Le rachat de Time Warner par AT&T vient certes confirmer l’intérêt des géants des télécoms pour les médias, mais ce sont surtout les médias qui cherchent à faire du Google, du Facebook ou de l'Amazon...

A moins d’une surprise toujours possible, nous assistons en ce moment à la plus grosse opération de fusion/acquisition de l’année avec l’acquisition de Time Warner par AT&T, pour 85,4 milliards de dollars en numéraire et en actions.

Les telcos s'enrichissent des médias

Au premier regard, l’opération est simple, et entre dans le mouvement des telcos qui cherchent à diversifier leur activité et tout naturellement se tournent vers les médias, ou plutôt vers l’industrie du contenu.

Le géant américain historique des télécoms est le premier fournisseur de télévision payante sur le territoire des Etats-unis, le second plus grand fournisseur de sans fil, et le troisième de l’Internet à domicile. Time Warner est l'un des géants des médias, propriétaire d’un nombre étourdissant d’acteurs devenus incontournables comme HBO, CNN, Warner Brothers, DC Comics, TBS, TNT, Cartoon Network, et qui plus est qui possède les droits de diffusion télé de nombreux sports.

Ce mouvement n’est pas unique, on se souvient de l’acquisition de NBC par Comcast en 2011, de AOL et peut-être de Yahoo par Verizon. Ou plus proches de nous avec Orange et Dailymotion, ou encore la guerre que se livrent les chaines de télévision française face à Orange ou SFR pour les droits de diffusion des évènements sportifs.

On peut s’interroger, qui rachète qui ?

Oui, les telcos investissent dans les médias, mais qui au final prendra le dessus ? A partir de là, la question devient : quel va devenir le modèle dominant ? Et il ne faut pas chercher la réponse bien loin : c'est Google qui est ciblé ! Ou plus précisément le modèle des Google, Amazon ou Facebook qui empiète désormais sur ceux issus de la téléphonie.

A ce titre, les derniers investissements dans les infrastructures de communication, dans les câbles sous-marins par exemple, sont directement destinés à supporter les flux de vidéo grandissant sur internet…

A la question « qui doit payer les flux Internet, les opérateurs ou les producteurs de contenu ? », la réponse est dans la fusion des deux. Et bien évidemment l’utilisateur final qui paiera quoi qu’il arrive la facture ! Car ce sont les entreprises technologiques qui viennent empiéter sur les activités des compagnies du téléphone, et non l’inverse.

Une acquisition comme celle de Time Warner par AT&T s’inscrit donc plus dans une guerre que livrent les propriétaire des tuyaux à un Google, que dans une complétude d’offre alliant le réseau et le contenu. Surtout qu’un Google mise fortement, dans ses projets, sur les réseau sans-fil et leur extension, sur la fibre aux Etats-Unis avec Google Fiber, et que de l’autre côté Google contrôle Android, le principal OS de la téléphonie mobile, de quoi se sentir encerclé lorsque l’on s’appelle AT&T ! Dans ces conditions, l’activité de transport est condamnée à suivre et perd une partie de sa valeur…

Qui va tirer profit de la fusion ?

A court terme, le rachat va permettre à AT&T de combler certains vides et de tapisser des pertes. La fusion sera donc plutôt bien perçue par les marchés. Mais à plus long terme, il est probable que l’opérateur ne sera pas le gagnant, et les clients du nouvel ensemble non plus. La fusion n’a de sens ni pour les employés des deux groupes, ni pour les consommateurs.

Cela d’autant plus que tous deux ont un historique dans le domaine des Q&A (fusions et acquisitions) qui est loin d’être en leur faveur. En 1991, AT&T acquiert NCR pour 7,4 milliards de dollars, pour le revendre 6 ans plus tard 3,4 milliards. En 2000, Time Warner s’offre AOL pour 165 millions de dollars, et s‘en débarrasse en 2009 pour 2,5 milliards de dollars, mais sans rattraper le désastre...

Et il restera une étape à franchir : l’approbation de la fusion par les autorités règlementaires américaines. Une approbation qui pourrait être accompagnée de l’obligation de diffuser les contenus provenant des concurrents, comme Comcast ou… Google. Le mariage du contenu et des tuyaux a du sens, mais devient rentable si les deux sont sous contrôle et permettent de juguler la concurrence. Si ce n’est pas le cas, il sera difficile de justifier d’un prix d’acquisition aussi cher...