouverts d’un coup et dans leur totalité. Des secteurs entiers devraient tellement souffrir de la chute brutale de leur activité que le redémarrage ne pourra se faire qu’en étapes progressives et, probablement, laborieuses. On pense au tourisme et au transport aérien par exemple, à la restauration et à l’événementiel qui devraient avoir du mal à retrouver un niveau d’activité comparable à celui d’avant la crise.
Outre les causes endogènes d’un redémarrage difficile, les règles de distanciation sociales qui devraient rester en vigueur pendant les mois suivant le début du déconfinement progressif, le 11 mai prochain si tout va bien, apportent leurs lots de causes exogènes d’un redémarrage difficile. On connaissait déjà les procédures sans contact, comme le paiement, il faudra aussi y ajouter la société et l’économie sans contact. Dans les commerces, les restaurants, les cantines et les transports, les règles de distanciation imposeront des procédures qu’il faudra aux entreprises intégrer et faire respecter. Enfin, le télétravail devrait connaître un essor sans précédent favorisé par le PoC à grande échelle expérimenté pendant la crise, et aussi par les règles de distanciation, dans les transports et dans les entreprises.
Les scénarii de reprise s’assombrissent…
Oubliez donc les scénarii de reprise en V ou en W ou même en U. Sans vouloir être des oiseaux de mauvais augure, il semble bien que ce soit le scénario en U, avec un long plancher bas, ou pire, en L qui pourrait bien s’imposer. « La pandémie pourrait donner lieu à une nouvelle ère de développement humain », explique McKinsey dans un article intitulé Sauver notre niveau de vie grâce au Covid-19 : vers une reprise économique. « Dans le cas contraire, le développement économique et social pourrait s’essouffler pendant des décennies », ajoute-t-il. Même si le cabinet de conseil utilise le mot développement au sens de croissance et expansion, nous lui attribuerons un autre sens, celui d’évolution, comme une histoire qui se développe, quel que soit le sens dans lequel elle le fait.
Les scénarii qui envisagent la reprise plus ou moins à moyen terme négligent un point essentiel que je vous invite, cher lecteur, à explorer dans votre propre conscience. Le confinement recèle des vertus qui pourraient bien rejaillir sur le mode de vie et de consommation d’après-crise.
Enfermé chez lui pendant des semaines, le confiné a eu tout le temps de réfléchir au modèle social et économique mi en place depuis l’avènement de la classe moyenne et de l’endettement comme soutiens à la croissance. Ce modèle était déjà sous le feu des critiques, bien avant la crise. Celle-ci n’aura en définitive joué qu’un rôle de révélateur à grande échelle des fardeaux que fait peser notre modèle civilisationnel sur les individus et la nature.
… mais la nécessité est mère de créativité
L’aspiration à une vie moins contraignante, pour sa santé mentale et physique et pour les différents règnes de la nature, se conjugue très bien avec les règles de distanciation et le télétravail. La réduction des attraits de la vie trépidante et consumériste d’avant crise n’est plus synonyme de sous-développement mais de bien-être pour beaucoup de nos concitoyens. Le déconfiné aura de nouvelles aspirations qui pèseront sur le mode de fonctionnement de l’économie et de la société. C’est le changement le plus radical et qui influencera l’évolution des structures industrielles et de production, du comportement des consommateurs et du commerce, et des positions sur le marché, ainsi que l’attractivité de secteurs entiers de l’économie.
La nécessité est mère de créativité. Il en faudra aux entreprises pour mettre au point de nouvelles efficiences.