Le CNRS s’impose comme le premier centre de recherche européen pour la création d’entreprises innovantes, selon le rapport European Spinouts 2025. Ce classement salue la capacité de l’organisme à convertir l’excellence scientifique en startups deeptech, avec plus de 1 500 sociétés issues de ses laboratoires, un taux de pérennité de 74 % à dix ans, et des dispositifs d’accompagnement à toutes les étapes du parcours entrepreneurial.

La France, longtemps perçue comme un terrain peu propice à la création de startup et encore moins adaptée à leur pérennisation, semble aujourd’hui tourner la page. Grâce à l’émergence d’un écosystème deeptech structuré, un soutien public affirmé et une amélioration du niveau de maturité des acteurs financiers, le pays renforce sa capacité non seulement à engendrer des jeunes pousses technologiques, mais aussi à les maintenir et les industrialiser sur le long terme.

La reconnaissance du CNRS au sommet du palmarès européen de l’innovation académique comble le hiatus entre la production scientifique et la conversion industrielle. Elle confirme la dynamique de la recherche publique française en matière de transfert technologique. À la croisée des exigences scientifiques et des attentes du marché, le CNRS a consolidé au fil des années une stratégie d’appui à l’entrepreneuriat s’appuyant sur un continuum de dispositifs : programme de prématuration (10 M€ par an, 60 projets dé-risqués), accélérateur RISE pour la création d’une trentaine de startups par an, et RISE-UP dédié au passage à l’échelle par l’accès à plus de cinquante investisseurs et partenaires industriels.

« Transformer l’excellence scientifique en innovation durable »

Cette approche intégrée fait figure de référence pour l’écosystème européen, où l’enjeu consiste à transformer la recherche fondamentale en innovations capables de peser sur la souveraineté technologique du continent. Selon Thomas Ribeiro, directeur général de CNRS Innovation, la mission centrale consiste à « transformer l’excellence scientifique en innovation durable » et à poser les bases d’une souveraineté industrielle européenne.

Le rapport European Spinouts 2025 met en lumière l’accélération de la valorisation économique des spin-offs issues de la recherche académique. Depuis 2015, la valeur cumulée des entreprises deeptech et sciences du vivant créées par les universités et centres européens approche les 400 milliards de dollars, générant plus de 160 000 emplois à travers 7 300 startups, dont 40 % créées depuis 2019. Le CNRS se hisse en tête du classement des centres de recherche pour le nombre d’entreprises accompagnées, le montant total des fonds levés et le nombre d’unicornes issues de ses laboratoires. Cette performance s’inscrit dans un mouvement plus large où la France figure désormais parmi les quatre premiers pays européens en valeur de spinouts, derrière le Royaume-Uni, l’Allemagne et la Suisse, tout en se positionnant au premier rang pour la dynamique de ses organismes publics (CNRS, CEA, Inserm).

Un modèle intégré d’innovation technologique

L’originalité du modèle du CNRS repose sur une articulation étroite entre soutien à l’innovation en amont (prématuration et maturation) et accompagnement du passage à l’échelle. Chaque année, une soixantaine de projets bénéficient d’un investissement de 10 millions d’euros pour franchir le « premier vallon de la mort » de l’innovation, soit la phase où le risque technologique est maximal. Le dispositif RISE s’attache ensuite à industrialiser le processus de création d’entreprises, avec une trentaine de startups lancées chaque année dans des secteurs allant de la photonique à l’intelligence artificielle, en passant par les biotechnologies et les semiconducteurs. Le programme RISE-UP permet de lever les obstacles à la croissance, en connectant les jeunes pousses à un réseau qualifié d’investisseurs et d’industriels, condition essentielle à l’émergence de champions technologiques européens.

Cette structuration multiétape du parcours entrepreneurial est saluée dans le rapport comme l’un des leviers majeurs de la pérennité et de la performance des spin-offs françaises. Le CNRS revendique un taux de survie de 74 % à dix ans, bien supérieur à la moyenne du secteur, et une capacité à attirer des fonds privés, plus de 7 milliards d’euros levés depuis quinze ans. L’approche est désormais observée de près par d’autres centres européens, dans un contexte de compétition accrue pour attirer les financements tardifs (late stage), aujourd’hui majoritairement d’origine extra-européenne.

La France, acteur clé de la souveraineté technologique européenne

Au-delà de la performance du CNRS, la France s’illustre comme l’un des principaux pôles de création d’entreprises deeptech en Europe, aux côtés du Royaume-Uni, de l’Allemagne et de la Suisse. Le rapport met en avant la concentration d’organismes de recherche publics en tête du classement : CNRS, CEA, Inserm et Inria se distinguent par leur capacité à structurer des filières stratégiques – de la microélectronique à la santé, en passant par l’intelligence artificielle et l’énergie. Cette force collective permet à la France de peser dans la répartition des emplois (plus de 167 000 au niveau européen) et des financements (plus de 9 milliards de dollars levés en 2025 par les spin-outs européennes), tout en accroissant sa capacité à générer des licornes et à atteindre une valorisation mondiale des innovations issues du secteur public.

Cette dynamique française s’inscrit dans un écosystème européen marqué par la montée en puissance des investissements dans la deeptech et les sciences du vivant : 40 % des nouvelles startups deeptech européennes créées depuis 2019 sont issues de spinouts, un bond de 80 % par rapport à la période 2010-2018. La France se distingue aussi par la densité de son tissu académique, la qualité de ses doctorants et le positionnement de ses centres dans les classements internationaux. La valorisation croissante des startups issues de la recherche contribue à renforcer la souveraineté technologique de l’Europe, alors que près de la moitié des financements en phase avancée proviennent encore d’investisseurs non européens.

Des leviers de transformation et des défis persistants

Le rapport pointe néanmoins plusieurs défis structurels pour le modèle européen, dont la France n’est pas exempte : manque de standardisation des conditions de spinout d’un établissement à l’autre, nécessité d’accélérer le transfert des innovations vers l’industrie, dépendance persistante vis-à-vis des fonds étrangers pour les tours de table majeurs. Face à ces enjeux, la feuille de route du CNRS prévoit l’intensification de l’accompagnement entrepreneurial et la poursuite de la mutualisation des moyens à l’échelle nationale et européenne. Le renforcement des dispositifs de financement de preuve de concept, l’accélération de la dynamique d’investissement en late stage, ainsi que la promotion de l’entrepreneuriat comme pilier de la carrière académique sont considérés comme des axes prioritaires pour la prochaine décennie.

Selon le rapport, l’enjeu pour la France et pour l’Europe sera de transformer ce leadership académique en champions industriels mondiaux, capables de rivaliser avec les leaders américains et asiatiques sur les marchés stratégiques. Le CNRS, en tant que tête de file de la recherche publique européenne, est appelé à jouer un rôle moteur dans cette transformation, à la fois par l’exemplarité de son modèle et par la diffusion de ses pratiques d’accompagnement auprès des autres organismes de recherche.

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