Martin Bouygues contre-attaque alors que son groupe s'est trouvé écarté de la négociation pour l'acquisition de SFR (lire « Rachat de SFR : Vivendi entre en négociation avec Numericable »). Le troisième opérateur télécoms français, qui bénéficie de l'appui du gouvernement, a revu son offre à la hausse sur le cash et à la baisse sur la participation de Vivendi dans la future entité.

Alice/Numericable avait séduit le conseil de surveillance de Vivendi avec un cash évalué supérieur de 450 millions d'euros par rapport à l'offre de Bouygues (11,3 milliards pour Bouygues contre 11,75 pour Numericale), et en proposant au groupe de conserver une participation de 32 % contre 43 % pour Bouygues. Sur la base de cette offre, Vivendi était donc entré en négociation exclusive avec Numericable.

La surenchère de Bouygues

Qu'à cela ne tienne, Bouygues a décidé de se montrer offensif et revient à la charge avec une offre destinée à séduire le conseil de surveillance de Vivendi. La part du numéraire de son offre est portée à 13,2 milliards d'euros, ce qui triple le cash proposé par rapport à l'offre de Numericable, soit 1,4 milliard en numéraire. Quant à la participation de Vivendi dans la future entité quoi doit être introduite en bourse, elle est ramenée à 21,5 %.

Martin fait appel à ses 'amis'

Pour réaliser ce dernier tour de passe-passe, Martin Bouygues s'est tourné vers ses vieux amis et alliés, Jean-Claude Decaux et François Pinault. Le premier, qui est déjà actionnaire de Bouygues Telecom via sa sociaté JCDecaux, va mettre 100 millions d'euros au pot. La participation du second sera de 150 millions d'euros, apportés par la holding Artemis.

Ce serait l'apport de ces deux investisseurs qui aurait permis à Bouygues de faire entrer un troisième investisseur dans le projet, la Caisse des Dépôts et Consignations, qui devrait investir 300 millions d'euros en cash. Ce qui devrait permettre à la Caisse d'occuper une place d'investisseur institutionnel dans la future entité lorsqu'elle sera introduite en bourse, soit une participation de l'ordre de 3 %.

L'accord passé avec Free, à savoir la cession à ce dernier du réseau de Bouygues Telcom et d'une partie den ses fréquences contre 10,8 milliards d'euros en cash, est maintenu.

Quel a été le rôle de l'Etat dans ce rebondissement ?

Le gouvernement, en la parole d'Arnault Montebourg (lire « Rachat de SFR : l'opposition entêtée de Montebourg »), et plus récemment de Fleur Pellerin, a clairement pris position pour l'offre de Bouygues. Avec l'arrivée de la CDC parmi les investisseurs qui accompagnent l'opérateur, la question d'une commande présidentielle est posée. Jean-Pierre Jouet, son directeur général, a affirmé que non, la Caisse aurait répondu à un appel de Bouygues, et son investissement, si le rachat de SFR par Bouygues aboutit, ferait figure de ligne de portefeuille classique.

La CDC possède également, directement et via ses fonds d'épargne et CNP Assurances, environ 4 % du capital de Vivendi comme de Bouygues. Son entrée en lisse pourrait donc appuyer l'offre de Bouygues auprès de Vivendi. D'autant plus que le Président de son propre conseil de surveillance, Henry Emanuelli, s'est également prononcé pour le groupe de BTP.

Les négociations 'exclusives' entre Vivendi et Numericable vont continuer pendant deux semaines encore, mais vu les ambitions financières des membres du conseil du premier, nul doute que la nouvelle offre de Bouygues va jeter le trouble parmi les actionnaires. Les plus petits d'entre eux se sont en tout cas, et dès le départ, prononcés pour Bouygues. Mais ont-ils l'écoute du président du conseil de Vivendi, Jean-René Fourtou ?