Microsoft n'est pas reconnu comme un stratège de la croissance externe, mais deux acquisitions majeures en 11 semaines qui concernent des éditeurs de solutions pour Android et iOS, voilà qui soulève de nombreuses interrogations.

Microsoft n'est pas Oracle, Larry Ellison, le fondateur et désormais retraité très actif du géant des bases de données l'a longtemps claironné. Cette différence se mesure dans le gouffre qui sépare la stratégie de croissance externe d'Oracle, qui a construit son catalogue applicatif et matériel à coup d'acquisitions, tandis que la stratégie d'acquisition de Microsoft se veut plutôt parcimonieuse et ciblée, voire moins ambitieuse, à l'exception de (l'erreur ?) Nokia.

Le départ de Steve Ballmer de la tête de Microsoft allait-il offrir plus d'alternatives dans la stratégie de croissance du groupe ? Il a d'abord laissé peu de temps à Satya Nadella, son remplaçant, pour gérer la monstrueuse protubérance Nokia. Le nouveau patron a choisi de trancher dans le vif, mais l'a joué avec suffisamment de finesse pour qu'au final le marché en parle peu…

2 acquisitons dans l'applicatif mobile

Cette affaire sous contrôle, voici que Microsoft vient d'annoncer deux acquisitions majeures en 11 semaines : Acompli, un client mail acquis pour 200 millions de dollars en décembre dernier, et Sunrise Atelier, un concepteur de calendriers mobiles acquis pour probablement 100 millions de dollars.

Trois choses surprennent dans ces acquisitions : la première est qu'elles concernent le mobile ; la seconde est qu'elles portent sur des applications pour environnements Android et iOS ; la troisième est que, sans atteindre les excès de certaines acquisitions réalisées par le géant des réseaux sociaux, Microsoft a quand même mis le paquet pour acquérir deux start-up largement valorisées en dessous de la mise de l'éditeur.

Les commentaires des experts sont plutôt négatifs. Les dernières acquisitions de Microsoft sont généralement considérées comme un signe de faiblesse, qui démontre l'incapacité de l'éditeur de développer en dehors de ses clous, c'est à dire hors de ses plateformes. Ce qui viendrait contredire sa capacité à concrétiser sa stratégie multi-plateformes.

Une vison déformée

Il est facile d'adhérer à cette vision. Mais pour nous, elle est quelque peu réduite sur un marché du mobile en mouvance permanente. Où surtout l'innovation ne vient plus des géants qui peinent à se renouveler, mais de start-ups à l'imagination débordante. Microsoft, avec l'acquisition d'Acompli et de Sunrise, ne fait que suivre le mouvement.

Nous y voyons également un autre signe, celui de l'abandon de l'orgueil péremptoire d'un Steve Ballmer - le fonceur qui voulait passer à tout prix et continuait de s'enfoncer dans ses erreurs - pour plus de pragmatisme, et presque à une reconnaissance des erreurs passées. Depuis ses premiers projets dans le mobile, Microsoft n'a cessé de se planter. Ce qui se traduit par une part de marché anecdotique, que seule la puissance financière du géant du logiciel a permis de maintenir.

Aujourd'hui, ces acquisitions pourraient être le signe, sur le mobile, d'une certaine relâche sur la préférence culturelle portée à Windows. Elles sont surtout la reconnaissance que malgré ses pléthoriques équipes de développement, l'éditeur manque de compétence sur les environnements à succès dans le mobile et les tablettes. Or, une applications sous Android ou iOS ne se développe pas comme une application sur Windows. Là est une des grandes erreurs de Microsoft, l'ingénierie ne doit plus penser applicatif mobile comme une extension d'Office sous Windows.

Et surtout, pendant ce temps, de petits éditeurs comme Sunrise sont capable de traiter les rendez-vous sur l'agenda Google, le calendrier Apple, mais également sous Exchange, ainsi que des évènements sur Evernote, Facebook, ou encore sur des ToDo List ! Un savoir faire qui, malgré ses moyens, manque à Microsoft.

Acheter pour ne pas lâcher prise

Au moment où les smartphone et, dans une moindre mesure, les tablettes, mais aussi les modes d'usages qu'ils créent, changent la donne sur notre consommation de services et de données IT, il faut voir dans les dernières acquisitions de Microsoft la volonté de raccrocher les wagons à un phénomène, la mobilité, que l'éditeur n'a pas su appréhender le moment voulu, et sur lequel il est clairement en deçà de ses espérances.

Et puis, il est un marché qui s'annonce d'une grande richesse, et que l'éditeur ne doit pas rater, celui de la gestion des mobiles et des services en mobilité. Un marché qui doit prendre en compte l'une des attentes les plus fortes des utiliateurs, disposer d'applications qui tournent quelque soit la plateforme. Microsoft n'a pas le temps, et il l'a démontré il n'a pas toutes les compétences, pour développer en interne les applications qui permettront d'intégrer ses plateformes dans une stratégie de mobilité transparente.

Alors, les acquisitions d'Acompli et de Sunrise Atelier se font logiques, et replacent Microsoft sur le même plan que ses compétiteurs, à aller piocher des ressources dans le vivier des start-ups pour alimenter indifféremment Windows Phone, iOS et Android. Cependant, n'est-il pas trop tard pour le géant que l'on dit condamné à mourir à petit feu ? Seul l'avenir nous le dira...