C’est une première française (et japonaise !), une chanson dont la musique a été composée par une intelligence artificielle, une innovation créative réalisée par le Computer Science Laboratory de Sony à Paris et le compositeur Benoît Carré.

« Daddy’s car », que vous pouvez écouter en cliquant sur la vidéo YouTube en en-tête de notre article, est une chanson à l’ambiance pop nostalgique, dont le style, selon certains critiques, est proche de celui des Beatles. Sa particularité, la musique a été composée par une intelligence artificielle (AI).

Une seconde chanson a également été composée, « Mr. Shadow », dans un style ‘auteurs-compositeurs américains', Cole Porter, Gershwin, Duke Ellington, etc.

Plus précisément, il s’agit de la réalisation d’un logiciel nommé Flow Machines, réalisé par le Computer Science Laboratory (CSL) de Sony qui est basé à Paris. Celui-ci a composé la musique, tandis que le compositeur Benoît Carré a assuré les arrangements, écrit les paroles et produit la chanson. Ou plutôt les chansons puisqu’un album est envisagé.

Comment ça marche ?

  1. Le laboratoire a réalisé une base de données de 13 000 leadsheets, l’association d’une mélodie et d’une harmonie, qui représentent différents styles musicaux (principalement jazz, pop, brésilien, Broadway, etc.).
  2. Le compositeur humain choisit le style musical, et le système nommé FlowComposer génère un leadsheet.
  3. Ensuite, avec un autre système appelé Rechord, le musicien reprend quelques enregistrements audio (chunks) provenant d’autres chansons qu’il ajoute aux leadsheets générés.
  4. Enfin, le compositeur termine la composition et assure le mixage.

Les interrogations ?

L’exploit du CSL de Sony soulève de nombreuses interrogations. La première est de savoir si une telle composition est véritablement une création ? En effet, l’informatique se contente d’assembler des compositions existantes pour créer son propre leadsheet. Certes, mais le cerveau ne fonctionne-t-il pas ainsi, par association de choses mémorisées ?

La seconde est liée à l’usage de la solution ? Pour le CSL, il s’agit de trouver « des moyens nouveaux et très efficaces pour stimuler la créativité ». Elle apporterait l’inspiration aux créateurs férus de technologie et aux artistes qui souhaitent explorer la musique.

Cette vision pourrait également accompagner l’ambition exprimée par certains producteurs de combler le vide laissé par des artistes disparus ou qui se sont retirés, ou accompagner ceux qui sont à la recherche de nouveaux styles de transformation et de sons. Avec un risque, on le voit dans d’autres domaines, d’une uniformisation de la création, avec le choix de rythmes et de styles pour répondre à des objectifs plus commerciaux, ou par manque de créativité...

La dernière est éthique : l’expérience menée par Sony ne risque-t-elle d’aboutir à la négation de la créativité humaine et à terme à l’industrialisation, voire à la mécanisation de la culture ? Sur le même modèle que celui de l’AI de FlowComposer, il est possible aujourd’hui d’écrire des textes, ou, nous en avons eu la preuve plus récemment, de peindre une toile dans le style d’un maître !

Technologie de pointe au service de la création ?

La technologie de pointe dans la production musicale ne vise pas à réduire les humains sur l’expérience de la création musicale, affirme-t-on chez Sony. C’est certes vrai dans sa phase d’expérimentation, et ce le sera pour des créateurs talentueux qui n’hésitent pas à s’entourer de technologies d’origines diverses pour stimuler leur créativité. Mais en sera-t-il de même pour tous ? La création musicale pourrait également succomber à la vague de l’automatisation et la robotisation. Il n’est pas certain que cela soit du goût de tous…

Le site du CSL de Sony : http://www.flow-machines.com/ai-makes-pop-music/