Adobe a officialisé la fin des audits de conformité de ses licences logicielles. Et il se murmure que d’autres grands éditeurs vont suivre… Et alors ?

La décision d’Adobe serait presque passée inaperçue si Gartner ne l’avait montée en pression, et si The Register n’avait fait de même avec Oracle qui fermerait un de ses services d'audits : Adobe met fin progressivement à ses audits logiciels. En réalité, la cessation a été engagée fin 2015, pour l’Amérique, l’Europe et le Japon, et va se prolonger pour l’Afrique et le Moyen-Orient, avant de se terminer en Asie-Pacifique. Simplement, Adobe ne l’avait pas ébruité…

Pas d’équilibre entre les pratiques… des éditeurs et de leurs clients

Entre le piratage logiciel et les dysfonctionnements dans la gestion des ressources logicielles, de nombreux utilisateurs déploient des applications sans se préoccuper des licences. Ces dérives, mais aussi la facilité avec laquelle il est possible aujourd’hui de déployer un serveur ou un poste virtuel, sans aucun suivi derrière même si le poste n’est plus utilisé, font les choux gras des audits de logiciels dans les organisations.

S’y ajoutent des pratiques constables de certains éditeurs, vous êtes nombreux à l’avoir évoqué avec nous et à vous en déclarer les victimes. Les redressements imposés par ces éditeurs représentent aujourd’hui une source de revenus difficilement contestable, fruit pour certains d’une arrogance indigne de ceux qui se présentent par ailleurs comme les partenaires des organisations.

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Le cas Adobe

C’est pourquoi la décision d’Adobe aurait de quoi surprendre, si la réalité n’était autre. L’éditeur a pris voici quelque temps (2013) l’orientation de proposer ses solutions dans le cloud, en mode SaaS version Creative Cloud. Si l’argument de la faiblesse du coût apportée par le mode locatif est contestable — le cumul des mensualités au bout de quelques années démontre au contraire que les applications se révèlent d’un prix exorbitant ! – l‘un des principaux avantages pour un éditeur est de conserver le contrôle sur l’usage de ses produits, puisqu’ils s’exécutent au travers de ses serveurs.

Plus une application est disponible et utilisée en mode SaaS, et moins de licences logicielles circulent dans les organisations, remplacées par des factures de location. Des grands éditeurs, Adobe est l’un des plus avancés dans cette démarche. L’abandon des audits — non définitif, Adobe se réserve le droit d’effectuer des audits ponctuels — n’est donc pas un évènement majeur, mais plutôt la conséquence de l’évolution des modes de consommation des produits numériques.

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Le cas Microsoft

À ce titre, il n’est pas surprenant qu’un autre éditeur a adopté un profil bas sur les audits, Microsoft. Alors que SAP, mais surtout Oracle sont entachés de leurs pratiques d’audits, Microsoft affiche une image moins rigide. De façade, car l’éditeur est l’un des piliers de la BSA — The Software Alliance, l’organisme mondial de défense et de promotion de l’industrie du logiciel, qui mène des actions pour la protection de la propriété intellectuelle.

Le choix d’Adobe de mettre fin à ses audits de conformité de ses licences logicielles, ou tout du moins à la grande majorité d’entre eux, n’est donc en rien une preuve d’assouplissement de sa lutte contre le piratage ou les dérives de l’usage des licences logicielles. Il est le fruit d’un meilleur contrôle des usagers, qui passe par l’automatisation des systèmes de contrôle, et l’expertise dans les solutions de SAM (Software Assets Management). Ainsi que d’un calcul de ROI qui met en doute la rentabilité des audits sur le cloud.

Lorsque Microsoft modifie ses conditions pour accéder au statut de partenaire Silver ou Gold, c’est pour inciter ses partenaires à évoluer vers des compétences cloud, mobilité, big data et datacenter. Mais c’est aussi pour acquérir des compétences dans les domaines d’automatisation et de SAM. C’est bien tout l’écosystème de l’éditeur qui est invité à se mettre au diapason de sa stratégie. Et donc à devenir le relais des nouvelles stratégies de contrôle.

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Le cas Oracle

Dans ces conditions, l’annonce par Oracle de la probable fermeture de sa division COLS (Compliance and Optimisation License Services), chargée d’effectuer un suivi de l’utilisation des logiciels par les clients, est à relativiser. Et à rapprocher de la volonté du géant aux pratiques contestées de devenir le leader du cloud et le premier à dépasser les 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires dans ce domaine (Amazon AWS le fera certainement avant lui !). L’annonce fera sourire, jaune !, les clients d’Oracle, ce n’est pas cette division qui est en charge des audits controversés, mais la division « License Management Services ». La stratégie d’audits d’Oracle, pour ne citer que celui-là, ne risque pas de s’arrêter de si tôt.

En conclusion, et pour en revenir à la décision d’Adobe, celle-ci est à inscrire dans la continuité des nouveaux modèles économiques — locatif, cloud et SaaS — des éditeurs. L’automatisation des plateformes et le contrôle des usages rendent moins pertinents les audits. Et il est probable que la rentabilité des procédures d’audits, en plus du déficit d’image dont souffrent certains éditeurs aux pratiques contestées, ne soit pas (plus) au rendez-vous. Le mouvement est engagé, et tant que le client continuera de payer, qu’il s’agisse de la licence ou de la location, rien ne l’arrêtera.

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Image 98025333 @ iStock Guingm