Numericable s'offre SFR, le gouvernement appelle à la consolidation des télécoms, Bouygues est en difficultés, Orange conteste le rachat... et négocierait un 'rapprochement' avec Bouygues Télécom. Décidément, la saga des opérateurs télécoms français n'en finit plus de jouer les rappels !

 

Difficile de passer à coté d'une actualité aussi brulante dans le paysage IT français. Mais dans le même temps l'audience de nos articles sur le sujet s'érode. D'abord parce que le feuilleton qui oppose Numericable, SFR et Bouygues, et aujourd'hui Orange ne cesse de jouer les prolongations, et d'une grande saga des opérateurs télécoms elle devient l'évocation d'une guerre de tranchée qui pourrait devenir meurtrière. Ensuite parce que les médias s'en sont emparés et que le sujet est devenue une actualité quotidienne qui n'a pas besoin de nous pour s'étaler un peu plus.

Sauf que nos premiers articles ont retenu votre attention, et que depuis une partie d'entre vous continue de suivre le feuilleton avec nous. Nous ne souhaitons pas vous décevoir, alors nous continuons de suivre l'affaire, tout en essayant d'y apporter le regard inquisiteur et/ou décalé qui participe à la richesse d'IT Social. Rejoignez-nous pour suivre la grande saga des télécoms à la française !

Résumé des épisodes

Premier acte : Vivendi vend SFR, Numericable se porte candidat pour son acquisition, Bouygues Télécom également et joue la surenchère, le gouvernement prend position pour ce dernier scénario, Vivendi tranche pour Numericable, fin du premier acte. Nous vous invitons à relire nos articles pour revenir sur les épisodes de la saga.

Le deuxième acte débute sur le mécontentement de Bouygues, les résultats de l'opérateur ne sont pas bons, l'acquisition de SFR prend la tournure d'une bouée de sauvetage que le géant des BTP n'a pas su saisir au bon moment. Le gouvernement relance le scénario de la consolidation de 4 en 3 opérateurs. Le rumeur Free enfle, mais personne n'y croit vraiment. Bouygues laisse courir une autre rumeur, une réduction d'effectif, un pion stratégique sous la forme d'un message alarmiste adressé à un gouvernement qui ne sait comment se sortir de la spirale du chômage !

Orange entre dans l'arène

Ce second acte joue les prolongations avec l'entrée d'un nouveau personnage, qui jusqu'ici se contentait de jouer les figurants, le géant Orange. Son patron, Stéphane Richard, avait pris position pour le scénario Bouygues Télécoms lors premier acte. Hier, il passe à l'attaque en révélant au Financial Times qu’il va contester le rachat de SFR par le groupe Altice-Numericable. Pour des motifs « fiscaux et réglementaires », à savoir une histoire de taux de TVA entre cuivre, fibre, câble et bouquets télévision.

Aujourd'hui, nouveau rebondissement, le journal Les Echos révèle l'existence de discussions entre Orange et Bouygues. Et les deux protagonistes ne démentent pas. Pour autant, ne nous enflammons pas, présentée comme un 'cliffhanger' (suspens), la révélation n'est qu'un évènement qui prend place entre deux épisodes, histoire de nous tenir en haleine. Une discussion n'est pas une négociation, et elle est coutumière entre grands groupes, tout comme entre ces derniers et des entreprises plus petites mais qui présentent des technologies intéressantes.

Pourquoi Orange ?

Au delà du feuilleton SFR, pourquoi l'opérateur Orange s'intéresserait-il à son concurrent Bouygues Télécoms ? Rappelons tout d'abord qu'il s'agit d'un microcosme dans lequel se mélangent télécoms, médias, BTP, grands patrons, politiques, et syndicats. Et où tout le monde se connait, se côtoie, et parfois arrange les coups en douce. Notez qu'une certaine Rafika Rezgui, nommée porte-parole du PS en avril dernier, est également directrice des services extérieurs de Bouygues Télécom, voilà qui fleure bon le lobbying ! Numericable fait figure de vilain petit canard dans ce Landerneau qui se veut franco-français !

Si un rapprochement Orange-Bouygues, sous la forme du plus gros qui avale le plus petit, parait peu probable - les autorités de régulation européennes pourraient bien y opposer un véto -, dans le même temps l'actionnaire de référence de l'opérateur historique est l'Etat français, ce qui pourrait arrondir les angles au cas ou ce scénario serait retenu. Un coup de pub détourné sur TF1, un gouvernement qui pourrait lâcher du lest dans l'affaire Alstom, Bouygues Télécom sauvé par phagocytage, l'affaire est enlevée ! «  On évalue nos options, mais personne ne m’a demandé du côté de l’Etat d’étudier le rachat de Bouygues Telecom  », a cependant affirmé Stéphane Richard.

Un prix 'raisonnable' et une fréquence

Bouygues Télécom est aussi intéressant pour deux autres motifs. Tout d'abord le prix de la division télécoms du géant des BTP n'est pas des plus élevés. Et à force de s'apitoyer sur ses résultats, la perte d'abonnés, et des projets de réduction de la masse salariale, il ne risque pas d'augmenter. Il se situe cependant dans une fourchette de 4,4 (offre Free) à 8 (fixé par Martin Bouygues) milliards d'euros. Si l'affaire se conclue en grande partie en échange d'actions, le groupe Bouygues et son partenaire JC Decaux, qui possède 10 % de la filiale télécoms, deviendraient de facto le premier actionnaire de référence d'Orange, derrière l'Etat.

Ensuite Bouygues Télécom possède une vraie pépite pour un opérateur, l'accès à la bande de fréquence des 1800 MHz. C'est d'ailleurs ce qui a permis à l'opérateur d'être le premier dans la couverture de la 4G. La problématique de la 4G, c'est qu'elle n'est pas cumulative. Sur un routeur associé à une antenne, les téléphones connectés se partagent la bande passante en la divisant en autant d'utilisateurs. Plus il y aura d'abonnés, et moins la 4G sera efficace. Si on ajoute à cela la multiplication exponentielle de la data et les velléités de certains opérateurs dans la diffusion des médias, un coup de pouce de Bouygues dans la couverture et l'approvisionnement des services d'Orange serait certainement le bienvenu.

Du coup, le feuilleton SFR, devenu désormais Bouygues Télécom pourrait prendre une tournure plus stratégique, sans que pour une fois le consommateur en soit gagnant. Car en réduisant de 4 à 3 le nombre de nos opérateurs, entre un Orange dominant, un Numéricable-SFR endetté, et un Free isolé et soumis à l'obligation de réaliser de très gros investissements, la guerre des prix pourrait bien prendre fin et le coût de la mobilité rapporté à l'utilisateur en prendre un coup.

A suivre...