Le DSI a-t-il encore sa place dans l'entreprise ? Le DSI a-t-il sa place au conseil d'administration ? En dehors des exceptions qui confirment la règle, la réponse souvent entendue est clairement NON ! Mais comment a-t-il fait pour se placer dans cette impasse ?

L'histoire est connue : le secret pour vendre au DSI, c'est de s'adresser à son patron. Le contexte a cependant changé, et ce qui était vrai jusqu'à il a une dizaine d'années ne l'est plus aujourd'hui : le secret pour vendre au DSI, c'est désormais de vendre… aux métiers.

Très concrètement, si vous nous lisez régulièrement, vous savez que la barre a été franchie, et qu'aujourd'hui plus de la moitié des budgets IT sont gérés et dépensés… en dehors de la DSI. Mais que s'est-il donc passé pour que le DSI ne soit plus que l'ombre d'une fonction souveraine dans l'entreprise ?

  • Un poste dans l'impasse

Jetons tout d'abord un œil sur les entreprises qui composent le haut du panier des places boursières mondiales. Ils ne sont qu'une poignée d'anciens (par l'ancienneté) DSI à occuper ce poste depuis de nombreuses années, ce qui n'est pas le cas des PDG, Vice-présidents, DAF, DRH, et des directions métiers. Et la pratique de la rotation imposée sur les postes n'explique pas tout.

Pour beaucoup de DSI, le poste est une impasse, qu'il faut quitter si l'on veut progresser dans l'entreprise ou ailleurs. La fonction elle-même a évolué, exit le super-technicien, soit la DSI dispose des compétences techniques au sein de son équipe, soit elles ont été externalisées. Le DSI est devenu un administrateur, et à la différence des autres 'C-level', son rôle est devenu consultatif. S'il est présent dans un comité exécutif, c'est pour occuper 'temporairement' un siège vacant ! Jusqu'au budget IT qui lui échappe.

  • Un niveau hiérarchique dévalorisé

Entre l'écrasement des niveaux hiérarchiques et la montée en puissance des directions métiers, l'organigramme des entreprises entretient l'illusion pour le DSI d'occuper un poste de niveau C, vous savez, des C-Level chers à nos amis américains. C'est oublier que le pouvoir est détenu dans une triangulaire, le CEO (PDG), le COO (héritage du vice-président) et le CFO (DAF ou directeur financier). Les autres 'C-quelque chose' sont issus du mouvement d'écrasement des niveaux hiérarchiques, mais ils occupent en réalité une position ambiguë, coincés entre le trio de tête et une floppée de directeurs, des VP (vice-président) et autres SVP (senior vice-président).

  • Des erreurs stratégiques

Dans les années 70, les DSI se sont cramponnés au mainframe. ll en est resté une idée simple, pour ne pas prendre de risque, laissons la place à IBM ! Le résultat, la DSI a raté la vague des mini et des stations de travail. On remet ça dans les années 80, les DSI se sont cramponnés à l'informatique centralisée, ils ont raté la vague du PC et du Mac. Dans les années 90, ce sont les applications client-serveur qui ont retenu son attention, et ils ont raté la vague de l'Internet. Dans les années 2000, les DSI se sont cramponné à leur PC et à l'ERP, et ce sont les utilisateurs qui se sont emparés des smartphones, des tablettes et du cloud.

Et aujourd'hui ? Loin de stimuler le progrès, le DSI tend encore à l'entraver, se protégeant derrière la sécurité, peine à monter sur la marche de l'innovation, abandonne un large espace aux métiers, en particulier du marketing, et continue de mener un combat d'arrière garde qui va probablement le mener à sa perte.

  • Le consultant tout puissant

Dans l'univers délétère de la DSI qui se cherche, certaines images d'Epinal demeurent. Comme celle ancienne des hommes en costard bleu, maitres tout puissants des ordinateurs. Ou encore plus récemment ce doigt qui pointe en haut à droite d'un certain 'magic quadrant'. Une idée simple sous-tend ces images, limiter la prise de risque en se référant à l'incontournable.

Cette approche du consultant tout puissant qui oriente la stratégie de la DSI et limite la responsabilité du DSI est encore vivace dans de nombreuses entreprises. Elle participe à maintenir une DSI intrinsèquement amorphe, qui s'enlise sous la complexité d'une transformation digitale qui ne peut que lui échapper.

  • Une prime directive en situation d'échec

Quelle est la première mission du DSI ? Maintenir l'entreprise et son information en sécurité. Quelle est le premier frein à l'adoption des nouvelles technologies selon le DSI ? La mise en cause de la sécurité des nouvelles technologies.

Regardons maintenant nos SI : le terrain et la multiplication des scandales liés à la cybersécurité nous révèlent qu'ils sont étanches, voir pour certains une véritable passoire. Pourquoi ? La faute n'en incombe pas aux mesures de sécurité prises, ni au remarquable travail des RSSI, mais plutôt au fait que quelque soit l'avis de la DSI, les nouvelles technologies pénètrent dans l'entreprise, par la petite porte des métiers s'il le faut. Une telle débâcle n'a qu'un effet, elle érode la crédibilité du DSI.

  • La fin du monolithe

Le modèle du DSI responsable de l'information dans l'entreprise correspond bien à celui de l'entreprise monolithique. Un modèle qui repose sur la centralisation, sur une organisation unique à la cartographie et la périmétrie connues. Mais ce qui était vrai au siècle dernier ne l'est plus aujourd'hui. Et la périphérie de l'entreprise s'est estompée au profit d'une organisation ouverte sur son écosystème, ses fournisseurs, ses partenaires, ses clients, etc.

Combien de DSI demeurent suspendus à leur modèle d'organisation unique et centralisée, à les protéger, quitte à faire preuve d'immobilisme. Les méthodes agiles, DevOps, le Cloud Computing, la mobilité, et jusqu'au Big Data, le SI de demain est ouvert et mise sur la vitesse et sur l'innovation pour devancer ses attaquants et ses concurrents. C'est un véritable changement de paradigme pour le DSI... qui ne sait comment embrasser le mouvement qui quoi qu'il arrive va le dépasser et s'imposer.

Le DSI de demain

De plus en plus de personnes s'interrogent sur l'avenir, voire l'existence même du DSI. Sans entrer dans ces extrêmes, la question mérite d'être posée, car l'argumentation contre le DSI d'hier doit être entendue. Ce qui est certain, c'est que le DSI de demain ne ressemblera pas à celui d'aujourd'hui. La transformation digitale des organisations doit également porter sur le/la DSI. Au DSI d'en être conscient et de surfer sur la 'bonne' vague, celle qui lui redonnera la crédibilité.

Image d'entête iStock @ wichai leesawatwong